Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
WISH- ASHA ET LA BONNE ETOILE ★★☆☆☆
De Chris Buck et Fawn Veerasunthorn
L’essentiel
Tout à son obsession de fêter les 100 ans du studio en transmettant son héritage aux générations futures, le nouveau Disney, pourtant non dépourvu de qualité, manque cruellement d'aspérité
Asha,17 ans, dévouée et déterminée à passer un entretien d'embauche avec le roi Magnifico, régent de la cité de Rosas. Le rêve s'évanouit lorsque Asha réalise que Magnifico est un control freak égoïste qui vend du vent à ses fidèles. La désillusion est grande, mais Asha retombe sur ses pattes en prônant la bienveillance – en conséquence sa bonne étoile, Star tombe littéralement du ciel. Les valeurs Disney vont alors faire barrage au maléfique Magnifico. La palette chromatique usée nous immerge ici dans un environnement méditerranéen sublime. Mais si l’animation ravit notre iris, le studio a pris un pari (trop) risqué en mettant en scène ses personnages phares dans une animation qui, en dénaturant les œuvres d’origine, contribuent à une perturbation de la bonne compréhension de ce film. L’univers de Wish met indéniablement le pied à l’étrier aux plus petits, qui seront à toute évidence, curieux de savoir quel univers se cache derrière les singulières apparitions de Peter Pan ou de Bambi. Mais ce côté scolaire ne suffit pas à faire un grand et même un bon film. Et à côté des innombrables sommets d’animation découverts cette année, le Disney de Noël 2023 fait assez pâle figure.
Manon Bellahcene
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
PERFECT DAYS ★★★★☆
De Wim Wenders
Hirayama, un homme peu loquace d'une soixantaine d'années, se lève tous les matins à la même heure, range sa chambre, fait un brin de toilette, humidifie ses plantes vertes, enfile sa tenue de travail, glisse une cassette de rock dans son autoradio et part nettoyer les toilettes de la ville, un sourire aux lèvres… Si le nouveau Wenders frappe instantanément, c'est d'abord grâce à la puissance d’arrêt qu’impose l'acteur Koji Yakusho, primé à Cannes. Chacun de ses gestes est un spectacle en soi. Le film fera le tableau de ses jours à peu près tous identiques, entrecoupés de très belles séquences de rêves en noir et blanc, comme des virgules en apesanteur, des haïkus monochromes. Wenders signe une ode à l'ici et maintenant, au pur présent, et sans doute l'autoportrait d'un cinéaste de 77 ans qui refuse de se désintéresser totalement des affaires du monde mais qui a trouvé une forme d'épanouissement dans une pratique miniaturisée de son art.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
LE TEMPS D’AIMER ★★★☆☆
De Katell Quillévéré
Son passé, Madeleine voudrait l’oublier. C’est sans compter son fils, Daniel, né d’une union avec un soldat allemand durant la Seconde Guerre mondiale, qui vient sans cesse le lui rappeler. Un jour, alors qu’elle officie comme serveuse, elle fait la rencontre de François. En principe, tout les oppose. Il est le fils d’un riche industriel, a fait des études et est promis à un grand avenir. Elle ne possède rien sinon cet encombrant fils, dernière relique d’une honte qu’elle traîne et qui la suivra de longues années. Pourtant, François embrasse Madeleine un soir. Il adopte Daniel. Ensemble, ce couple que tout oppose ouvre un dancing où chaque soir les soldats américains viennent se retrouver. Katell Quillévéré suit, à la manière d’un feuilleton aux accents très romanesques, le périple de ce couple. Ils ne sont rien l’un sans l’autre mais s’aiment-ils vraiment ? Le scénario, largement inspiré de l’histoire familiale de la réalisatrice, offre de beaux rôles à ses interprètes (Anaïs Demoustier et Vincent Lacoste, en grande forme) et prend une photographie très sincère de la France d’après-guerre.
Emma Poesy
Lire la critique en intégralitéTHAKSGIVING- LA SEMAINE DE L’HORREUR ★★★☆☆
De Elie Roth
Eli Roth n’a jamais réussi à comprendre pourquoi aucun film d’horreur n’avait pour cadre les célébrations de Thanksgiving. Cette histoire le travaillait tellement qu’il avait tourné la bande-annonce d’un film Thanksgiving imaginaire pour le double programme Grindhouse des copains Rodriguez et Tarantino – devenu donc 16 ans plus tard un « vrai film ». Une bonne surprise où il s’amuse à marcher sur les plates-bandes des derniers Scream, en mettant en scène une bande de lycéens sympas, un peu génériques, le nez dans leurs smartphones, sur lesquels ils reçoivent les menaces d’un tueur maboul. Mais Thanksgiving frappe beaucoup plus fort que les deux derniers Scream en date. Plus inspiré dans la satire, plus viscéral dans la violence, il se distingue par l’inventivité de ses scènes de meurtres, drôles, dégueus, toujours surprenantes. Le film n’est pas exempt de défauts, de chevilles scénaristiques parfois expédiées, mais revendique justement une forme d’absence de sophistication. Et Roth y retrouve un peu de l’énergie de ses débuts.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéAUGURE ★★★☆☆
De Baloji
Dans une scène inaugurale ténébreuse, une femme enveloppée dans un châle libère le lait de sa poitrine dans une rivière. Cette image énigmatique érige la ligne conductrice de ce premier long ambitieux du congolais Baloji, touche à tout de génie évoluant entre le rap, le cinéma et la poésie. En choisissant d’entremêler plusieurs récits (autour d’un homme retournant au Congo après 15 ans d’absence pour présenter sa femme enceinte à sa famille), Augure raconte l’histoire d’un Congo extravagant, régi par des discriminations pesantes, des traditions obsolètes et des inégalités sociales profondes, dont le fardeau de l’ascendance familiale est le point majeur. Mais plutôt que d’exploiter une fibre sociale, Baloji installe un climat délicieusement fantastique, nourrissant son cadre d’images abstraites et de figures traditionnels baroques, rites vétustes et masques traditionnels à l’appui.
Yohan Haddad
LES FILLES VONT BIEN ★★★☆☆
De Itsaso Arana
Actrice espagnole notamment vue dans le rôle-titre d’Eva en août (de Jonás Trueba), dont elle était aussi coscénariste, Itsaso Arana réalise ici son premier film, qui prend les apparences d’une douce respiration estivale. Cinq jeunes femmes se retrouvent ainsi un été à la campagne pour répéter une pièce de théâtre et un brouillage des frontières entre le jeu en robes d’époque et la vie réelle va se faire jour au fur et à mesure que ces comédiennes discutent d’amour, d’amitié, de rêves ou de doutes artistiques. Derrière l’apparente jovialité pointe alors une gravité inattendue que la cinéaste intègre habilement à son atmosphère de conte féministe et atemporel. Remarquablement interprété, ce coup d’essai manque parfois un peu de tension dramatique mais témoigne d’une tonalité déjà très personnelle et attachante.
Damien Leblanc
LES PETITS MÂLES ★★★☆☆
De Laurent Metterie et Camille Froidevaux- Metterie
Des garçons de 7 et 18 ans se penchent sur des sujets qui parsèment la vie des femmes. Violences, inégalités, ou encore sexualité, ces enfants verbalisent ouvertement une réflexion qui, de manière très touchante, vacille entre des affirmations et de timides incertitudes, tant les sujets exposés peuvent être névralgiques. Ils développent une pensée sincère entremêlée à une maturité congénitale de haut vol qui ne peut laisser insensible. Les avis de ces jeunes gens se mêlent aux récits autobiographiques que livrent des femmes d’âges mûrs, bien familières des temps rétrogrades. C'est courageusement que ces petits, hauts comme trois pommes s'adonnent à des réflexions philosophiques vertigineuses, qui généralement, demeurent irrésolues même après une vie d'observation. Pédagogique, Les Petits Mâles est d'utilité (et de nécessité) publique puisqu'en encourageant la prise de parole, il souligne le caractère précieux qu'implique la liberté d'expression.
Manon Bellahcene
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
LA TRESSE ★★☆☆☆
De Laëtitia Colombani
Six ans après le succès en librairies de son roman homonyme, Laetitia Colombani (A la folie… pas du tout et Mes stars et moi) revient à la réalisation en adaptant La Tresse en film choral présentant les malheurs et les combats trois femmes (Italienne, Indienne et Canadienne) dont les destins sont paradoxalement liés. Il nous rend témoins de leurs quotidiens sur trois continents et couches sociales pour construire un va-et-vient entre des mondes que tout oppose. Il s’agit du genre d’histoire dont on ne peut rien dire sans trop en dire et c’est bien là que réside sa faiblesse. Ce voyage saccadé où les curseurs dramatiques sont en permanence poussés au maximum devient parfois indigeste et se résout trop à miser sur son twist. Sans pour autant perdre les fans du livre, l’ode criarde à l’adversité donne une profondeur amère à la mondialisation qui accable un peu sans le vouloir.
Bastien Assié
DUMB MONEY ★★☆☆☆
De Craig Gillespie
Une fois passé le plaisir régressif à retrouver des acteurs adorés (Paul Dano en streamer fan de chats et Seth Rogen en trader millionnaire) dans un film bourré de références à la culture Internet et dopé par une bande originale peuplée des tubes de Cardi B et Kendrick Lamar, Dumb Money s’avère être un bien triste divertissement. Il doit sans doute sa fadeur au fait divers qu’il adapte : l’affaire GameStop défraya la chronique au début de l’année 2021, avant de retourner dans l’anonymat absolu aussi vite qu’elle apparut, ne laissant aucune trace derrière elle. Le matériau de cet énième film de finance aurait pu porter un message fort (le pouvoir des masses est capable de renverser les riches), mais il se perd en chemin sans trouver l’équilibre espéré entre humour, émotion et cours d’économie.
Nicolas Moreno
CONANN ★★☆☆☆
De Bertrand Mandico
Désireux de renouveler son dispositif narratif après ses deux premiers longs métrages Les Garçons sauvages et After Blue (Paradis sale), Bertrand Mandico raconte le parcours mythologique d’une héroïne à travers six âges de sa vie, qui s’apparentent à six propositions différentes de cinéma fantastique. Multipliant les actrices et féminisant la figure du barbare Conan, le réalisateur adopte une forme visuelle changeante pour faire du passage du temps une maléfique force de destruction des idéaux de jeunesse. S’il maîtrise toujours à merveille sa mise en scène et ses images uniques, Mandico peine à captiver durablement avec son fil thématique (ici un portrait métaphorique du capitalisme vorace) et ne recrée pas l’envoûtement des Garçons sauvages, comme si son armure de cinéaste refusait encore de se briser entièrement.
Damien Leblanc
CESARIA EVORA, LA DIVA AUX PIEDS NUS ★★☆☆☆
De Ana Sofia Fonseca
Disparue en 2011, Cesária Évora a dû être attendre 51 ans et son tube Sodade pour connaître une reconnaissance internationale. Ce docu entreprend de raconter la femme autant que l’artiste. Les amours et les emmerdes de celle qui s’était extirpée de la grande pauvreté pour devenir une légende. Le tout avec une quantité d’archives imposantes dont la richesse semble avoir dépassé la réalisatrice. Et l’écriture de son film – dans sa réalisation comme son montage – nous laisse sur notre faim.
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIME
EDOUARD LOUIS OU LA TRANSFORMATION ★☆☆☆☆
De François Caillat
Si vous aviez réussi à échapper aux romans autobiographiques d’Édouard Louis, le voici de retour, au cinéma cette fois. Rien de neuf sous le soleil de l’écrivain et sociologue, si ce n’est peut-être sa découverte du recyclage : devant son ancien collège, le voici en train de parler des vêtements qu’il désirait à l’époque, anecdote qu’il racontait déjà dans son premier livre. Avait-on vraiment besoin de ce livre audio illustré et à peine retravaillé ?
Nicolas Moreno
RÊVES ★☆☆☆☆
De Pascal Catheland et Arthur Perole
Divisé en quatre parties, ce documentaire interroge de jeunes collégiens quant à l’avenir du monde dans lequel ils seront amené à vivre. Le film agace très rapidement par sa fausse candeur, persuadé de livrer des réponses poétiques et profondes aux questions que se posent les adultes. C’est pourtant une série de banalités qui sont partagées, dissimulées derrière des images de ces adolescents qui dansent sur de la techno, tel un cache-misère 2.0.
Nicolas Moreno
Et aussi
Orlando, ma biographie politique, de Paul B. Preciado
Reprise
Anna, de Pierre Koralnik
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