Son triomphe aux Golden Globes a replacé le film de Martin McDonagh dans le haut du panier des favoris à la statuette suprême. Mais ce repositionnement excite forcément ses détracteurs. Sera-t-il assez solide pour tenir jusqu’au 4 mars ?
C’est un coup de tonnerre qui a retenti dans le petit monde d’Hollywood le 7 janvier. Les Golden Globes, LE baromètre donnant les grandes tendances des Oscars, a couronné Three billboards : les panneaux de la vengeance, reparti avec 4 prix et non des moindres : film, actrice (Frances Mc Dormand), second rôle masculin (Sam Rockwell) et scénario. Et le voilà donc repassant soudainement en tête des favoris à la statuette du meilleur long métrage de 2017 devant Call me by your name, Lady Bird, La forme de l’eau et autres Pentagon papers.
On peut parler de surprise car malgré son prix du scénario à Venise et un accueil assez positif dans la foulée à Toronto, le long métrage de McDonagh ne figurait pas dans le haut de la liste des prétendants à l’Oscar suprême. Dépassé par exemple par La forme de l’eau de Guillermo Del Toro, récompensé, lui, du Lion d’Or à Venise. On l’imaginait plus – et sa campagne semblait d’ailleurs orientée vers cette logique – concourir au titre de la meilleure actrice pour Frances Mc Dormand (vingt-deux ans après Fargo) et à ceux du second rôle pour les non moins épatants Sam Rockwell et Woody Harrelson.
Martin McDonagh : “Avant d’écrire 3 Billboards, j’ai parcouru l’Amérique profonde”
La donne a changé donc. Mais la route est encore longue pour Three billboards. Tout d’abord parce qu’un Golden Globe du meilleur film (dramatique ou comédie) ne rime pas forcément avec un Oscar : depuis 2010, l’Académie a ainsi primé Le discours d’un roi et Birdman, snobés par les votants journalistes des Golden. Mais aussi et surtout parce que la position de favori vous met à découvert et risque de concentrer sur vous les tirs nourris de vos détracteurs. Comme l’an dernier, où le vent avait peu à peu tourné pour La La Land, doublé dans la dernière ligne droite par Moonlight
Et comme par hasard ( ?!), on a vu réapparaître dès le lundi 8 au matin des avis plutôt hostiles à Three billboards, étouffés jusque là par le consensus plutôt positif entourant le film. Un élément en particulier est pointé du doigt : la trop grande empathie que McDonagh créerait avec son personnage de flic raciste en pleine rédemption campé par Sam Rockwell. Ces voix regrettent ainsi que le film ne donne pas à voir le personnage noir que ce flic est censé avoir torturé, comme pour le maintenir dans une abstraction volontaire. Or l’argument peut porter dans un Hollywood plus sensible que jamais aux questions des minorités bafouées en ces mois post- ouragan Weinsteinien. Et entraîner les votants à privilégier Call me by your name, la superbe histoire d’amour entre deux hommes signée Luca Guadagnino ou Get out, le génial plaidoyer anti- raciste dissimulé sous un film de genre, imaginé par Jordan Peele. Sans que quiconque d’ailleurs puisse crier au scandale ! Car les Oscars, c’est de l’art mais aussi de l’argent et de la politique. Résultat des courses dans la nuit du 4 mars
Commentaires