Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
BLANCHE NEIGE ★★★☆☆
De Marc Webb
L’essentiel
Porté par de bonnes chansons et un bon duo d’actrices, le dernier live action de Disney réussit son pari
Rarement un Disney avait été à ce point éviscéré et (mal) attendu avant même sa sortie. Et on sait en plus à quoi s’en tenir sur les remakes en live action du studio : de gros hits en salle, qui tentent de refaire tomber la foudre au même endroit que les originaux en restant servilement écrasés à leur musique et à leurs codes visuels. De fait, Blanche Neige reprend certains visuels du classique de 1937, assume la fantaisie de l’original et actualise gentiment le film à son époque sans trop de douleur. Mais il repose sur deux atouts majeurs. Le choix du duo Justin Paul/Benj Pasek (La La Land, The Greatest Showman) pour composer les nouvelles chansons du film. Et le face à face entre la Blanche Neige incarnée avec fougue par Rachel Zegler et la Reine jouée comme seule Gal Gadot semble savoir le faire -délicat jeu d’équilibriste entre le non-jeu et la transformation immédiate en meme Internet par la grâce du timing des pauses entre chacune de ses répliques. De quoi réussir un pari qu’on pouvait croire à tort donc perdu d’avance.
Sylvestre Picard
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
LUMIERE ! L’AVENTURE CONTINUE ★★★★☆
De Thierry Frémaux
Pourquoi bouder son plaisir ? Huit ans après Lumière, l’aventure commence, Thierry Frémaux persiste et signe avec ce nouveau voyage dans l’œuvre pléthorique (1500 films de 50 secondes) des deux frères inventeurs du cinéma. L’ambition reste la même : offrir sur grand écran quelques- unes de leurs pépites (120 ici, totalement inédites quand le premier opus se concentrait sur les plus connus) restaurées spécialement pour l’occasion et accompagnées par la musique somptueuse de leur contemporain Gabriel Fauré. Mais aussi et surtout les resituer dans leur contexte, montrer et expliquer comment leurs idées de mise en scène et de cadrage ont ensuite infusé chez leurs successeurs. Un exercice auquel Thierry Frémaux – grand manitou de Cannes, directeur général de… l’Institut Lumière et éminent connaisseur du sujet - s’emploie avec une pédagogie ludique et malicieuse qui ne laisse personne sur le bord du chemin. Un régal pour les yeux et les oreilles donc !
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
THE ALTO KNIGHTS ★★★☆☆
De Barry Levinson
Robert De Niro dans un double rôle, jouant à la fois le mafieux légendaire Frank Costello et son adversaire tout aussi légendaire Vito Genovese. Soit deux gangsters ayant laissé leur empreinte sur le monde du crime organisé du 20ème siècle, deux anciens amis qui finirent par devenir rivaux. En décidant cette fois-ci de ne pas faire appel à Al Pacino ou Joe Pesci pour lui donner la réplique, c’est comme si De Niro faisait une OPA définitive sur le genre du film de mafia. Pourquoi pas, mais le problème est que le film ne justifie jamais ses parti-pris théoriques un peu fous d’un point de vue dramatique – on n’est ni dans une histoire de jumeaux façon Faux-semblants, ni dans une comédie type Professeur Foldingue, ni dans un concept SF à la Mickey 17. A la place, The Alto Knights dessine les contours d’un cinéma mafieux post-The Irishman, comme il y eut dans les années 90 un cinéma mafieux post-Affranchis. C’est fatalement moins excitant, mais, derrière le cortège de silhouettes fantomatiques et les clichés visuels, il y a néanmoins une bonne histoire, une matière historique très touffue et plutôt bien synthétisée par un autre briscard du genre, l’ancien journaliste et scénariste scorsésien Nicholas Pileggi (auteur des Affranchis et de Casino).
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéLA CACHE ★★★☆☆
De Lionel Baier
La cache, c’est d’abord ce grand appartement de la rue de Grenelle, dans laquelle vit de façon bohême une famille d’intellos parisiens – le film est adapté d’un livre du journaliste Christophe Boltanski et l’on pourra reconnaître dans les personnages certains membres célèbres de sa famille. La cache désigne aussi ce recoin mystérieux de l’appartement dans lequel le jeune héros du film est persuadé qu’un chat a élu domicile. Et la cache, enfin, c’est aussi une façon d’évoquer l’Histoire, ses zones d’ombres, ses replis secrets, où l’on peut enfermer des souvenirs, d’où peuvent surgir des hantises. D’une guerre franco-française à l’autre, le film sonde l’écho toujours vivace des années d’Occupation dans le Paris de Mai 68. Ce matériau a priori très théorique est traité par Lionel Baier d’une façon joyeuse, légère, qui parvient à éviter l’écueil de la reconstitution nostalgico-fétichiste des Trente Glorieuses et fait de La Cache, un film discret et très profond.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéPROSPER ★★★☆☆
De Yohann Gloaguen
Chauffeur Uber sans ambition, Prosper (Jean-Pascal Zadi) prend un soir un client qui vient de se faire tirer dessus. L’homme claque sur le siège arrière et dans la panique, Prosper se débarrasse du cadavre tout en lui piquant sa paire de bottines en croco. Quand il les met, il se retrouve habité par l’esprit de l’homme assassiné et disparaît au profit de King, un gangster craint de tous et bien décidé à retrouver qui l’a flingué… Comédie de possession se déroulant dans le milieu de la « sapologie » (sorte de dandysme né au Congo, qui consiste à bien se saper avec pas mal de couleurs), Prosper compense son petit budget grâce par cette imagerie singulière et rarement portée à l’écran. Pas de vannes à la chaîne ici, mais une petite enquête peuplée d’excellents seconds rôles et de vrais moments de comédie. Zadi, alternativement loser et winner, déploie un jeu d’une nuance assez inédite dans sa filmo.
François Léger
VERMIGLIO OU LA MARIEE DES MONTAGNES ★★★☆☆
De Maura Delpero
Réalisatrice du remarqué Maternal en 2020, Maura Delpero confirme avec Vermiglio toute les promesses stylistiques et atmosphériques de son premier film. Démarrant durant l’hiver 1944 dans un village des Alpes italiennes, cette fresque montagnarde montre l’irruption d’un jeune déserteur dans un environnement qui semblait jusque-là imperturbable. Le nouveau venu tombe ainsi amoureux de la fille aînée de l’instituteur local et le mariage des deux tourtereaux va bouleverser l’équilibre social et religieux de ce monde rural traditionnel. En prêtant une attention minutieuse à la rugosité des existences et à la fragilité des sentiments au sein d’écrasants paysages naturels, la cinéaste dépeint avec inspiration des destins aussi tragiques qu’envoûtants. Et au-delà de la relative lenteur rythmique, une étonnante grâce se dégage finalement de cette œuvre qui a reçu le Grand Prix du Jury à la dernière Mostra de Venise.
Damien Leblanc
BABY ★★★☆☆
De Marcelo Caetano
Avec son deuxième long, Marcelo Caetano creuse le sillon de Corpo electrico (2018). Cette idée de passer par les histoires d’amour et les corps qui s’enchevêtrent pour raconter la société brésilienne. Il met ici en scène un jeune garçon sortant d’un centre de détention pour mineurs, à la dérive dans les rues de São Paulo. Sans argent, sans nouvelle de sa famille, il fait la rencontre dans un cinéma porno de Ronaldo, un homme mûr charismatique auquel il va se raccrocher, au fil d’une histoire d’amour riche en contradictions, excès et manipulation. Puisque Ronaldo va l’initier à la prostitution. La beauté sensuelle avec laquelle Caetano filme les scènes intimes contraste avec la violence de ce qui se joue à l’écran. Ici, nulle place pour un regard victimaire, pour un monde divisé en méchants et en gentils. Le récit évolue avec virtuosité dans cette frontière grise, quotidien de cette jeunesse LGBTQI+ défavorisée sur laquelle il pose un regard toujours à bonne distance.
Thierry Cheze
AÏCHA ★★★☆☆
De Mehdi M. Barsaoui
Après Un fils, qui avait valu à Sami Bouajila le César 2021 du meilleur acteur, Mehdi M. Barsaoui se focalise cette fois sur une héroïne au trajet mouvementé. Âgée d’une vingtaine d’années, Aya travaille dans un hôtel du sud de la Tunisie et se sent prisonnière d’une existence sans horizon. Quand elle est un jour l’unique survivante d’un accident de bus, elle saisit l’occasion pour changer d’identité et partir mener une vie indépendante à Tunis. L’espoir s’avèrera pourtant de courte durée car la jeune femme sera témoin en boîte de nuit d’une bavure policière qui la propulse au cœur de pressions de toutes sortes. À travers cette quête de quiétude qui se trouve sans cesse entravée, le cinéaste dresse un cinglant portrait de la société tunisienne. Et sa vivifiante mise en scène couplée à l’impressionnante force de conviction de l’actrice Fatma Sfar dans le rôle- tite impressionnent.
Damien Leblanc
QUELQUE CHOSE DE VIEUX, QUELQUE CHOSE DE NEUF, QUELQUE CHOSE D’EMPRUNTE ★★★☆☆
De Hernan Rosselli
A Buenos Aires, un gang de bookmakers doit se réorganiser après la mort du patriarche, sous la houlette de sa veuve et de sa fille. Ce pourrait être une variation argentine sur Les Soprano, mais alors du genre conceptuel, puisqu’à la fiction s’entremêle de véritables home-movies en VHS, fournis au cinéaste par sa comédienne principale. Parce qu’il traite de paris clandestins et de secrets de famille, le film se veut d’abord opaque, indéchiffrable, mais finit par séduire en révélant sa nature mélancolique.
Frédéric Foubert
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
MA MERE, DIEU ET SYLVIE VARTAN ★★☆☆☆
De Ken Scott
Dans le Paris des années 60, Esther et Maklouf Perez, émigrés du Maroc, accueillent leur sixième enfant, Roland, qui naît avec un pied malformé. Portée par une foi inébranlable, Esther sillonne la capitale, consultant médecins et guérisseurs jusqu'à ce qu'un miracle se produise. De cette épreuve naîtra la vocation d'avocat du petit Roland. Cette adaptation du récit de Roland Perez est étrangement construite en diptyque : il y a d'abord le portrait d'une mère dévorante qui, malgré l'interprétation énergique de Leïla Bekhti, s'enlise dans les codes rebattus du mélo familial. Puis brusquement, place à l'ascension d'un jeune étudiant de droit fan de la star des yéyé. Centrée sur Jonathan Cohen, cette partie déroute par son changement brutal de ton. Le film délaisse l'intensité pastel du début pour suivre les errements d’un homme amoureux et prisonnier, qui seul pourra être sauvé par sa passion pour la chanteuse. Au final, les admirateurs de Roland Perez ou les nostalgiques des tubes de Sylvie Vartan y trouveront leur compte, les autres risquent d’être déçus face à ce récit qui ne choisit jamais entre la saga familiale et le biopic d’une vedette médiatique.
Gaël Golhen
Lire la critique en intégralitéMAGMA ★★☆☆☆
De Cyprien Vial
Inspiré par le court métrage documentaire de Werner Herzog, La Soufrière, Cyprien Vial (Bébé tigre) en propose une extension originale sous forme d’une fiction contemporaine qui s’interroge sur ce qu’il adviendrait si le volcan de la Soufrière, en Guadeloupe, montrait aujourd’hui des signes de réveil proches de celui de 1976. Centré sur le duo formé par une vulcanologue expérimentée (Marina Foïs) et un jeune Guadeloupéen qui travaille sous ses ordres (Théo Christine), Magma décrit comment la panique d’une éruption gagne peu à peu l’île et se heurte à un climat social inflammable. Malgré cette envie de mêler goût du récit catastrophe et exploration d’un territoire peu filmé par le cinéma français, la réalisation peine à créer de la tension et du rythme. Les dialogues semblent parfois un peu expédiés et la dramaturgie ne parvient pas totalement à convaincre ni à dépasser le stade des louables intentions.
Damien Leblanc
RADIO PRAGUE, LES ONDES DE LA REVOLTE ★★☆☆☆
De Jiri Madl
Récit d’apprentissage, mélo historique, thriller politique… Jiri Madl mêle les registres dans ce film centré sur jeune Tchécoslovaque qui, engagé dans une radio, va vivre le Printemps de Prague aux côtés de journalistes défiant la censure de l’Etat. Mais devant toutes les sous- intrigues développées, on a le sentiment que le film – mené pourtant sans temps mort - ne cesse de se chercher. Et qu’à ne pas choisir, il survole certains moments qu’on aurait aimé voir plus approfondis. Un format de mini- série aurait été plus approprié.
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIME
L’ECHAPPEE BELLE ★☆☆☆☆
De Pamela Varela
Leur van en panne, une petite troupe d’artistes dans l’attente d’une tournée se retrouve bloquée dans la maison de famille de leur metteur en scène. Et ? Pas grand-chose. Le temps semble bien long dans L’Échappée belle, où Pamela Varela (Le Voyage d’Ana, 2020) fait traîner les plans et les silences. Une succession de tranches de vies oisives, où l’on disserte théâtralement de l’amour et du travail, tout en répétant du Tchekhov. Aride et maniéré, mais pas dénué d’une petite touche de romantisme.
François Léger
Et aussi
Les Bodin's partent en vrille de Frédéric Forestier
J’ai vu trois lumières noires, de Santiago Lozano
Sariri, de Laura Donoso
Les reprises
Illusions perdues, de Ernst Lubitsch
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