Le réalisateur revient sur l'accident de Kill Bill 2, les agressions d'Harvey Weinstein...
Ce week-end, Uma Thurman a expliqué pourquoi elle était en colère contre Harvey Weinstein, le producteur de Pulp Fiction et Kill Bill, qui l’a agressée sexuellement à deux reprises en 1996. Au sein d’un long papier du New York Times, elle a également affirmé qu’elle en voulait à Quentin Tarantino, le réalisateur des films en question, suite à un accident survenu sur le tournage de Kill Bill 2, en 2003. Le cinéaste a réagi à ses propos auprès de Deadline, au cours d’une longue interview où il détaille sa version des faits. Des "aveux" finalement très proches de ceux de l’actrice, qui s’est depuis exprimée à nouveau sur Instagram pour préciser certains points du papier de Maureen Dowd.
Voilà pourquoi Uma Thurman est en colère contre Harvey Weinstein et Quentin Tarantino
Dans ses révélations, Uma Thurman explique bien que le réalisateur l’a soutenue lorsqu’elle lui a parlé des agressions de leur producteur, et qu’il a confronté Harvey Weinstein à ce propos, avant que le trio ne retravaille ensemble sur Kill Bill. Elle avait alors toute confiance en lui, mais leur lien s’est brisé lorsqu’elle a eu un accident de voiture à la fin du tournage. Pour une scène filmée au Mexique, l’actrice devait descendre une route au volant d’un véhicule qu’elle peinait à maîtriser. Elle explique avoir demandé au réalisateur d’être doublée par une cascadeuse, mais celui-ci a refusé en lui assurant que tout se passerait bien. "Je lui ai répété que ce serait ok, et j’ai eu tort, confirme le cinéaste. C’est le plus grand regret de ma carrière, et de ma vie tout court, d’ailleurs. Cela a affecté notre relation pendant les deux/trois ans qui ont suivi. Ce n’est pas comme si on ne se parlait plus, mais la confiance s’était brisée entre nous. Après une année de tournage durant laquelle on avait filmé des choses bien plus dangereuses que ça. De vraies cascades. Je lui demandais de se dépasser, d’en faire elle-même le plus possible et je lui disais qu’on la protégerait. C’était le cas, elle n’était jamais blessée. Jusqu’à cet accident, 4 jours avant la fin du tournage. C’était un simple plan de conduite, on ne l’envisageait même pas comme une cascade. Et ça a failli la tuer." Quentin Tarantino répète alors qu’il n’a jamais voulu tuer son actrice, contrairement à ce qu’elle a pu dire sous le coup de la colère.
La vidéo de l’accident a été partagée par la comédienne ce week-end, et elle l’a repostée cette nuit sur son compte Instagram en apportant quelques précisions au papier du New York Times. Notamment en ce qui concerne les accusations portées envers Tarantino : "Les circonstances de cet accident sont liées à des négligences qui auraient pu être criminelles, mais je ne pense pas que c'était intentionné. Quentin Tarantino a profondément regretté cet événement, et il a encore des remords. C’est lui qui m’a donné ces images d’archives quelques années plus tard afin que je puisse les montrer. Il savait que cela lui causerait du tort et je suis fière de lui, qu’il ait eu le courage de faire ça. Par contre, le fait d’avoir COUVERT cette affaire est IMPARDONNABLE. Je tiens Lawrence Bender, E. Bennett Walsh et le célèbre Harvey Weinstein responsables de cela. Ils ont menti, ils ont détruit des preuves, et ils continuent de mentir à propos du mal qu’ils ont fait. (…)"
Le metteur en scène ajoute à ce propos que la voiture pourrait bien avoir été détruite par ses producteurs pour "éliminer les preuves de l’accident" : "Après le crash, je n’ai plus repensé à ce véhicule. Jamais. Pour moi, c’était aux assurances de régler ça. Ce ne sont pas aux scénaristes/réalisateurs de régler ces problèmes, mais à la production. (…) Uma a pensé que je leur avais donné mon accord pour lui bloquer l’accès aux images, mais ce n’est pas le cas. Je savais qu’ils avaient caché la vidéo pour qu’elle ne puisse pas la diffuser, mais je ne pensais pas qu’elle croyait que je participais à ça. (…) Quand elle m’a explicitement demandé de retrouver la vidéo cette année, j’ai compris pourquoi elle en avait besoin et je l’ai aidée. Mais c’était un gros boulot de recherche, car l’accident remontait à 15 ans en arrière. (…) J’étais tellement heureux de remettre la main dessus et de lui donner."
Quentin Tarantino revient aussi sur d’autres accusations du papier, comme celle d’avoir malmené son actrice principale plusieurs fois lors du tournage de Kill Bill. "Relisez bien le papier et vous verrez qu’il n’y a aucune citation d’Uma durant ce passage. Uma n’a pas parlé de ça avec Maureen Dowd. L’auteure a interviewé d’autres gens à ce sujet." Il accepte tout de même d’en reparler dans le détail, confirmant qu’il a bien craché au visage de l’actrice à la place du comédien Michael Madsen lors d’une scène, et qu’il l’a étranglée avec une chaîne durant quelques secondes pour une autre séquence. Afin de gagner du temps, de ne pas refaire plusieurs fois ces scènes, et de les tourner de manière plus crédibles, selon le réalisateur, qui en profite pour évoquer une anedote du même type survenue sur le tournage d’Inglourious Basterds avec Diane Kruger. Tarantino insiste sur le fait qu’il n’a pas tourné lui-même ces séquences par "sadisme", mais parce qu’il s’avait précisément ce qu’il avait en tête pour ses plans. Et qu’il avait l’accord, et surtout la confiance, de ses actrices. "Je l’ai fait, car j’assumais pleinement la responsabilité de ces scènes. Je savais par exemple exactement où devait arriver le crachat. J’étais derrière la caméra, donc 'boom !' je l’ai fait. (…) Si j’avais demandé à l’acteur, ou même à un cascadeur de tourner ça, ils auraient été intimidés. Ils auraient foiré des scènes et on aurait dû les refaire. (…) Pareil avec Diane, qui a dit en interview qu’elle avait d’abord trouvé ça étrange que je lui propose (de l’étranger moi-même, ndlr) mais qui avait toute confiance en moi au moment du tournage. On a filmé ça deux fois, et comme me l’avait proposé Uma pour la scène du crachat, c’est elle qui m’a dit qu’on pouvait refaire une prise si besoin. Oui, j’ai demandé à mon actrice de tourner ça de la façon la plus réaliste possible. Elle a accepté parce qu’elle savait que ce serait plus crédible à l’écran et qu’elle me faisait confiance. J’aurais demandé la même chose à un acteur. J’aurais peut-être même été plus insistant avec un homme."
Le jour où Tarantino a (vraiment) étranglé Diane Kruger sur le tournage d’Inglourious Basterds
Enfin, Quentin Tarantino revient sur le fait d’avoir été au courant du comportement déplacé de son producteur, réaffirmant ses regrets de n’avoir rien fait. "Comment Harvey a pu faire tout ça ? Oh, mon Dieu… J’ai déjà parlé de ma… complicité… du fait de ne pas avoir réagi… (…) Je me souviens du jour où Mira (Sorvino, une actrice qui a elle aussi accusé Harvey Weinstein d’agression sexuelles et qui était en couple avec Tarantino à l’époque) m’a raconté comment il avait essayé de monter dans son appartement. Le choc que j’avais ressenti. Le fait de me demander ‘mais qu’est-ce qui se passe en ce moment à Hollywood ?’ Aujourd’hui, je me demande comment ce 'choc' a pu disparaître. (…) Quand on s’est mis en couple, il est resté à distance, je me suis dit qu’Harvey avait eu une sorte de coup de foudre pour elle, qu’il était perdu dans ses sentiments au moment de présenter leur film à Toronto, comme il était dans la position du producteur présentant 'sa' nouvelle star au public. Il m’avait donné toutes sortes d’excuses. J’étais horrifié et franchement embarrassé pour lui, qu’il en vienne à avoir de tels comportements. Puis on s’est mis en couple avec Mira. J’ai vraiment cru naïvement qu’elle lui plaisait. Quand on préparait Kill Bill, Uma m’a dit qu’il avait tenté la même chose avec elle des années auparavant et j’ai compris qu’il avait un problème, qu’Harvey ‘attaquait’ ses victimes de façon systématique. Je lui ai demandé de s’excuser auprès d’Uma, sans quoi on ne pourrait pas travailler tous ensemble sur Kill Bill. Et c’est ce qu’il a fait. Je n’étais pas présent, mais je sais qu’il l’a fait. J’ai insisté, car à ce moment-là, je savais qu’Uma disait la vérité, que c’était Harvey le menteur, celui qui se cherchait des excuses, qui tentait de relativiser les faits. Il me répondait : ‘Mais tu sais, elle a dit ceci, elle a fait cela…’, mais ça ne marchait plus sur moi, je savais qu’elle ne mentait pas. Quand on ne connaît pas bien les personnes concernées, on peut avoir le bénéfice du doute, mais dans le cas d’Uma et de Harvey, il n’y avait aucun doute. Je savais qu’il mentait et qu’elle disait la vérité. Quand il a essayé de s’en tirer avec des excuses, je n’y ai pas cru et je lui ai dit que je ne le croyais pas. Que je la croyais, elle. Je lui ai dit que s’il voulait faire Kill Bill, il devait arranger ça. J’ai appris grâce à Uma qu’il s’était excusé." Quinze ans plus tard, comme le souligne l’actrice dans l’article du New York Times.
Affaire Weinstein : Quentin Tarantino admet qu'il "savait" pour le producteur
"J'ai essayé de ne pas trop lire de réactions, conclut le réalisateur, qui détaille pour finir pourquoi il a tenu à réagir publiquement aux révélations d'Uma Thurman. Certaines réactions étaient hystériques. Je ne pense pas que l'article en question était horrible, mais il a été repris, extrapolé... Et j'ai vu passer des truc violents. 'Ces auteurs hommes sont-ils devenus hors de contrôle ?' 'Personne ne peut leur dire non ?' 'L'art, oui, mais à quel prix ?' (...) Je comprends, et je ne veux pas rentrer dans le jeu d''elle a dit ceci, il a répondu cela...' jusqu'à ce que ça se tasse, mais j'ai ressenti le besoin d'être honnête, de raconter la varité. Ça fait du bien, après avoir vu passer pendant tout le week-end des articles qui avaient mal interprété ce qu'elle disait. On verra ce que ça donnera, mais au moins, j'ai pu raconter ma version des faits. Et j'ai les épaules larges, je peux supporter tout ça. Mais je ne peux pas représenter tout le monde. Uma a bien dit sur son compte Instagram qu'elle pensait qu'Harvey, Lawrence et Bennett étaient coupables. Sauf que ces deux derniers ont des avocats, et que ceux-ci ont tout fait pour que leurs noms soient retirés de l'article original. Quand Uma a parlé de Lawrence, le New York Times n'a pas mentionné son nom."
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