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Cela fait presqu’un an qu’on a découvert le nouveau Emin Alper (Derrière la colline) à Un Certain Regard. Mais l’impact de son premier vrai film politique ne s’est pas effiloché tant sa manière de s’attaquer aux dérives populistes, machistes de son pays au fil d’un récit sous tension permanente impressionne. On y suit un jeune procureur muté dans une petite ville reculée, percutée par la crise de l’eau qui pousse la classe dominante à jouer sur la peur pour conserver son emprise et ses privilèges. A commencer par son maire qui a créé un système de corruption à tous les étages auquel va donc s’attaquer ce chevalier blanc déterminé. Burning days raconte le choc tellurique entre Turquie d’en haut et d’en bas, entre progressisme et populisme, où tous les coups semblent permis pour que rien ne change, sur fond de masculinité toxique. Une scène inaugurale en donne le la, le dîner d’accueil du procureur où la sympathie joyeuse initiale laisse peu à peu place à un certain malaise puis à un vrai climat de terreur. Toute la suite du récit est contenue dans ces échanges : les pressions que ce procureur va subir, une tension homoérotique virant à l’homophobie crasse pour faire taire cet homme intègre qu’aucun pot de vin ne semble pouvoir acheter. Le tout dans une ambiance de pur cauchemar où, par une réalisation inspirée, le réalisme flirte régulièrement avec le fantastique. Le ministère de la Culture turc a demandé le remboursement des aides accordées à Burning days, arguant de changements au scénario, dont… l’évocation d’une romance homosexuelle. La preuve qu’Alper a touché juste.