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Oncle Boonmee... est sans conteste son oeuvre la plus accessible. Elle fonctionne comme un film à sketches abordant les vies antérieures de Boonmee en tant que buffle ou princesse. Si le rythme peut irriter, cette indolence est néanmoins nécessaire pour pouvoir s’enfoncer dans une jungle existentielle pas si touffue que ça pour peu qu’on la situe au carrefour entre l’animisme d’un Miyazaki et la science-fiction minimaliste d’un Tarkovski. Les adeptes du zen seront sans doute les plus réceptifs à ce récit karmique épluchant les différentes écorces d’une vie afin de permettre à un mourant de se réconcilier avec le monde. Weerasethakul lui offre une superbe extrême-onction, tout en apaisements, transformant la mort en un autre âge des possibles. Très loin du casse-tête annoncé, Oncle Boonmee..., avec son émouvante leçon de spiritualité et son aventure humaine hors du commun, a tout d’une réécriture personnelle du Livre de la jungle.
Toutes les critiques de Oncle Boonmee
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Rires, larmes et tremblements accompagnent la vision d'Uncle Boonmee. A la manière des derniers David Lynch, ce long-métrage au fil narratif discontinu fonctionne selon une logique plus sensorielle que rationnelle : un agencement de correspondances poétiques fait d'un harmonieux alliage de matière visuelle et sonore, d'une sérénité totale. Un film-monde envoûtant et lumineux, passerelle entre la rétine et l'épiderme, via l'âme. Notre Palme d'Or de Cannes 2010 - mais aussi celle du jury de Tim Burton.
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Choc esthétique : on n'a rien vu d'aussi beau à Cannes cette année.
D'autres contes entrelacés, d'autres textures parcourent cette méditation élégiaque : une grotte scintillante et une guirlande hypnotique succèdent aux lianes et à l'écorce de la jungle, dans un fascinant jeu de miroitement entre ciel et terre, ombre et lumière, solidité et évanescence, passé et présent, mort et renaissance. Comme tous les longs-métrages du Thaïlandais, Oncle Boonmee est un objet filmique radical, un travail de plasticien (le film est d'ailleurs une ramification cinématographique de son installation vidéo Primitive), sans pour autant donner dans l'autisme abstrait et l'onirisme hermétique : peu bavards, mais émouvants, les personnages existent pleinement à l'écran, tandis qu'affleure discrètement le passé politique de la Thaïlande. Oncle Boonmee évoque ainsi le souvenir de l'assassinat des communistes dans les années 1970, auquel il a participé alors qu'il était militaire.
A la manière des derniers films de David Lynch (Lost Highway, Mulholland Drive, Inland Empire), ce long-métrage au fil narratif discontinu fonctionne selon une logique plus sensorielle que rationnelle : c'est un agencement de correspondances poétiques, dont le tissu allie matière visuelle et sonore, formant un véritable film-monde, envoûtant et lumineux, passerelle entre la rétine et l'épiderme, via l'âme. -
C'est un cinéma mystérieux, hallucinatoire, d'une lenteur cérémonielle, faisant appel à la mystique et à des émotions sensuelles déroutantes pour certains, qu'a couronné cette année le Festival de Cannes en décernant sa Palme d'or à ce film. Adepte des fantasmagories les plus étranges et en même temps les plus ancestrales, le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul (Joe pour les intimes, et pour ceux qu'effraie ce patronyme exotique) est un artiste imbibé par les contes et légendes de son pays, un créateur bouddhiste qui croit à la réincarnation, tisse des liens permanents entre les vivants et les morts, le naturel et le surnaturel, le passé et le présent. La séquence inaugurale, celle d'un buffle égaré dans la brume, donne le ton : on la reçoit d'abord pour ce qu'elle est, l'image belle, majestueuse et intrigante, d'un animal traqué. On comprendra au fil des strophes de cet hymne à la vie éternelle que cette bête gémissante symbolise la disparition d'un monde. Et la revoyant à l'heure du trépas de son personnage principal, Oncle Boonmee, on acceptera volontiers qu'elle figure cet homme dont Weerasethakul nous invite à suivre le passage d'un monde à l'autre.
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Apichatpong Weerasethakul s'inspire du livre d'un moine bouddhiste sur la réincarnation, doctrine très répandue en Thaïlande du Nord, où est située l'histoire. Le merveilleux se déploie, donc, sans surlignage, entre deux scènes réalistes : les vies antérieures de Boonmee lui reviennent impromptu à l'esprit, comme on passe d'une pensée à l'autre. A-t-il été ce buffle solitaire, s'évadant dans la forêt ? Ce poisson-chat très phallique qui console et drague une princesse défigurée au bord de l'eau ? Boonmee a-t-il été cette princesse ? On sait que le cinéaste voulait retrouver le style des feuilletons en costumes qu'il regardait, enfant, à la télé, et, à l'évidence, les vies antérieures du personnage croisent les rêveries savamment érotiques du petit Joe (surnom d'Apichatpong) et les avatars qu'il s'était lui-même fabriqués. (...) Le cinéma délicat d'Apichatpong Weerasethakul fait tranquillement éclater l'espace-temps.
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(...)on aura beau sonder, analyser, décortiquer ces œuvres, il restera toujours au cœur de leur beauté et de leur singularité un mystère irréductible, qui échappe sans doute à la maîtrise de l’auteur lui-même.
Oncle Boonmee n’est pas destiné à ceux qui n’aiment que le confort du déjà fait, les formules du déjà vu, le cocon rassurant du prémâché, prévendu. C’est un film pour tous ceux qui considèrent encore le cinéma et la création comme une aventure, un voyage sans GPS en terre inconnue. -
On ne retrouve pas cette moire mystique qui faisait la cohérence de Syndromes and a Century (2006), même dans ses moments les plus prosaïques. Ici, l'hypnose et la magie son aléatoires, comme une vague qui vient et qui se retire loin, très loin.
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La splendeur des images de ce film hypnotique plonge d'emblée dans un état d'étrangeté qui confine au rêve éveillé. Elles recèlent l'univers formidablement inventif d'un cinéaste aussi plasticien et conteur. Palme d'or du dernier Festival de Cannes.
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Pas étonnant que le président du jury du dernier Festival de Cannes, Tim Burton, qui connaît bien les dictats des grands studios californiens, ait attribué la Palme d’or 2010 à cette œuvre surprenante et libre. Le réalisateur de « Ed Wood » a très certainement été étonné par la liberté de ton, les audaces de la mise en scène, la lumière et la magnifique bande sonore de ce déroutant OVNI cinématographique. Non seulement le jeune réalisateur qu’est Apichatpong Weerasethakul, apporte à son pays, la Thaïlande, une première Palme d’or, mais il nous surprend, nous déstabilise même, avec cette œuvre très spéciale. Laissez-vous faire, laissez-vous emporter par cette étrange histoire afin d’en devenir le meilleur spectateur, afin de vous souvenir vous aussi de quelques vies antérieures.
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Une Palme d'or qui se mérite, un cinéma pointu devant lequel on peut rester impassible. Parce que notre sensibilité n'est sûrement pas à la hauteur du rêve éveillé qu'Apichatpong Weerasethakul déroule sous nos yeux une nature flamboyante ; que ses fantômes-singes aux yeux rouges et pleins de poils ne nous font même pas peur ; et que les autres revenants qui rôdent dans cette jungle lointaine semblent naturels aux personnages ; mais surnaturels pour le spectateur.
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Contemplatif peut-être, apaisant surtout, ce film est simple comme Boonmee, humble paysan qui, à l’article de la mort, voit réapparaître ses proches défunts et évoque ses réincarnations : un buffle errant nous adresse de troublants regards caméra, le lit d’une rivière accueille les ébats d’une princesse et d’un poisson, une créature aux yeux rouges sort de l’obscurité tel Belphégor au temps du muet… Abordées par Apichatpong Weerasethakul comme autant d’hommages aux mythologies du cinéma populaire et de la culture thaïlandaise, les différentes vies de Boonmee sont aussi celles d’un art dont le cinéaste retrouve quelque chose de la beauté primitive, de la pureté originelle. Onirique, envoûtant, son film fait naître un sentiment rare d’émerveillement, de ceux que l’on devait éprouver aux débuts du cinématographe.
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Loin d’un cinéma thaïlandais qui débite des bagarres à la chaîne, ce jeune réalisateur défend un cinéma traditionnel. La lenteur, très supportable, invite à goûter à la beauté des images. Comme dans la séquence de la princesse voilée se rendant en chaise à porteurs de nuit dans la forêt près d’une cascade.
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Comme ces vies antérieures dont se souvient le vieil homme malade : on voudrait tant qu'elles nous captivent ! Mais non ! L'oncle a peut-être bien été ce buffle paisible, en ouverture du film, mais on n'a pas envie de se poser la question devant ces images à peine plus mystérieuses que celles d'un documentaire animalier... (...) La seule séquence vraiment troublante est celle de la princesse défigurée et du poisson-chat. L'image, scintillante, diaprée, devient belle, soudain. Le cinéaste ne craint pas d'y frôler le ridicule, et tant mieux : enfin une prise de risque ! Enfin, de l'émotion ! Car, en définitive, quel est ce calme prétendument génial dans la mise en scène, que nombre de spectateurs associeront à un ennui profond ? Et si c'était celui d'un démiurge trop sûr de son fait ? Apichatpong Weerasethakul ne voit pas l'utilité de nous expliquer son monde. Il nous laisse dehors. La preuve : vers la fin apparaissent certaines photos d'adolescents, dont on peine à comprendre le sens. Inutile de chercher. Ce sont des photos de tournage qu'il a incluses pour satisfaire sa propre mémoire, façon journal intime. Pour pouvoir, comme oncle Boonmee, se souvenir, plus tard, de ses vies antérieures ? Décidément, il ne faudrait pas que le talent d'Apichatpong Weerasethakul tourne à la vanité.
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Hermétique, abstrait, flirtant avec le fantastique, sans lien narratif évident, le film s'adresse soit aux snobs soit aux insomniaques.