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Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    L'apologie du vote démocratique n'est pas un exercice aussi évident qu'il y paraît. Sous couvert d'un discours et d'une réflexion autour d'une élection, le cinéaste iranien Babak Payami nous offre un film de propagande estampillé Makhmalbaf.
    Une urne tombe du ciel pour atterrir sur une île, au milieu de nulle part. Un agent électoral la rejoindra quelque temps plus tard. C'est une femme au discours pro électoral trop rôdé pour être honnête. Un garde-côtes un peu bêta l'accompagne afin qu'elle fasse voter tous les gens de la région. L'histoire est introduite, la propagande peut commencer par la première leçon. Comment voter ? On nous expliquera ensuite qui peut voter, pourquoi on doit le faire.Son urne et sa liste électorale à la main, bulletins et tampons en poche, la jeune femme, flanquée de son Candide armé d'un fusil, court après tout ce qui est susceptible de remplir l'urne. Ainsi elle rencontre toutes les couches de la population rurale. Ceci lui permet d'exposer le droit à s'exprimer. Elle refuse que leur mari utilise leurs voix. Elle poursuit tout le monde avec assiduité, elle demande à tous de choisir des noms sur une liste. Etrange résumé d'une pratique démocratique. Jamais on ne parle de programme, ni de ce que le vote implique en dehors d'une expression de soi.Caricaturaux les personnages sont dépeints de manière totalement manichéenne. La jeune femme tient un discours tellement naïf, tellement visiblement propagandiste, qu'on a parfois envie de lui faire avaler son urne. Le soldat qui l'accompagne est tellement abruti qu'on souhaite de tout coeur qu'il se mette une balle dans le pied et qu'on en finisse. Rien ne permet pourtant de traiter le réalisateur de crétin. Non, celui-ci sait manifestement où poser sa caméra, comment sublimer ce qu'il voit. Les images sont très belles, les personnages joliment filmés. On retrouvera parfois un peu de la patte Makhmalbaf. Comme dans de nombreux de se films se pose ici la question de la modernité. Confrontée à quelque chose relevant d'un certain archaïsme, se pose alors la question de savoir ce qui est mieux. Ici la réponse réactionnaire n'est jamais loin. Entre le vieux sage qui vote pour Dieu, la jeune femme qu'on enlève des griffes de l'étranger pour la ramener chez elle « où elle sera mieux », un groupe manifeste l'envie de voir son candidat sur la liste électorale. On se prend à espérer que le film dénoncera enfin l'utilisation du vote comme caution des régimes totalitaires. Naïfs que nous sommes, les protestataires se rangent vite et se satisfont de voter leur mécontentement à bulletin secret.Récompensé, il y a deux ans, du prix spécial du meilleur réalisateur du Festival de Venise, ce film est un film de propagande, comme on en voit peu. A travers un discours sur la démocratie, on justifie l'existence de tous les régimes totalitaires. Suffisamment étonnant pour justifier un déplacement ? Peut-être. Pourtant la dose de crispation à subir vous fera sans doutes regretter d'avoir investi dans le prix d'un billet.
    Bulletin scret
    Réalisation et scénario : Babak Payami sur une idée originale de Mohsen Makhmalbaf - Sortie le 11 décembre 2002
    - Le site officiel (en angl).