Arte diffusera le film de Mike Leigh ce soir, à 21h.
Qualifié de romantique, puis de pré-impressionniste, Joseph Mallord William Turner a laissé à la postérité une œuvre admirable d’où émergent ses paysages et ses marines définis par des ambiances à la limite du fantastique. Le "peintre de la lumière" n’était cependant pas aussi exalté que ses tableaux pourraient le laisser supposer. C’est même tout l’inverse si l’on en croit Mike Leigh, qui le présente, de prime bord, comme un être taciturne et atrabilaire, voire détestable – il n’a même pas assisté à l’enterrement d’une de ses deux filles. Timothy Spall accentue cette caricature en la jouant ronchon pendant tout le film, ses principales interventions se résumant à un grognement d’animal.
Timothy Spall : "Turner est une énigme"Mr. Turner n’est de facto pas un biopic aimable. Il n’est surtout pas conformiste : Leigh est suffisamment subtil pour ne pas faire du personnage un cliché ambulant de peintre excentrique et manipulateur. Le renfermement, presque psychotique, de Turner dissimule ainsi une pudeur de petit garçon qu’on constate à la mort de son père adoré, son confident et premier collaborateur, ou lorsqu’il rejoint sa vieille maîtresse au bord de la mer. Son cynisme de cour (il a une image d’Académicien à entretenir) est contrebalancée par son altruisme discret envers ses collègues. Comme un tableau est le fruit d’une succession de couches, il faut gratter derrière le grumeleux Mr. Turner pour en apprécier les nuances et l’humanisme contrarié. Magnifié par la photo incandescente de Dick Pope, c’est un hommage à la condition d’artiste, par essence solitaire et sans compromis. La lumière est à ce prix.
Christophe Narbonne
Mr. Turner de Mike Leigh, avec Timothy Spall (qui a reçu le prix d'interprétation à Cannes pour ce rôle), Paul Jesson et Dorothy Atkinson revient ce soir sur Arte. Bande-annonce :
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