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En 1988, Isabelle Huppert et Marie Trintignant ont marqué le cinéma français avec ce drame sur l'avortement. Il est rediffusé au moment du 50e anniversaire de la Loi Veil, qui l'a dépénalisé précisément le 17 janvier 1975.

Il aura fallu dix ans pour que Claude Chabrol filme à nouveau Isabelle Huppert après le succès de Violette Nozière, qui a valu à la jeune actrice les lauriers cannois en 78. Cette Affaire de femmes, à revoir sur France 5 en ce vendredi soir, reprend cette même idée de la quête émancipatrice d’une femme prête à tout pour s’extraire de sa classe. Avec aussi Marie Trintignant, qui avait raconté dans Première sa collaboration avec le cinéaste, quatre ans avant Betty.

Chabrol-Huppert, les liaisons heureuses

En 1988, Claude Chabrol s’intéressait donc à "Une affaire de femmes", autrement dit, l’avortement. Pour aborder ce sujet encore sensible, dix ans après sa légalisation de en France, le cinéaste choisit de mettre en images une histoire vraie, racontée dans un livre de Fancis Szpiner.

Celle de Marie-Louise Giraud, une "faiseuse d’ange" guillotinée par le régime de Vichy en 1943.

A l’écran, c’est Isabelle Huppert qui prend ses traits. Elle est Marie, mère de deux enfants, qui lutte pour joindre les deux bouts alors que son mari est prisonnier en Allemagne. Un jour, elle aide sa voisine à avorter. Très vite, les femmes des environs se passent le mot et lui demandent de l’aide pour en finir avec des grossesses non désirées. Une activité qui se révèle rentable et qui change la vie de Marie… jusqu’à sa perte.

Marie Trintignant - Une affaire de femmes : "Jouer devient une joie"
Carlotta Films

Marie-Louise, qui a inspiré le personnage de Marie à Claude Chabrol, vit en Normandie, à Cherbourg, quand débute la Deuxième guerre mondiale. Quand son mari revient d’Allemagne, blessé et incapable de travailler, elle doit subvenir aux besoins de toute la famille. Ils vivent difficilement. Tout change à l’été 1940. Elle vient en aide à une voisine, Gisèle, qui tente d’avorter. Quand elle reçoit d’elle un onéreux phonographe, Marie-Louise décide de proposer ses services contre rémunération.

En deux ans, elle aurait pratiqué 25 avortements, la plupart sur des prostituées à qui elle louait des chambres. Si l’avortement était un délit quand elle débute son activité, il devient "crime contre la sûreté de l’Etat" en février 1942. Le régime de Vichy prévoit la peine de mort pour les "faiseurs d’ange".

En octobre 1942, une lettre anonyme dénonce ses pratiques. Jugée quelques mois après son arrestation, elle sera finalement guillotinée en juillet 1943. Seul le maréchal Pétain aurait pu la gracier, ce qu’il a refusé.

Trente ans plus tard, c’est notamment l’histoire tragique de Marie-Louise Giraud qui a inspiré Simone Veil. En 2014, dans le livre "Les hommes aussi s’en souviennent", elle racontait qu’à la fin des années 50, quand elle travaille dans l’administration pénitentiaire, l’affaire hante encore de nombreuses secrétaires. Une affaire "qui les avait profondément traumatisées".

En 2021, le film L'Evénement a remis ce sujet de société important au coeur des discussions. Voici un extrait de notre critique de cette oeuvre, qui complète Une affaire de femmes tout en s'en différenciant fortement :

"A la sortie de L’Evénement, son roman autobiographique où Annie Ernaux  racontait son parcours pour se faire avorter clandestinement dans la France des sixties, l’auteure expliquait avoir voulu résister « au lyrisme et à la colère. » En adaptant ladite prose, Audrey Diwan voyait donc devant elle, un chemin à priori balisé sur lequel ses pas devaient tant bien que mal respecter une cadence, une humeur. Au lyrisme, la réalisatrice répond donc par une image au (presque) carré qui emprisonne un être que la caméra suit de près. « Il fallait qu’il y ait contrainte pour qu’il y ait enjeu. », affirmait jadis Chabrol scrutant Huppert faiseuse d’anges, entre quatre murs très resserrés dans son Affaire de femmes, film contretype de celui-ci. Chez Audrey Diwan, le hors champ tient lieu de menace, le cadre devenant un sanctuaire où l’héroïne – jugée impure par une époque – se protège, se bat et se tient prête. Droite surtout. Le hors champ invisible par nature, empêche l’exhibition d’une époque reconstituée et ajoute par soustraction un surcroît d’intemporalité (le combat continue). Quant à la « colère », le seul fait de voir Anne (Anamaria Vartolomei, un événement à elle seule !) aller au bout de son combat avec les appréhensions d’une reine et un calme tout aussi souverain est l’expression d’une rage souterraine dont les vibrations fracturent le monde."

L’Événement d'Audrey Diwan est sorti aux USA en pleine remise en cause de l'avortement