Toutes les critiques de La Rivière des sens

Les critiques de Première

  1. Première
    par Pierre Lunn

    Cinq ans après le COVID n’a toujours pas complètement déserté les écrans de cinéma. Dans une ville-dortoir proche de Pékin, Yang Fan, une femme mariée, voit sa routine bouleversée par la pandémie. Progressivement, les fantasmes envahissent sa vie et on suit sa dérive sexuelle à travers des scènes explicites qui, loin de toute passion romanesque, sont filmées avec la même banalité que ses gestes quotidiens. Tourné en Corée, par une équipe entièrement chinoise, le film oscille entre le romantisme frontal des productions sud-coréennes et la chronique sociale et théorique du cinéma indépendant chinois, ou pour faire local (et utiliser des références revendiquées) entre Rohmer et Bresson. Guidé par le chef opérateur Ash Chen (tonalité laiteuse, cadre rugueux), La Rivière des sens baigne dans une atmosphère brumeuse qui reflète l'espace de cette ville isolée et figée dans le temps du COVID. Car s’il est beaucoup question de sexe, évidemment, le parti pris de la banalité, de la répétition mécanique des scènes érotiques interrogent finalement moins les pulsions des personnages que leur isolement social, l'apathie qui a touché toute une population. Et en trahissant son mari, en cherchant à assouvir ses fantasmes comme ceux de son mec, l’héroïne devient au fond le sujet et l’instrument d’une vraie libération.