La gourmandise concoctée par Martin Bourboulon est un peu grasse, même si la reconstitution du Paris de Bonaparte est spectaculaire.
Le soufflé est vite retombé. Le biopic sur Marie-Antoine Carême, présenté en avant-première hier soir, pour l'ouverture du festival Séries Mania, s'avance comme l'un des événements télévisuels du printemps (elle sortira le 30 avril). Une grande épopée historique en costumes, cuisinée par Martin Bourboulon, le réalisateur de l'impressionnant diptyque Les Trois Mousquetaires (en 2023) et portée par Benjamin Voisin, héros césarisé des fantastiques Illusions Perdues de Xavier Giannoli. La recette du succès en somme. A minima de quoi nous mettre l'eau à la bouche. Sauf que Carême nous est restée sur l'estomac.
L’intrigue raconte le Paris de l’an VIII, après le coup d'Etat du 18 Brumaire. La France vit sous le joug du Consulat de Bonaparte. Près du Palais-Royal, le jeune Marie-Antoine Carême est un prodige de la pâtisserie. Il a tout appris chez son "père", Sylvain Bailly qui vient de se faire arrêter par Fouché, Ministre de la Police. Repéré par le Premier Consul en personne, c'est finalement Talleyrand qui le prend sous son aile et lui fait gravir les échelons d’une société française post-révolutionnaire encore en mutation. Entre les fastes retrouvés des salons mondains et les tensions politiques larvées, Antonin Carême essaye de faire libérer Bailly en imposant son art aux palais des puissants... qu'il exècre tant.

La fresque sur le père de la gastronomie moderne aurait pu être un festin raffiné. Elle se décline en fait en pièce-montée pop et acidulée, qui s’effondre sous le poids de ses excès. Préférant la flamboyance à l’authenticité, la série prend des libertés grossières avec la réalité, pour dessiner le portrait d'un rebelle au fourneau. Benjamin Voisin fait du cuisinier un ado surdoué et mutin, et transforme Carême en James Dean parisien insoumis.
Pourtant, la reconstitution historique est d’une richesse rare. Le tournage dans des décors réels (Les Tuileries, l’Opéra Garnier, le Palais Royal etc.) apporte une valeur indéniable, et permet de prendre admirablement le pouls de cette période troublée, contant en filigrane les intrigues politiques qui gravitaient autour de Bonaparte. Mais cette rigueur s’arrête aux costumes et aux lieux. Carême préfère jouer la carte de l'Histoire rock’n’roll, où la haute-société de l'époque est érotisée à outrance, dans des mises en scène tape-à-l’œil. Si l'on peut apprécier la liberté de ton, cette relecture excessive laisse un drôle de goût en bouche et confine parfois à la caricature, jusqu'à transformer Fouché en vilain de cartoon.

Et puis, il y a la gastronomie. La série n'est pas l’ode à l’art culinaire qu'on aurait pu croire. Carême cède volontiers à la mise en scène grasse de la dégustation, où chaque bouchée se transforme en un étalage vulgaire. Plans serrés sur des doigts léchés, pâtisseries englouties dans des soupirs lascifs : on est loin de la délicatesse ciselée de Tran Anh Hung. Tandis que Dodin Bouffant sublimait la cuisine en une poésie visuelle et sensorielle, Carême la réduit à une surenchère de pulsions primaires.
Carême, saison 1 en 8 épisodes, à voir sur Apple TV+ à partir du 30 avril 2025.
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