L’ultime long métrage de Robert Bresson, primé à Cannes, est à l’honneur ce soir de « Place au cinéma » sur France 5, présenté par Dominique Besnehard
Une œuvre librement inspirée de Tolstoï
Après avoir adapté deux fois Georges Bernanos (Journal d’un curé de campagne et Mouchette), Robert Bresson s’est inspiré pour L’Argent d’une nouvelle de Léon Tolstoï. Ecrite en 1904 et publiée en 1911 dans ses œuvres posthumes, Le Faux coupon racontait les dommages collatéraux de la falsification d’un coupon entre licenciements, vols et lynchages. Le cinéaste transpose cette histoire en France où après être entré en possession innocemment d’un faux billet de 500 francs, un modeste employé va se retrouver pris dans un engrenage d’injustices qui l’entraîneront jusqu’au meurtre. Le tout en gardant la même idée que l’écrivain russe : faire se croiser au fil du récit toutes les couches de la société. Du tsar aux moujiks chez Tolstoï. Du bourgeois de bonne famille à la classe populaire chez Bresson
L’ultime film de Robert Bresson
L’Argent marquait le retour au cinéma de Robert Bresson après Le Diable probablement qui lui avait valu un Lion d’Argent au festival de Berlin en 1977. Et à 82 ans, il signe donc avec ici l’ultime film d’une carrière entamée 40 ans plus tôt avec Les Anges du péché, suivi en 1945 de sa relecture du Jacques le fataliste de Diderot avec Les Dames du bois de Boulogne. Déçu par son travail avec les comédiens professionnels, il décide à partir de là de ne s’entourer que d’amateurs - qu’il appellera ses « modèles » - avec une direction de jeu très atonale qui deviendra sa marque de fabrique jamais égalée.
Une fille de ministre à l’écran
Parmi les interprètes que Bresson a réunis devant sa caméra, on note un patronyme célèbre : Caroline Lang. Future Senior vice-présidente de Warner Bros. Television pour les territoires francophones, elle n’est autre que la fille du Ministre de la Culture de l’époque, Jack Lang. Elle joue ici une fille de famille bourgeoise vivant dans un appartement à l’abandon et signe ici la première des cinq apparitions de sa très courte carrière de comédienne qui s’achèvera en 1987 avec Chronique d’une mort annoncée de Rosi.
Un superbe duo de directeurs de la photo
Pour éclairer L’Argent, Robert Bresson a fait appel à deux chef opérateurs. D’un côté l’Italien Pasqualino De Santis - qui avait déjà collaboré avec lui sur Lancelot du Lac et Le Diable probablement – Oscarisé en 69 pour Roméo & Juliette de Zeffirelli. Et de l’autre le Français Emmanuel Machuel - lui aussi déjà présent à ses côtés à deux reprises pour Au hasard Balthazar et Mouchette - qui sera nommé des années plus tard aux César pour son travail sur le Van Gogh de Pialat.
Un film chahuté mais primé
Pour son ultime long métrage, Robert Bresson a connu de vraies montagnes russes émotionnelles lors du festival de Cannes 1983. Après avoir été sifflé lors de la projection officielle, le jury présidé par l’auteur du Choix de Sophie, William, Styron a décerné à l’unanimité son Grand Prix du cinéma de création à L’Argent, ex- aequo avec Nostalghia de Tarkovski, alors que la Palme revenait à La Ballade de Narayama. Quatre ans plus tard, son regretté co- producteur Daniel Toscan du Plantier y triomphera avec Sous le soleil de Satan.
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