"Si Disney+ est à neuf mois pour 35 millions d'euros, il y a un sujet pour Canal+ et ses 220 millions à six mois", considère son dirigeant, Maxime Saada.
"Je n’ai aucun souci avec un concurrent comme Disney qui décide d’investir dans le cinéma français. En revanche, lorsque les organisations professionnelles m’indiquent que Disney+ pourrait potentiellement être positionné à six mois dans la chronologie des médias pour un montant de 35 M€, alors que nous investissons 220 M€, c’est un souci. Je ne demande qu’une chose : les montants doivent être proportionnés à la place dans la chronologie. Si Disney+ est à neuf mois pour 35 M€, il y a un sujet pour Canal+ et ses 220 M€ à six mois."
Le président du directoire du groupe Canal+, Maxime Saada, a été auditionné par la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat, cette semaine. Relayé par Le Film Français, il est revenu sur l'évolution du groupe, en passe de délaisser ses activités télévisuelles françaises pour devenir une plateforme de streaming à part entière, développée à l'international. Il a aussi réagi au contrat passé entre Disney+ et les organisations orchestrant la chronologie des médias, qui permettra à présent au groupe de diffuser ses productions cinématographiques sur leur service de streaming à partir de 9 mois après leur sortie en salles et non plus 17. A condition d'investir plus fortement dans la production ciné et audiovisuelle française et européenne.
Nouvelle chrono des médias pour Disney+ : Deadpool & Wolverine sera dispo en France dès avrilMaxime Saada considère que la demande d'investissement de Canal + est trop élevée par rapport à celle de Disney+ pour une fenêtre de diffusion équivalente, les films pouvant actuellement être proposés sur la chaîne cryptée et MyCanal également 9 mois après leur sortie. Il laisse entendre que les moyens mis dans la production française et européenne par son groupe va drastiquement baisser après la signature de cet accord :
"Pour survivre dans le monde des géants, nous sommes obligés d’avoir une vision sur le long terme. C’est une obsession. Le groupe Canal+ se trouve à la croisée des chemins en France. Quelle place continuera d’occuper le marché français dans son projet ? L’application d’une vision industrielle pourtant nécessaire à la pérennité de tout écosystème économique fait cruellement défaut au secteur de la création française. C’est cette absence de vision qui a conduit la Ligue 1 dans sa situation dramatique actuelle. C’est ce qui risque de conduire le cinéma français dans la même situation. Cette absence de vision de tout un système se traduit par des décisions de court terme et des comportements non coordonnés menaçant de faire péricliter toutes les entreprises du secteur.
(...)
Le groupe a proposé pendant plus de deux ans aux organisations professionnelles du cinéma notre accord sur une durée prolongée de 5 ans pour un montant total supérieur au milliard d’euros auquel nous avons proposé d’ajouter les obligations héritées de l’acquisition d’OCS. Il était tout à fait possible de signer un accord en indiquant que l'engagement porterait sur cinq ans (au lieu des trois ans prévus par la loi actuellement, ndlr) le jour où la législation le permettait. Les organisations ne se sont pas précipitées pour signer cet accord. Si elles l'avaient voulu, nous l'aurions signé.
Notre offre aujourd’hui n’est plus sur la table. De mon point de vue, elle baissera nécessairement. La question est de savoir de combien. L’assiette d’obligations de Canal+ conduit à un investissement supérieur à 100 M€. Ces obligations sont calculées sur la totalité du chiffre d’affaires de Canal+. Si demain, Canal+ sépare le sport et le cinéma dans son modèle, l’obligation est divisée par deux.
(…)
La question s’adresse désormais aux organisations du cinéma. Préfèrent-t-elles un modèle dans lequel Canal+ contribue largement au financement du cinéma français avec une forme de dépendance à notre groupe ou souhaitent-elles se libérer de cette dépendance et prendre le risque de perdre 150-200 M€ d’investissements de notre groupe ?"
Maxime Saada évoque aussi plus globalement l'évolution de son groupe, qui a annoncé ne plus vouloir émettre sur ses différents canaux télévisuels à partir de juin prochain, mais qui va privilégier les investissements dans le développement de MyCanal.
"Canal+ porte un projet réconciliant culture et industrie misant sur ses axes de différenciation et s’appuyant sur une vision de long terme afin de créer de la valeur pour le groupe et les filières tout en portant une ambition pour la création française et le marché national auquel nous restons attachés. Canal+ compte près de 27 millions d’abonnés dans 50 pays. Canal+ s’est libéré de sa dépendance géographique envers la France. Notre objectif est d’atteindre à moyen terme un parc d’abonnés compris entre 50 et 100 millions pour rejoindre le top 5 mondial des groupes audiovisuels."
Il se montre également très critique envers la réglementation française, devenue selon lui "un véritable cadavre exquis de normes communautaires et nationales venant détruire le terrain sur lequel devrait s’exprimer tout le potentiel de notre industrie. En empêchant toute vision de long terme, cette réglementation freine l’expansion des acteurs français, bien plus régulés que les acteurs internationaux. Il dénonce "l’augmentation de la taxe affectée du groupe versée au CNC, les menaces continues sur son taux de TVA pourtant lié à son statut de premier financeur du cinéma français et la décision arbitraire de l’Arcom du non-renouvellement de C8 " ; il regrette l’auto-saisine de l’Autorité de la concurrence sur la télévision payante et le cinéma "venant ainsi contraindre toutes les discussions sectorielles du groupe alors que s’ouvrent des échéances majeures pour l’avenir de notre modèle national de création."
Canal + accélère sa transformation en plateforme de streaming
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