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Le festival de Dinard s'est achevé dimanche dernier avec la consécration de TyrannosaurDepuis 1990, le Festival du Film Britannique de Dinard donne la température de ce qui se tourne de l’autre côté de la Manche. La production est toujours fournie et variée, et donne l’occasion de découvrir des films longtemps avant leur sortie en France - quand ils sortent. C’est toujours instructif : il y a quelques années, on  avait pu voir le très bon The escapist (édité seulement en DVD), avec Brian Cox, dont le réalisateur Rupert Wyatt a par la suite été appelé à Hollywood pour tourner La planète des singes : les origines.Comme tout festival qui se respecte, Dinard a aussi ses abonnés. Shane Meadows, consacré en 2006 avec Made in England était de retour en Bretagne avec la série télé adaptée de ce film. On pouvait y retrouver les mêmes personnages (joués par les mêmes acteurs) trois ans plus tard (c’est-à-dire en 86).Mais revenons à cette édition, avec une compétition dominée par le premier film de l’acteur Paddy Considine, lauréat du Hitchcock d’or : Tyrannosaur commence par décrire un alcoolique brutal et agressif joué par Peter Mullan. Dans la première scène, il tue son chien, qu’il aimait pourtant bien - en tout cas beaucoup plus que les gens. On le sent à la limite de l’explosion, jusqu’à ce qu’il rencontre une femme, dont on ne sait pas encore qu’elle est plus mal barrée que lui. Dans ce contexte typiquement irlandais, la vie est dure et pour la supporter, on recourt toujours aux mêmes moyens : l’alcool et la religion. L’histoire prend une direction  trompeuse, dévoilant par bribes le passé des protagonistes, jusqu’à une révélation inattendue. Comme souvent dans les films réalisés par des acteurs, les personnages sont mis en avant et leurs interprètes bien dirigés. Le Grand prix mérité facilitera peut-être l’acquisition de ce film qui bénéficie d’un bon buzz depuis qu’il tourne dans les festivals, mais dont la noirceur effraie les distributeurs potentiels. Autre premier film, celui de Jim Loach, digne fils de Ken. Avec Oranges and Sunshine, il évoque une affaire très embarrassante pour les autorités anglaises : parce que leurs parents étaient jugés irresponsables, des dizaines de milliers d’enfants pauvres ont été déportés en Australie, pour y être préparés à une nouvelle vie « pleine de soleil et d’oranges ». La plupart du temps, ils étaient exploités, maltraités et parfois violés. Le film ne revient pas sur les causes oubliées de ce projet d’état aussi maladroit que douteux , mais sur ses résultats, tels que les a découverts par hasard une assistante sociale, jouée par Emily Watson. C’est donc un film de bonnes intentions, un portrait de sainte laïque, avec tout ce que ça implique : la vie d’une Florence Nightingale contemporaine est plus édifiante mais moins amusante que les aventures d’Hannibal Lecter. Primé à Dinard il y a quatre ans avec My name is Hallam Foe, David Mackenzie revenait cette année avec pas moins de deux films en sélection. Le premier, Perfect sense, a été réalisé il y a deux ans. En fait, c’est une variation de Blindness, mais avec une maladie qui affecte tous les sens les uns après les autres. L’épidémie sert à installer le contexte pour une intrigue classique centrée sur un garçon (Ewan mcGregor) qui rencontre une fille (Eva Green). L’inévitable comparaison avec le film de Fernando Meirelles ne joue pas en faveur de l’anglais, dont le scénario a beaucoup de mal à trouver un équilibre entre la sphère privée (les amoureux) et le reste du monde. En fait, autant dans sa conception que dans sa représentation, l’hypothèse de l’épidémie est si abstraite et schématique qu’elle ne suffit pas pour construire un film de SF crédible. Réalisé aussitôt après, You instead représente un changement radical, en terme de production. Autant le  premier était relativement lourd, autant le second, tourné en quatre jours, est simple. Les deux films ont en commun la même histoire : un garçon rencontre une fille, cette fois dans le cadre d’un festival de musique en Ecosse. Lui est le chanteur d’un groupe américain, elle joue du clavier dans un girl group. Par hasard, ils se rencontrent, se détestent et se retrouvent attachés l’un à l’autre par des menottes. Le film leur colle aux basques au cours du jour et de la nuit qui suivent. Il capture l’ambiance du festival tout en gardant le fil d’une histoire parfois improvisée qui aboutit à une conclusion prévisible mais étonnamment satisfaisante. Un feelgood movie certifié, ce qui n’a pas empêché le prix du public d’aller à à l’Irlandais, qui sort en décembre. Sur le thème classique du duo que tout sépare,  un flic raciste (Brendan Gleeson) reçoit la visite dans une petite ville irlandaise d’un agent du FBI (Don Cheadle) qui enquête sur un trafic de drogue.  Un peu facile, mais ça marche très bien en grande partie grâce à Brendan Gleeson. John Hurt, à qui un hommage était rendu, a parlé en toute franchise de sa carrière, qui se renouvelle sans cesse, de l’importance de ses contributions (« je n’y suis pour rien, j’attends qu’on vienne me chercher »), sans être dupe sur la qualité de certains titres, pas nécessairement à la hauteur de leurs prestigieux auteurs. On y reviendra.