La création d’un prix du public, l’absence d’Alain Chabat et Luc Besson…
Alain Terzian a dévoilé ce matin les nominations de la 43e édition des César, qui se déroulera le 2 mars prochain à la salle Pléyel de Paris. Une sélection à première vue éclectique et équilibrée, qui comprend sans surprises de nombreuses mentions à 120 Battements par minute, de Robin Campillo, et Au revoir là-haut, d’Albert Dupontel, deux films acclamés par les critiques et le public. Pourtant, en regardant la liste de plus près, ces nominations soulèvent aussi quelques questions.
César 2018 : 120 Battements par minute et Au revoir là-haut dominent les nominations
Pourquoi créer un nouveau prix (du public) ?
La plus grosse surprise de la conférence de presse était sans aucun doute l’annonce d’un nouveau prix : le César du public. A partir de maintenant, celui-ci sera remis au film français ayant eu le plus de succès durant l’année précédente. Pour cette première édition, c’est Raid Dingue, de Dany Boon, qui devrait être récompensé, puisqu’en franchissant les 4,5 millions d’entrées, il est le troisième long métrage le plus vu de 2017 derrière les blockbusters américains Star Wars 8 et Moi, moche et méchant 3 (si c’est la société française llumination/McGuff qui anime cette saga, il s’agit d’une production d’Universal).
Contrairement aux autres prix, qui sont remis aux meilleurs films, meilleur acteur, meilleurs costumes etc., ce nouveau César ne récompensera pas la qualité du film, mais son succès dans les salles. Une idée qui fait débat sur les réseaux sociaux.
César 2018 : un nouveau prix récompensera le film qui a fait le plus d’entrées
Pourquoi ne pas créer un César de la comédie ?
Ce César du public est même déjà surnommé "le prix Dany Boon" car les plus gros succès français de ces dernières années reviennent à des comédies : Raid Dingue, en 2017, donc, mais aussi Les Tuche 2 en 2016 (4,6 millions d’entrées), Les Nouvelles aventures d’Aladin en 2015 (4,4 millions), Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? en 2014 (12,3 millions)… A ce compte-là, pourquoi ne pas créer plutôt un César de la meilleure comédie ? Le genre est souvent peu représenté dans le cadre de cette cérémonie, si bien que la question se pose régulièrement. Au moment du carton du Bon Dieu, notamment, elle était revenue au cœur de l’actualité, car malgré ses 12 millions de billets écoulés, le film de Philippe de Chauveron n’avait pas été nommé. Et déjà en 2009, Bienvenue chez les Ch’tis avait été cité dans une seule catégorie (meilleur scénario original) malgré ses 20 millions d’entrées. Vexé, Dany Boon avait alors proposé la création d'un César de la comédie. Alain Terzian avait répondu que c'était "une belle idée", mais celle-ci n’a finalement pas été développée.
Cette année, cependant, une comédie populaire est bien présente parmi les nominations : Le Sens de la fête, d’Eric Tolédano et Olivier Nakache. Elle est nommée dans les catégories meilleur film, meilleure réalisation, meilleur acteur (Jean-Pierre Bacri), meilleure actrice dans un second rôle (Eye Haïdara), meilleur espoir masculin (Benjamin Lavernhe), meilleur second rôle (où Gilles Lellouche est en concurrence avec Vincent Macaigne), meilleur scénario original, meilleur montage, et meilleur son. Ce qui représente tout de même 10 nominations.
Pourquoi Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? n’est pas aux César
Alain Chabat, Luc Besson et Cédric Klapisch ont-ils été snobés ?
En parlant de comédie populaire, on peut noter l’absence de Santa & cie, d’Alain Chabat. Le réalisateur a offert un joli cadeau de Noël au public avec son blockbuster des fêtes, mais malgré son ambition, le film a moins bien marché que prévu (2 millions d’entrées tout de même) et n’est nommé nulle part. Le réalisateur avait pourtant partagé récemment une vidéo rigolote où il remerciait toute son équipe technique, en soulignant ainsi que son film avait demandé un gros travail de création : pour les décors, les costumes, le son…
César 2018 - Alain Chabat rend un hommage rigolo à tous les créateurs de Santa & cie
Idem pour Luc Besson, dont le space opera Valérian et la cité des mille planètes n’apparaît nulle part, et ce malgré ses 4 millions d’entrées (il est 5e du top 2017, et 2ederrière Raid Dingue dans le classement des productions hexagonales). "Le film français le plus cher de tous les temps" ne manquait pourtant pas d’ambition, ne serait-ce que visuellement parlant. Mais contrairement aux Oscars, il n’existe pas de César des meilleurs effets spéciaux…
Un autre absent remarqué est Ce qui nous lie, de Cédric Klapisch. Sorti en juin dernier, celui-ci n’a pas aussi bien marché que les précédents films du réalisateur de L’Auberge espagnole (700 000 entrées contre 1 million pour Ma Part du gâteau et 1,7 million pour Paris, par exemple). Il a cependant reçu de bonnes critiques, et a notamment été salué pour son casting. Pourtant, ni Pio Marmaï, ni Ana Girardot, ni François Civil n’apparaissent parmi les nommés.
Où sont Arnaud Desplechin, Marion Cotillard et Pierre Niney ?
César du meilleur réalisateur en 2016 pour Trois souvenirs de ma jeunesse, Arnaud Desplechin ouvrait le dernier festival de Cannes grâce aux Fantômes d’Ismaël, un drame porté par une distribution très populaire : Mathieu Amalric, Marion Cotillard, Charlotte Gainsbourg et Louis Garrel. D’ailleurs, ces acteurs ont été nommés cette année pour d’autres films, sauf Marion Cotillard, qui n’est pas présente alors que son compagnon Guillaume Canet est cité pour son rôle dans Rock’n’ Roll. Au box-office, Les Fantômes… a un peu mieux marché que Trois souvenirs…, et son accueil critique était correct, mais il n’est finalement pas mentionné.
On peut aussi mentionner l’absence de Pierre Niney : si Charlotte Gainsbourg est citée pour son rôle dans La Promesse de l’aube, l’interprète de Romain Gary, le plus jeune comédien à avoir reçu le César du meilleur acteur en 2015 pour Yves Saint Laurent, n’est pas nommé.
Les catégories meilleurs espoirs et meilleur(e)s acteurs/trices ont-elles été mélangées ?
Pourquoi Doria Tillier est-elle nommée au César de la meilleure actrice pour Monsieur & Madame Adelman, et non meilleur espoir, alors qu’il s’agit de son premier film ? C’est d’autant plus frappant que Garance Marillier, la révélation de Grave, figure bien parmi les espoirs… Une catégorie où se trouve aussi Laëtitia Dosch pour Jeune femme, alors qu’il s’agit de son huitième long métrage.
Autre question du même genre : comment se fait-il que parmi les 13 nominations de 120 Battement par minute et Au revoir là-haut ne figure pas Nahuel Perez Biscayart dans la catégorie meilleur acteur ? Celui-ci porte véritablement les deux films, mais est finalement nommé seulement parmi les meilleurs espoirs. Cela laisse la place à Albert Dupontel pour l’adaptation du roman de Pierre Lemaître, mais les autres comédiens de 120 BPM sont tous nommés parmi les seconds rôles (Antoine Reinartz, Adèle Haenel) et Nahuel se retrouve en concurrenceau sein des espoirs avec son partenaire Arnaud Valois. Notons que Finnegan Oldfield, qui tourne régulièrement en France depuis dix ans, est lui aussi présent dans cette catégorie, deux après cette même nomination pour Les Cowboys.
Et enfin, pourquoi L’Echange des princesses est-il nommé parmi les films étrangers ?
Parce que c’est une production franco-belge, mais surtout belge. Le réalisateur Marc Dugain est Français, il a tourné son film en Belgique, avec des producteurs principalement Belges. Comme c’est la nationalité de la production mise en place qui compte, L’Echange des Princesses n’est pas considéré comme un film français. CQFD.
Il se retrouve notamment en concurrence avec La La Land, de Damien Chazelle, multi-récompensé aux Oscars 2017, car cette comédie musicale est sorti en début d’année dernière dans l’Hexagone, et non fin 2016 comme aux Etats-Unis. The Square, le grand gagnant de la dernière Palme d’Or réalisé par Ruben Ostlund, est également en lice.
Commentaires