Fear The Walking Dead : comment ne pas devenir un sous-Walking Dead ?
Comment réussir Fear The Walking Dead ?
Vu le succès monstre à la télé de The Walking Dead, série de tous les records en termes d?audience sur le câble américain, la question n?était pas de savoir si elle serait dotée d?un spin-off mais bien quand elle le serait. En projet depuis 2013, la bizarrement titrée Fear the Walking Dead (« Crains les Morts qui marchent » ?) déboule donc sur les écrans du monde entier dès ce dimanche avec à la clé, sans aucun doute possible, des millions de curieux au rendez-vous. Mais au-delà du succès public, TWD a, depuis ses débuts, alterné le bon et le mauvais, avec aussi pas mal de moyen. Pour tirer vraiment son épingle du jeu, <em>Fear</em> aurait tout intérêt à prendre au maximum ses distances avec son aînée. Les solutions ne manquent pas et la production ne s?y est, pour certaines, pas trompé. <strong>Par Grégory Ledergue</strong><strong>>>> Fear The Walking Dead : regardez les trois premières minutes de la série</strong>
Un prequel, mais pas trop
L?idée phare de <em>Fear</em> c?est qu?elle se déroule avant les événements dépeints dans la série mère. Si Rick Grimes émergeait dans le pilote de<em> TWD</em> d?un coma de plusieurs mois pour découvrir, hébété, un Atlanta et plus largement, le monde, déjà décimés par les zombies, on fera la connaissance des personnages de <em>Fear</em> alors qu?ils mènent encore une vie normale à l?autre bout du pays. Plus précisément, à Los Angeles, cité appelée à devenir l?épicentre de l?épidémie que l?on sait. Combler le vide laissé par les premières pages du comics originel signé Robert Kirman et Tony Moore, puis par le pilote de <em>TWD</em>, était une option logique pour ce spin-off. Mais Kirkman, co-créateur de <em>Fear</em>, a bien conscience que la spécificité de la franchise a toujours été de prendre la suite des films de zombies en commençant là où ces derniers s?arrêtent : quand les morts-vivants ont gagné. Pas question donc de ne faire de Fear qu?un prequel. L?auteur rejette tout simplement le mot, prévenant que sa nouvelle série n?a pas vocation à éternellement précéder de plus de six ans les événements décrits dans <em>TWD</em> et que par un jeu d?ellipses sur lequel il garde le mystère, leurs personnages respectifs seront fatalement amenés à se croiser. Sinon, à quoi bon un spin-off, hein ? <strong>Bande annonce</strong>
Du scope, svp
L?une des plus grandes réussites de la franchise jusqu?ici est d?avoir offert la possibilité au genre horrifique de doubler le spectacle gore d?une étude de caractères au long cours. Plutôt que de tenter d?embrasser les conséquences planétaires de l?invasion des zombies ou de chercher à en expliquer les causes (après une tentative maladroite en saison 1, piste abandonnée depuis), <em>TWD</em> a intelligemment resserré sa focale sur une poignée de personnages occupés à survivre en ne les quittant pas d?une semelle. Jusqu?à saturation. Gentiment fasciste dans son fonctionnement (la fameuse « Ricktature »), le groupe mené par Rick a fini par donner de sérieuses envies de fugue. Ce qu?on aimerait c?est jeter enfin un ?il sur la big picture. De l?état du monde, on ne sait rien que ce dont a connaissance Rick lui-même, c?est-à-dire pas grand-chose. C?est là que <em>Fear</em> a un coup à jouer : moins post-apocalyptique - comme <em>TWD</em> - que simplement apocalyptique, elle promet à mesure que la crise s?amplifiera, de nous abreuver d?infos sur l?ampleur des dégâts au niveau local et mais aussi sans doute national. Et peut-être même mondial façon World War Z. Les médias joueront en effet un rôle important. Comme dans tout film catastrophe qui se respecte.
La fin des balades en forêt
Pari gagné apparemment, tout du moins pour l?instant. Robert Kirkman l?a promis dans les colonnes d?<em>Entertainment Weekly</em> : <em>« Je suis à peu près certain que nous n?allons pas une seule fois dans les bois cette saison. »</em> Et pour cause, sur les 6 épisodes que compte cette première saison (la deuxième, déjà commandée, en comprendra 15), la série se concentrera sur un décor urbain à forte densité de population avec pour seuls arbres, les palmiers qui figurent en bonne place sur les visuels promos de la série. Car ce qu?on nous vend dans Fear, c?est une Californie aux antipodes de l?étouffante Georgie de <em>TWD</em>. Tant mieux. Après cinq saisons à transpirer dans les sous-bois du sud-est des Etats-Unis, un détour par Santa Monica même infesté de marcheurs sera appréciable. Et puis depuis le jeu vidéo ?Dead Island?, on sait que zombies et plages de sable fin peuvent faire bon ménage.
Du mouvement, pas du surplace
Là c?est un v?u pieu. A la différence de Mad Men, AMC produit elle-même les séries de la franchise <em>TWD</em>. Elle tire donc tout le bénéfice non seulement des rentrées publicitaires mais aussi de la revente des droits de diffusion. Pourtant, la chaîne s?est toujours montrée très pingre à l?égard de sa vache à lait <em>TWD</em> au point de pousser le showrunner initial, Frank Darabont, à claquer la porte en son temps, faute de budget à la hauteur de ses ambitions. Un comble. Cela se voit à l?écran avec une fâcheuse propension à sédentariser systématiquement l?action et pas que pour des considérations dramatiques, avec qui une prison, qui une église, qui un village retranché. On veut bien admettre que les routes ne soient plus très praticables, mais les dégâts semblent beaucoup moins irrémédiables dès lors qu?il s?agit de revenir régulièrement pour les besoins de l?intrigue à Atlanta. Ville qui depuis le pilote et malgré le chemin apparemment parcouru, est toujours restée à portée de bagnole. Dans <em>Fear</em> on espère qu?une fois le décor urbain de LA exploité jusqu?à épuisement, les personnages oseront tailler la route.
De l'acting moins guttural
Après toutes ces années à suivre le groupe dans <em>TWD</em>, on s?est habitué aux dialogues sommaires de la série. A croire que survivre revient à économiser autant ses vivres que ses mots. Dans la dernière saison, Rick dans un accès de lucidité plutôt rare, expliquait que les vrais « walking dead », c?était lui et ses potes. En effet, les zombies seraient presque devenus plus bavards que les vivants dans la série. Avec <em>Fear</em> et son personnage de prof de fac joué par <strong>Cliff Curtis</strong> (L?Ame des guerriers), on devrait regagner en vocabulaire. Et puis accessoirement avec lui et <strong>Kim Dickens</strong> (Deadwood, Treme) en parents d?une famille recomposée, l?interprétation pourrait gagner en finesse. Sans vouloir être désobligeant pour personne, <strong>Frank Darabont</strong> n?a jamais été le meilleur directeur de casting qui soit et <em>TWD</em> paye depuis 5 saisons ses choix de distribution originels, pas tous très heureux.
Des règles du jeu plus claires
Voilà l?un des gros problèmes de <em>TWD</em> ou dans le même style, de The Strain. Qui dit zombies (ou vampires) dit règles du jeu. Chez Robert Kirkman, les « rôdeurs » se neutralisent en visant la tête. Toute morsure est fatale, sous réserve d?amputation rapide. Mais mourir naturellement conduit également à la transformation. Ah et apparemment s?enduire d?intestins de zombies trompe leur odorat. Mais c?est là que les choses se gâtent car en l?espèce, c?est un peu à la tête du client. Des fois, le coup de la tripaille est imparable. D?autres fois, c?est pique-nique surprise pour les gourmands. Le degré d?agressivité (et d?« intelligence » au demeurant) des zombies ne semble dicté que par les impératifs narratifs. Pénible. A voir ce que <em>Fear</em> fera, alors même que ses personnages devront redécouvrir par eux-mêmes toutes ces joyeuses subtilités. Un peu de cohérence ne serait pas du luxe.
Allez, chiche, un peu d'humour ?
Là comme ça à vue de nez, on n?y croit pas une seconde. Dans les comics, Robert Kirkman fait un usage assez parcimonieux de la grosse poilade. Et il y a peu de chances que <em>Fear</em> essaye de se mesurer à Shaun of the Dead ou Zombieland. Mais il n?y aurait rien d?honteux à ce qu?elle se laisse aller, sinon aux blagues qui tâchent, au moins à un tout petit peu de fun. Bricolé avec un budget sans comparaison possible avec celui dont dispose AMC, SyFy a réussi son coup de surfer en pirate sur la vague <em>TWD</em> avec Z Nation, en opérant simplement un pas de côté par rapport à la solennité jusqu?au-boutiste de Rick et compagnie. <em>Z Nation</em> ne vole pas très haut, ne ressemble pas à grand-chose, mais parvient à se montrer parfois nettement plus distrayante que sa concurrente. Si ses producteurs ne devaient apporter qu?un seul changement à la franchise <em>TWD</em> ce devrait être celui-là : faire en sorte que l?on s?amuse un peu. Pas trop demandé, si ? Fear The Walking Dead Saison 1, sur Canal+ Séries en simultané avec la diffusion américaine dans la nuit du 23 au 24 août 2015 en VOST, et tous les mardis à 21h35. Les épisodes seront disponibles au fur et à mesure de leur diffusion sur Canal+ à la demande.
Le premier spin-off de The Walking Dead fait ses débuts ce dimanche sur AMC (et en quasi-simultané sur Canal+ Séries). Le public sera logiquement au rendez-vous pour accueillir cette nouvelle salve de zombies. Mais pour installer Fear The Walking Dead durablement, ses créateurs seraient inspirés de tirer quelques leçons de la trajectoire artistique en dents de scie de la série originale.Par Grégory Ledergue>>> Fear The Walking Dead : regardez les trois premières minutes de la série
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