La Cache Michel Blanc
Les films du losange

En Mai 68, le portrait d’une famille fantasque, retranchée dans son appartement parisien. Une réflexion émouvante sur l’histoire, l’identité et la judéité.

La cache du titre, c’est d’abord ce grand appartement de la rue de Grenelle, dans laquelle vit de façon bohême une famille d’intellos parisiens – le film est adapté d’un livre du journaliste Christophe Boltanski et l’on pourra reconnaître dans les personnages certains membres célèbres de sa famille, son père Luc (poète et sociologue) ou son oncle Christian (plasticien). La cache désigne aussi ce recoin mystérieux de l’appartement dans lequel le jeune héros du film est persuadé qu’un chat a élu domicile. Et la cache, enfin, c’est aussi une façon d’évoquer l’Histoire, ses trous, ses zones d’ombres, ses replis secrets, où l’on peut enfermer des souvenirs, d’où peuvent surgir des hantises.

D’une guerre franco-française à l’autre, le film sonde l’écho toujours vivace des années d’Occupation dans le Paris de Mai 68. Ce matériau a priori très théorique est traité par Lionel Baier d’une façon joyeuse, légère, qui parvient à éviter l’écueil de la reconstitution nostalgico-fétichiste des Trente Glorieuses – malgré les clins d’œil à Gaston Lagaffe et les esquisses de comédie musicale sur un air de Jean Yanne.

Baier préfère parler de choses graves sur le ton vif et amusé du Godard sixties, ménageant parfois magnifiquement ses effets, comme dans cette scène de restaurant avec Michel Blanc (dont c’est le dernier rôle au cinéma), d’abord difficilement déchiffrable, et qui ne révèlera sa puissance émotionnelle qu’à rebours. La Cache, en toute logique, est un film discret, et très profond.

De Lionel Baier. Avec Dominique Reymond, Michel Blanc, William Lebghil… Durée 1h30. Sortie le 19 mars 2025