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En posant leurs caméras dans les bureaux exigus de cet organisme méconnu (pas d’effets de mise en scène, il s’agit presque d’une captation à la façon des films institutionnels), Claudine Bories Patrice Chagnard redonnent aux fonctionnaires de l’ombre la place qu’ils méritent dans notre société : celle de piliers de la République. À partir de quatre cas d’école (une famille sri-lankaise, deux Éthiopiennes, une Mongole), Les Arrivants établit de façon percutante les rapports de force naturels qui s’instaurent entre des fonctionnaires pleins de bonne volonté mais impartiaux et des étrangers sur la défensive. D’abord revêche et bornée, Caroline finit ainsi par craquer devant l’insuffisance des moyens humains et les lourdeurs administratives. Sa révolte de travailleuse traduit l’indignation d’une citoyenne forcée à renier ses convictions. C’est la « star » de ce documentaire dont l’austérité formelle est à l’opposé de sa richesse dramatique.
Toutes les critiques de Les arrivants
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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C'est un documentaire qui vaut toutes les fictions, avec des suspenses intenses, et des héros qui s'ignorent en tant que tels. Un documentaire sans bons sentiments ni esprit polémique, alors qu'il traite d'une réalité qui l'est (...). La destinée des Wong, des Kaneshamoorty, de Zahra et des Mulugheta, mais aussi les réactions de Caroline et de Colette, tous provisoirement embarqués dans le même bateau, passionnent.
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Claudine Bories et Patrice Chagnard font de leur documentaire une rencontre tragi-comique, intense, entre ces gens d'ailleurs et nous. Tout se passe dans le huis clos de bureaux ingrats où l'on parle, encore et encore, entre deux chaises en plastique et une montagne de dossiers. Pourtant, cette histoire devient aussi captivante qu'une épopée. Sans doute parce que, chacun à sa manière, réfugiés, assistantes sociales et traducteurs - devenus des personnages forts et presque drôles, parfois - crèvent l'écran. Le film n'est pas une ode simplette à la compassion et au dévouement.
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Compatissants ou secs, toujours dévoués, parfois dépassés, les travailleurs sociaux gèrent l'urgence - chambre d'hôtel, rendez-vous chez le médecin, à la Préfecture... - et tentent de reconstituer les parcours plus ou moins chaotiques des réfugiés. Le résultat, filmé sans commentaire, pathos ni jugement, se révèle absolument passionnant
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Il faut voir Les Arrivants pour comprendre la complexité d'un sujet sur lequel le gouvernement entretient une confusion entre sans-papiers et demandeurs d'asile, et sur lequel la gauche, longtemps pétrie de bien-pensance et d'oeillères compassionnelles, flotte aujourd'hui sans boussole. Pour comprendre le fonctionnement des procédures, saisir les règlements européens et les conventions mises en place dans l'espace Shengen (un "arrivant" n'est censé obtenir l'asile que dans le premier pays de "l'espace" où il a débarqué et laissé ses empreintes).
Il faut le voir pour observer le monde, celui d'ailleurs, celui d'ici, celui de Caroline qui avoue envoyer ses réfugiés dans des "hôtels pas top de chez top", leur reproche d'être en retard au rendez-vous, les houspille et craque, impuissante. Ou celui de Zahra, musulmane battue en prison, enfuie sur le canot à moteur d'un passeur qui a chaviré avec vingt-sept congénères. C'est un film politique, social, humanitaire, du point de vue des affamés et de leurs hôtes potentiels. Un film humain. -
Mêlant adroitement moments comiques, pointes d’émotion et réflexions sur un thème délicat, tout en s’effaçant le plus possible derrière la force du réel, Les arrivants est un documentaire exemplaire, dans la droite ligne des œuvres de Depardon. Et ce n’est pas le moindre des compliments.
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Au fil de ce documentaire saisissant, on suit leurs démarches et difficultés qui sont aussi celles des travailleurs sociaux chargés de les aiguiller avec peu de moyens. Et une politique qui les traite en clandestins expulsables, tant qu’ils n’ont pas prouvé leur bonne foi. Sans commentaires ni interviews, ce film absolument unique et remarquable parvient à concilier neutralité et émotion. On en sort riche de questions essentielles.
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La réussite du film est de dériver au large des facilités du bon-plaidoyer-de-gauche pour transformer la réalité d'un lieu en catalyseur romanesque. Beau paradoxe que d'arracher un sujet aux discours ambiants (le poujadisme xénophobe comme le tout-compassionnel), par le grossissement de l'allégorie. Laquelle ne voile jamais la réalité centrale d'une problématique insondée : l'asile est-il véritablement compatible avec toutes les réalités factuelles ? Mais l'intérêt s'étend au-delà d'une simple étude géopolitique pour les nuls. Les lieux, les personnages : toute une matière cinéphilique se dégage d'un talent à saisir l'universalité d'une entraide sociale. Un quiproquo linguistique entre une assistante sociale et un couple de Mongols ? Un simple changement d'axe de la caméra et c'est toute une imagerie de film d'espionnage qui s'invite dans le cadre. Rarement apprécie-t-on autant le détournement d'une rhétorique de la solennité par les armes du cinéma de genre. L'une des meilleures intrigues politiques de l'année viendrait-elle d'un fulgurant domptage du réel ? Sans virer au portrait consensuel de mauvaise conscience citoyenne, l'exercice était périlleux. Le voilà transcendé.