Alors qu’il préside cette année le jury du festival international du film de Comédie de l’Alpes d’Huez, José Garcia est revenu sur ses rôles cultes et dévoile tout de son ressort comique. Nikamouk !
Beaumarchais l’insolent d’Edouard Molinaro (1996)
Célébration survoltée (mais un peu creuse) de la vie de cet aventurier des lettres et de la politique, le film se termine sur la représentation du Mariage de Figaro, joué par un José Garcia au tout début de sa carrière.
"C’est le film qui m’a permis de passer du petit écran au cinéma. La fille d’Edouard Molinaro m’avait repéré sur Canal et il m’a confié ce personnage. Je sortais de mes 'persos' à bas résille et je plongeais dans ce film historique très littéraire. Tout à coup, je me retrouve à jouer Figaro devant le cinéma français. Le théâtre, la langue classique, je connaissais, ça ne me faisait pas peur. J’avais fait de la scène pendant dix ans et j’étais arrivé à Nulle part ailleurs parce que je crevais la dalle et qu’il fallait bien bouffer. J’avais déjà joué Figaro, d’ailleurs. Non, ce qui m’a impressionné, c’est la situation : je fais le con à la télé et me voilà face à Piccoli, Weber, Balmer… Je vous jure que je n’en menais pas large. C’était une toute petite apparition, mais ça m’a fait décoller au cinéma. Avec ce film et Elisa, les gens se sont aperçus que je pouvais de NPA au grand écran alors qu’à l’époque, les passerelles étaient rares."
La vérité si je mens de Thomas Gilou (1997)
Garcia sort les gourmettes et les BMW pour jouer Serge Benamou, génie de la tchatche et mytho absolu. Avec "je vais t’casser tes petites pattes arrières" et "c’est une tornade qui m’amène enculé", l’acteur devient champion du monde.
"Personne ne voulait faire le film. Mais Thomas vient me voir avec au choix deux rôles : Rafi Stylmod le personnage que jouera finalement Eli Kakou ou Serge. Ce dernier était à l’état d’ébauche, il n’était pas très écrit mais j’ai tout de suite vu ce que je pouvais en faire. Plus les personnages sont pathétiques, plus je m’éclate. Prendre à ma charge toute la connerie du monde, j’adore, parce que c’est un plaisir fou à jouer. Serge dans le genre, il a tout : c’est un personnage de comédie italienne, un type très latin, un mec qui a 'faim'. Avec Bruno, on a beaucoup improvisé et je crois que le succès du film tient aux fulgurances qui se produisaient sur le plateau. Sur le troisième épisode, on nous a demandé d’être plus sage, de respecter le script, et une partie de l’échec vient de là."
Jet Set de Fabien Onteniente (1999)
Deux banlieusards se font passer pour des princes de la nuit. Fabien Onteniente s’amuse de la culture night-club et offre à Garcia un second rôle qui va très loin dans l’outrance et la folie comique.
"Comme pour La Vérité, mon personnage n’était pas développé. C’est moi qui ait dit à Fabien que je voulais jouer le Brésilien. Ce type qui n’est là que pour taper de la coke, que pour profiter, c’était pour moi ! C’était comme dans la chanson (il chante) : 'Je suis Brésilien, j'ai de l'or / Et j'arrive de Rio d’Janeire / Plus riche aujourd'hui que naguère / Paris je te reviens encore'. C’est vrai que c’était l’une de ces comédies française surgonflées, surproduites. Mais je savais que j’aurais la place de créer un personnage extravagant. Le plaisir d’être à l’écran, de jouer encore avec mon ADN Canal, tout en surprenant tout le monde ! Oui : la comédie française coutait cher, mais le cinéma coûte cher. Et il va falloir qu’on y revienne parce que, en face, y a toujours un américain qui vient faire exploser des planètes. Honnêtement, si ça reste sage, ça ne peut pas marcher. Surtout la comédie : il faut que ça explose ! On a peut-être été trop loin, mais ça envoyait."
Extension du domaine de la lutte de Philippe Harrel (1999)
Une adaptation de Houellebecq (la solitude de l'homme moderne, la misère sexuelle comme conséquence du libéralisme économique…), dans laquelle Garcia joue un loser boudiné dans des costumes Prince de Galles. Un rôle secondaire qui lui permet de voler la vedette à Philippe Harel, interprète principal et réalisateur.
"Philippe n’avait pas la télé et c’est après le film qu’il a découvert ce que je faisais avec De Caunes. 'Si j’avais vu ça, je t’aurais jamais filé le rôle' (rires). C’est un film noir, mais dès le début, on l’a pensé comme une comédie. On s’est marré pendant tout le tournage avec Houellebecq. J’ai trouvé le concept de jeu très vite : pour jouer Tisserand, je devais casser les distances physiques. Je m’approchais toujours trop près des filles et ça les mettait très mal à l’aise. C’est un héros pathétique, qui vit des situations dures, et on avait décidé de pousser ça au maximum. Il y avait une noirceur qui me plaisait, un côté désespéré qui le rapproche au fond de Bénamou. Lui aussi il a envie, lui aussi il est dans la séduction, dans le plaisir, et il tente. Parce qu’il a envie d’être aimé. Il n’a aucune chance et c’est ça qui est beau."
Après vous de Pierre Salvadori (2002)
Cette comédie romantique au casting prestigieux (Daniel Auteuil, Sandrine Kiberlain et José Garcia) impose définitivement l’univers de Salvadori entre burlesque français et magie lubitschienne. Une révélation pour l’acteur.
"Il y avait une vision de cinéaste et je commençais à découvrir la différence entre la comédie grand public et la comédie d’auteur. Ce que j’y faisais dépassait mon personnage. J’avais déjà touché ça du doigt avec Harrel. Quand on reçoit un script, la question à se poser c’est : 'est-ce qu’il y a une histoire ou pas ?'. S’il n’y a pas d’histoire, je peux en profiter pour composer un personnage outrancier. Il faut alors maîtriser le personnage de A à Z et faire son délire. Je dis souvent que c’est comme une grande vitre : si vous passez à travers à la bonne vitesse, y a pas d’écorchures. Si vous ne mettez pas le bon élan vous serez coupé de la tête aux pieds. Par contre, si on vous propose une histoire, travaillée par un metteur en scène à la vision forte, comme Pierre, alors il suffit de se couler dans son univers. Franchement, ce sont les films les plus faciles à faire. 'Le peigne dans le maillot' comme dit Trintignant. Tout est écrit, faut juste suivre le mode d’emploi."
Le couperet de Costa Gavras (2005)
Fini de rire. Le parcours implacable d'un chômeur devenu serial killer pour sauver son image sociale et conserver son job entraîne Garcia vers le côté obscur de la farce.
"Le film le plus grinçant de ma filmo. Costa m’a dit qu’il m’avait choisi parce que j’avais une image populaire, le profil d’un mec sympa et il avait besoin de quelqu’un qu’on aime intuitivement pour le suivre jusqu’au bout. C’était ce qu’il avait fait avec Jack Lemmon dans Missing… J’en parle tranquillement aujourd’hui, mais ça m’a plongé dans le doute à l’époque. Parce que j’étais tout le temps à l’écran. J'avais fait le film de ma femme (Rire et châtiment d'Isabelle Doval) en étant au cœur du dispositif, mais là, autant de plans sur ma gueule ! Il a fallu inventer ce personnage aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur, et ça m'a fragilisé. C’était pas la fragilité de faire un tueur, hein, mais une fragilité par rapport à mon métier, comme un univers que je commençais à découvrir au fur et à mesure. J’ai amené de l’humour noir aussi, ce qui a souvent surpris Costa. Mais je voulais tirer le personnage vers la lumière."
GAL de Miguel Courtois (2006)
Alors au sommet, Garcia décide de se réinventer en acteur de drames intenses. En Espagne. D’abord avec un film de Carlos Saura, suivi de ce thriller sur le terrorisme basque.
"A un moment donné, j’ai ressenti le besoin de me remettre en question et surtout de faire du cinéma d’auteur. Pourquoi en Espagne ? Parce qu’il n’y avait que des coups à prendre et que j’aime trop les défis. Là-bas, personne ne me connaissait, je ne maitrisais pas bien la langue et je changeais de registre. Le cinéma d’auteur français est axé sur l’intime - des personnages neutres, les soucis du quotidien, des drames sociaux. C’est bien hein… mais sur ce terrain, j’avais rien à apporter d’original. Moi, j’avais besoin d’histoires vraies, d’histoires de chair et de sang. J’ai fait Le 7ème jour, de Saura, adapté d’un fait divers, puis GAL une autre histoire vraie : les gens dont on parlait étaient encore vivants et se baladaient dans les rues avec un flingue à la main. Le producteur du film a fait la promo suivi par trois types en armes. C’était chaud mais quel pied !"
Sa majesté Minor de Jean-Jacques Annaud (2006)
José Garcia joue un personnage 50% homme, 50% cochon pour un résultat 100% échec. A base de culte païen, de mythologie et de gaudriole, cette fable politique où pointent des phallus reste un objet de cinéma totalement autre.
"La plus grande expérience cinéma de ma vie. On ne peut pas se préparer à ce genre de rôle. Jamais. Plus jeune, quand j’avais découvert La Guerre du feu, je m’étais dit que les acteurs du film avaient dû horriblement souffrir. Et à la fin de Minor, Jean-Jacques m’avait confié que j’avais plus morflé qu’eux (rires). Je courais pieds nus sur des ronces ou des coquillages tranchants. Il y avait les animaux, ma cape de 18 kilos … je pensais tous les jours que j’allais finir sur une civière. Rajoutez le texte, l’éloquence du personnage… c’était dingue ! Et puis, après, le four. J’ai tout de suite compris que les critiques avaient envie de se faire Annaud. Mais pas de problèmes : j’adore perdre avec panache et j’adore défendre un film avec un metteur en scène, bec et ongle. La promo a été dure, mais j’ai aimé dialoguer avec les critiques."
Madame Hyde de Serge Bozon (2016)
Dans cette relecture facétieuse de Dr Jekyll et Mr Hyde, José Garcia intègre l’univers ciselé, trivial mais très particulier de Serge Bozon. L’occasion de croiser le fer avec Huppert (une professeure aux étranges pouvoirs) dont il joue le mari.
"Quand j’ai rencontré Serge Bozon je lui ai dit : 'franchement, je comprends rien à ce que t’as écrit." Des amis m’ont expliqué des trucs parce que c’était très compliqué et très éloigné de mes références. Mais j’ai aussi précisé : 'si t’arrives à me guider et que tu es sûr que je peux te donner ce que tu veux, alors on y va'. Et ça c’est super bien passé. Travailler avec Romain Duris et Isabelle Huppert a été très stimulant. On pense qu’on est à l’opposé Isabelle et moi, mais on a cette même envie de jouer. On se complétait sans rien dire. Je ne comprenais pas beaucoup le film, mais je savais ce que je pouvais faire de mon personnage et il y avait le plaisir de jouer d’Isabelle. C’est jubilatoire, elle a un niveau d’exigence fabuleux qui procure une excitation particulière. Quelle actrice !"
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