Le cinéaste québécois a donné plus de détails sur son retour lors de sa master class au Festival Lumière.
Très "demure", très "mindful" : c'est dans une sage tenue festivalière marine que Xavier Dolan a salué la salle du Pathé Bellecour, à Lyon. Sa première apparition en public, ou presque, depuis une année 2023 émaillée de déclarations sur sa retraite du cinéma.
Les détails sur son prochain long-métrage, déjà écrit et qu'il espère tourner l'année prochaine, ne manquent pas de piquant : le film, qui ne sera pas un film d'horreur à proprement parler, "a été écrit avec des aspects ou des moments horrifiques" mais aussi "beaucoup d'éléments comiques". "Un amalgame de plusieurs genres." Il a aussi révélé que l'histoire prendrait place "en 1895 dans le monde de l'élite et de la haute société littéraire parisienne, et à la campagne." Autre scoop : le projet devrait être tourné dans le Nord de la France - et non au Québec, une grande première.
"Ce sera le second chapitre, la seconde moitié d'une carrière que j'ai ralentie au point de presque l'arrêter" explique-t-il. "Je sais que je ne pourrais jamais maintenir le rythme que j'avais avant. J'étais jeune et j'étais différent", a-t-il encore expliqué (propos traduits de l'anglais via Variety).
Celui qui a signé son dernier film en 2019 (Matthias et Maxime), soit son huitième en dix ans, a ensuite été questionné sur son arrêt du cinéma.
"Je me lève le matin, je lis, je cherche à comprendre le monde dans lequel on vit, et le cinéma y devient parfois secondaire. Le cinéma est une façon d'échapper à ce monde, mais il est difficile d'ignorer ce qu'il se passe à Gaza, ce qu'il se passe au Liban, impossible d'ignorer la fragilité de notre environnement, et tout ce que je vois autour de moi place mon propre petit geste artistique hors de la focale", a-t-il développé en choisissant ses mots dans son style bien personnel. "Si j'ai attendu aussi longtemps pour faire un autre film c'est parce que je n'avais plus le désir ou l'énergie, et je sais que ça n'a aucun sens sans cette passion, cet engagement", a-t-il encore expliqué.
Parmi les autres obstacles, le challenge du financement des films alors que les coûts de production sont toujours à la hausse. Suggestion de Dolan : la position du Québec face à l'aire hégémonique Anglo-Américaine n'arrange rien.
"Le Québec est une île, une nation. C'est une zone qui survit culturellement en tandem avec un monde et un pays qui ne lui ressemblent pas", a-t-il continué, précisant là une nuance rarement évoquée par le cinéaste : et presque en contradiction avec celui qui a toujours revendiqué sa filiation à Buffy contre les vampires et que ses références sont peut-être "plus télévisuelles que cinématographiques", comme il avait déjà expliqué à Première. "Culturellement c'est très compliqué pour moi de faire un film qui soit apprécié des Nord-Américains", a-t-il ajouté faisant ensuite référence à la sortie US de Juste la fin du monde. "C'est un film d'une violence inconcevable. Ils perçoivent cela comme du négatif. Ces personnages crient, parlent mal, sont violent mais ce sont des gens qui souffrent, qui ont besoin d'être entendus. Je perçois cela comme une expression de l'incapacité essentielle des êtres à communiquer."
À la question plus introspective de savoir ce qu'il ferait différemment dans sa carrière s'il le pouvait, le grand directeur d'acteurs répondait énigmatiquement : "Il y a certains choix qui sont difficiles à évoquer, parce que ce serait indécent de les révéler...", dans une hésitation, avant de reprendre : "Je pourrais émettre le souhait que certaines collaborations aies mené à plus de générosité, ou plus d'inventivité, mais les choses sont comme elles sont, et on doit se faire à l'idée parfois que certaines décisions peuvent impacter la profondeur, ou le manque de profondeur, de certains films", en laissant le public deviner qui se cachait sous cette élégante paraphrase.
Puis, à la question de l'amitié, une des thématiques prépondérantes de son cinéma, Dolan a fini en expliquant l'intrication de ses films et de sa vie.
"Ce n'est pas quelque chose dont je parle naturellement car je le vis. L'amitié c'est toute mon existence. Toutes les grandes histoires d'amour que j'ai vécu sont des grandes histoires d'amitié. L'amour a toujours été compliqué pour moi."
Evoquant Matthias et Maxime, où il est torturé par les sentiments qui le lient à son meilleur ami d'enfance, il a conclu sur cette relation entre vie et processus artistique : "Ca pourrait paraitre autocentré mais j'avais alors vécu des échecs, ou en tout cas, des situation moins joyeuses ou des moments moins triomphants... Matthias et Maxime était un film de reconstruction, de guérison", a-t-il au sujet de cette production québécoise tourné après le film à gros budget The Death and Life of John F. Donovan. "Je m'y suis entouré de mes meilleurs amis. Il y avait un sentiment de protection, à être dans cette bande de potes, avec ce personnage qui est fragile, mais jamais défait."
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