A l’origine une application pour smartphone et tablette, la nouvelle série de Steven Soderbergh a été remise à plat pour sa diffusion télé.
Fin 2017, alors que les critiques du monde entier s’écharpaient pour savoir si la troisième saison de Twin Peaks était un film ou une série, Steven Soderbergh lançait aux Etats-Unis l’appli Mosaic (watchmosaic.com), “ni un film, ni une série” selon ses dires, pas un jeu vidéo non plus : plutôt une sorte de labyrinthe fictionnel invitant son utilisateur à se balader dans les méandres d’un récit policier tentaculaire. Soit l’enquête sur la mort d’une auteure de livre pour enfants (Sharon Stone), qui permettait de zapper d’un personnage à l’autre, de regarder les scènes selon différents points de vue, de consulter divers bonus (photos, dossiers d’enquêtes, pièces à conviction)… On sait que Steven Soderbergh a toujours été plus obsédé par la forme même de ses créations (forme au sens large : leur échelle de production, leur mode de diffusion, leur place sur l’échiquier industriel…) que par les histoires qu’il raconte. Films indé, blockbusters, ciné expérimental, séries télé, bientôt un film d’horreur tourné sur son iPhone… Il a tout essayé. Mosaic est son dernier joujou, sept heures et demi de dédale narratif sans début ni fin, une promesse de fiction totale. Pour financer le tout, le réalisateur avait passé un deal avec HBO, consistant à diffuser également Mosaic de façon “classique”, linéaire, comme une mini-série de six épisodes.
C’est cette version qui est diffusée depuis hier soir sur HBO (et à partir de ce soir sur OCS), et c’est malheureusement la seule qu’on pourra voir ici, l’app Mosaic n’étant disponible qu’aux Etats-Unis. Dommage, parce qu’une fois remise à plat, la série est un peu, hum… plate, justement. Juste un whodunit ordinaire (Qui a tué Sharon Stone ? L’arnaqueur qu’elle venait d’épouser ou le toyboy éconduit joué par Garrett Hedlund ?), baignant dans les eaux troubles d’un univers chic et glacé (vraiment glacé : ça se passe dans une station de ski de l’Utah), à la texture métallique, façon Effets Secondaires. La manière qu’a la caméra de Soderbergh de se planter au milieu de l’action, à quelques centimètres des visages des protagonistes, trahit bien l’idée que le langage de Mosaic a d’abord été pensé pour des écrans mobiles. Mais l’intrigue, trop sommaire, n’est pourtant jamais “impliquante”, malgré la volonté affichée de faire retrouver à Sharon Stone un peu de sa grandeur tragique époque Casino (mais là encore, l’idée ne reste qu’à l’état d’ébauche). Comme souvent chez Soderbergh quand il se lance dans ses concepts les plus audacieux ou tordus (réaliser un biopic du Che en deux parties, improviser une bizarrerie en DV avec Julia Roberts, stariser des actrices porno ou des catcheuses, remaker Tarkovski…), la démarche reste plus excitante que le produit fini.
Mosaic, de Steven Soderbergh, avec Sharon Stone, Garrett Hedlund, Paul Reubens… A partir du 23 janvier sur OCS.
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