Première
par Gérard Delorme
En sa qualité d’aspirant écrivain, Jong su, le personnage principal de Burning, est en quête de vérité. Hélas pour lui, le doute et l’incertitude nourrissent chaque plan du film depuis le début, où il retrouve par hasard Haemi, une amie d’enfance perdue de vue. Après s’être laissé séduire par elle, il accepte de garder son chat (dont on ne voit jamais le bout de la queue) pendant qu’elle voyage en Afrique. Ce qui avait commencé comme une comédie romantique prend l’allure d’un ménage à trois mâtiné de drame social avec l’arrivée d’un nouveau boyfriend : Ben, un citadin suave et d’une richesse révoltante. Face à lui, Jong su n’a aucune chance avec son salaire de coursier et son hérédité chargée (son père, ouvrier agricole est en prison pour violence). Lorsque Haemi disparaît, le film prend le chemin du thriller. Lee Chang Dong contrôle parfaitement chaque aspect de ce qu’il cherche à exprimer sur le thème de la perception de la réalité, forcément incomplète, chacun cherchant à comprendre avec ses propres moyens.
Haemi a une façon ingénue et créative d’utiliser son imagination pour être heureuse. Il lui suffit de croire suffisamment en quelque chose pour lui donner l’apparence de la réalité. Jong su au contraire a l’imagination anxieuse et pessimiste d’un paranoïaque cherchant des signes pour leur donner du sens. Son malaise est nourri par sa conscience de classe et son ressentiment vis à vis du riche Ben qui voit la vie comme un jeu.
Désir irrationnel
Le titre a plusieurs significations. Il y a la brûlure du désir irrationnel qu’éprouve Jong Su pour Haemi et qui lui fait perdre la tête. Il est aussi consumé lentement par une forme de rage vis-à-vis de Ben qu’il soupçonne d’avoir fait disparaître Haemi après la lui avoir subtilisée. Quant à l’incendie des serres (qui n’est représenté que dans l’imagination de Yong su), il fait référence aux nouvelles de Murakami et de Faulkner dont Lee Chang Dong s’est inspiré, et dont il donne une interprétation très personnelle. Surtout, il y a le résultat de ce feu qui couvait depuis trop longtemps et ne demandait qu’à être libéré à l’occasion d’un acte fort et inattendu, comme tout ce qui arrive dans ce film extrêmement dense dont on n’a pas fini de faire le tour.