La cinéaste américaine a reçu un Léopard d’honneur sur la Piazza Grande des mains de son pote, Todd Haynes.
Trois mois après le Festival de Cannes où son dernier né, Showing Up, paradait en compétition, revoici Kelly Reichardt sur un tapis rouge. Le Festival de Locarno lui a décerné ce vendredi en grande pompe un Léopard d’honneur sur la Piazza Grande face à huit mille spectateurs. Heureuse forcément de cette présence en chair et en os face à une telle marée humaine, l’américaine de 58 ans avait, en effet, dû se contenter deux ans plus tôt – crise sanitaire oblige - du virtuel pour présenter ici-même son First Cow.
« Son œuvre se constitue comme le lieu le plus crédible d’une narration qui permet de percevoir le souffle d’un pays qui fuit le poids de ses culpabilités collectives et se dirige vers une destination que nous ne connaissons pas encore, mais que Kelly Reichardt nous aide à imaginer. », écrit fort justement le directeur artistique du Festival et critique de cinéma, Giona A. Nazzaro, dans le catalogue.
Costa-Gavras a reçu un Léopard d'honneur à LocarnoSentiers (dé-)battus
En fait de « destinations » inconnues, le cinéma Reichardt sonde des sentiers à priori déjà battus comme ceux du western par exemple, explorés d’une touche minimaliste avec La dernière piste (2010) et First Cow (2020). Reichardt a aussi flirté avec le thriller écologique (Night Moves, 2013). Mais en bonne américaine, la native de Miami a surtout fait du road-movie sa raison de filmer et ce depuis son premier long-métrage, River of Grass en 1994.
S’il fallait lui trouver un modèle, on citerait immédiatement Jim Jarmusch pour cette façon de montrer des personnages en perpétuel errance, fuyant un territoire pour finalement se retrouver invariablement à leur point de départ. Dans Showing Up, Reinchardt pousse le bouchon plus loin encore, le road-movie encadrant le périmètre ultra-restreint d'un campus arty. Le film est une nouvelle fois porté par sa muse Michelle Williams.
Interview de Kelly Reichardt à propos de First CowLes larmes rétroprojetées
Sur la scène de Piazza Grande, hier soir, la cinéaste était accompagnée de son pote Todd Haynes, présent également dans la cité lacustre suisse pour accompagner la rétrospective intégrale consacrée au maître du mélo hollywoodien Douglas Sirk. Micro en main, voix claire, Haynes s’est fendu d’un discours élogieux à l’encontre de sa « dearest friend »: « Les films de Kelly modifient le cours du temps, nous permettent de regarder le monde autrement (...) Tous les films qu’elle a réalisé m’ont appris quelque chose sur cet art. Grâce à elle, rien n’est plus vraiment comme avant...»
En gros plan, sur l’écran extra-large, alors que dans un geste quasi divin une pluie fine commençait à tomber sur la grande place, chacun pouvait voir les yeux embués de larmes d’une Kelly Reichardt rétroprojetée.
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