Alors que le deuxième trailer de Dragons en live action vient d’être dévoilé, Dean DeBlois, déjà réalisateur des films d’animation, répond à nos questions sur cette adaptation très attendue.
Au festival d’Annecy en 2019, vous nous disiez que vous aviez tout un tas d’idées de films d’animation et en live action. Qu’est-ce qui vous a finalement fait opter pour cette adaptation de Dragons en prise de vues réelles ?
Depuis Dragons 3, j'ai écrit et vendu cinq scénarios de films d’animation, des adaptations comme des films originaux. Aucun d’entre eux n’a été greenlighté pour l’instant, et pourtant ce n'est pas faute d'avoir essayé ! Pendant ce temps, Universal m’a approchait avec cette idée d’un Dragons en prise de vues réelles… Je n’ai pas longtemps hésité, car le film d’animation avait déjà une sensibilité live action dans sa construction visuelle. C’est d’ailleurs pourquoi Chris Sanders [le co-réalisateur] et moi-même avions fait appel au chef opérateur Roger Deakins comme consultant pour mettre au point la photographie. On voulait que Dragons sente le réel, le danger. Tourner en prise de vues réelles permettait donc de revenir à cet ADN et de m’attaquer à ce que nous n’avions pas eu le temps de faire avec le film d’animation.
Car le timing était extrêmement serré à l’époque…
Exactement. Lorsque Chris et moi avons rejoint le projet, nous remplacions les scénaristes et réalisateurs de l’équipe précédente, qui travaillaient à une adaptation très fidèle du livre de Cressida Cowell. On n’a eu que 15 mois entre la réécriture totale du script et la sortie cinéma ! Il a fallu aller à une vitesse pas possible. J’adore les films d’animation Dragons, j’en suis très fier. Mais il me semblait que cette adaptation pouvait coexister avec eux. Et puis si quelqu’un devait le faire, autant que ce soit moi. Je suis le garant de ces personnages et de cet univers.
C’était impossible pour vous de laisser quelqu’un d’autre réaliser le film ?
Cela aurait pu arriver. Si Dragons avait été un film Disney, il est probable qu'ils auraient engagé un autre réalisateur… Mais on me l’a proposé et je ne pouvais décemment pas prendre la posture du mec blasé : « Je n’aime pas cette mode des adaptations en live action, je vais laisser quelqu’un d’autre s’en charger. » (Rires.) J’avais l’occasion de faire un film qui en vaille la peine, je devais saisir ma chance.
DreamWorks et Universal ne sont pas Disney, mais l’industrialisation des adaptations en live action ne vous faisait pas peur ? Vous sentiez que ce Dragons était assez singulier pour justifier sa propre existence ?
Notre intention était d'honorer le film dont il est issu. Et, sur un plan thématique, tout ce qui faisait son intérêt est absolument intact ici. Nous avons simplement essayé de muscler les personnages, leurs relations et la mythologie. Il fallait rendre l’histoire encore plus immersive, l’amplifier, si vous voulez. Souvent, les adaptations en live action perdent tout leur sens dans cette « traduction ». J’ai par exemple l’impression que Mulan en prise de vues réelles raconte tout autre chose que le film original… Nous, on a essayé de rester très conscients de ce que les gens aiment dans Dragons. Je ne voulais surtout pas faire une version qui remplace le film d’animation, mais une oeuvre qui puisse avoir sa propre vie en parallèle.
Vous voyez ce nouveau Dragons comme un film original ou une adaptation de votre travail ?
Je considère que c'est une adaptation, une autre version de notre histoire, qui suit des règles et une esthétique différentes. L’expérience est d’une certaine manière plus riche car de vraies personnes sont devant la caméra. C’est évidemment différent de l’animation, où l’ont jouer avec la fantaisie. Ici, les choses sont de fait beaucoup plus crédibles et réelles. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons choisi de de construire de vrais décors autant que possible. Il y avait bien la possibilité de se servir de la technologie utilisée pour The Mandolarian, le Volume, ces murs d’écrans LED à très haute définition, mais nous y avons vite renoncé. Financièrement et visuellement, ça valait le coup de construire tout un village viking, l’arène d’entraînement ou l'intérieur de la maison d’Harold.
![Dragons live action 2025](/sites/default/files/styles/scale_crop_border_white_1280x720/public/2025-02/Dragons%202.jpeg)
C’est votre première fiction en prise de vues réelles. Quels pièges vous vouliez éviter ?
Déjà, j’étais conscient qu’il y aurait beaucoup de pièges (Rires.) Si la plupart des réalisateurs de films d’animation ont galéré en passant au live action, c’est qu'ils sont habitués à un processus lent et itératif. J’avais donc bien ça en tête et dès le premier jour, j’ai dit à l’équipe que j’étais le petit nouveau, mais que j’allais faire de mon mieux pour leur donner ce dont ils auraient besoin. J'apprends vite et je me suis donné à 110 % pour que tout le monde soit fier du film. Et mon gros avantage était de connaître sur le bout des doigts cette histoire et ces personnages. Je pouvais répondre à n’importe quelle question sans douter.
Vous faites un choix de design osé : les dragons, et en particulier Krokmou, ressemblent beaucoup à ceux de la version animée. Pourquoi avoir choisi cette voie plutôt qu’une approche plus photoréaliste ?
Nous avons très vite compris que les dragons allaient être les plus difficiles à réussir. En particulier, Krokmou, parce que c'est le personnage le plus reconnaissable. Nous avons beaucoup expérimenté pour le pousser vers un rendu… je ne dirais pas photoréaliste, mais naturaliste. Le résultat n’était pas satisfaisant. Par exemple, ses yeux sont si grands dans le film d’animation que plus nous les réduisions, moins il ressemblait à Krokmou. On perdait alors immédiatement la personnalité et l'attrait du personnage. Il fallait donc conserver les nombreux attributs reconnaissables de Krokmou, tout en donnant beaucoup de structure à son crâne et à sa musculature, que l’on voit bouger sous sa peau. On a beaucoup pensé aux mouvements d’une panthère ou d’un très gros chat. C’est très subtil finalement, mais je crois que ça permet qu’il se fonde dans ce monde réel. Le public nous dira si nous avons trouvé le bon équilibre.
Dragons, de Dean DeBlois, avec Mason Thames, Nico Parker, Gerard Butler… Le 11 juin au cinéma.
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