Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
CAPTAIN AMERICA : BRAVE NEW WORLD ★★☆☆☆
De Julius Onah
L’essentiel
Pas très costaud narrativement, le nouveau film Captain America fait l'essentiel avec de belles scènes de fight. C'est déjà ça.
"Together". C'est le premier mot qui apparaît à l'écran, avant de voir Harrison Ford surgir. C'est lui, le nouveau président des USA dans le MCU, et il va prononcer son premier discours. Un appel à l'union dans un pays divisé mais qui reste une nation, l'Amérique. Ce serait évidemment hyper tentant de faire un tas de parallèles entre Brave New World et le contexte présent, mais ce serait aussi un peu trop demander au film (où Captain America mène une enquête autour d'une tentative de meurtre du nouveau président avec l'aide de quelques PNJ croisés pendant la série Falcon et le Soldat de l'hiver) qui reste un film du Marvel Cinematic Universe des années 20, donc un peu en fin de course, un peu trop mollasson pour qu'il soit un reflet conscient de la vie politique US des derniers mois. Et on se satisfait au fond ici de peu de choses : Anthony Mackie, héros sympathique, avec son côté gay-friendly cool, bien épaulé par Danny Ramirez (déjà apparu dans Falcon et le soldat de l'hiver), Harrison Ford, même s'il refait son numéro de Shrinking et surtout Shira Haas (la révélation de la série Unorthodox), épatante en Black Widow gouvernementale haute comme trois pommes et capable de rétamer une escouade de marines à mains nues.
Sylvestre Picard
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
THE BRUTALIST ★★★★☆
De Brady Corbet
Laszlo Toth (Adrien Brody, aussi impressionnant que dans Le pianiste), fut autrefois un architecte de génie à Budapest. Il a fui la guerre qui vient de se finir et il est aujourd’hui condamné à végéter chez son cousin propriétaire d’un magasin de meubles à New York. Un magnat du coin, Van Buren (fantastique Guy Pearce), va lui donner sa chance et l’engager pour bâtir un projet hors-norme. Intitulé “Enigma of Arrival” un premier chapitre met en lumière l’extraordinaire virtuosité de Corbet et pose les bases du drame à venir tout en racontant la traditionnelle aventure de l’immigrant américain. Du caniveau jusqu’au sommet. Le deuxième chapitre va s’employer à détruire tout cela : le film brosse alors le portrait du magnat mégalo et met en scène le fossé culturel qui oppose la « pseudo » innocence américaine au tragique européen, auscultant sans pitié l’antisémitisme fifties des USA. Et alors qu’on s’attendait à voir la quête et la construction d’une oeuvre d’art sublime, ce volet concasse les fondements du rêve américain en racontant comment il est en fait une machine cauchemardesque qui broie les immigrants et recrache leurs cadavres pour nourrir son sol.
Gaël Golhen
Lire la critique en intégralitéFROM GROUND ZERO ★★★★☆
De Rashid Masharawi
Après les attentats du 7 octobre 2023 et la riposte israélienne, l’idée de ce documentaire collaboratif a germé dans l’esprit de Rashid Masharawi qui, originaire de la bande de Gaza, a souhaité encourager les artistes de son pays à filmer. From Ground Zero réunit 22 très courts-métrages (de moins de dix minutes), réalisés sur place, avec les moyens du bord. Chacun exprime son rapport à la guerre, à la perte de leur maison, de leur famille, de manière différente : par la fiction, le docu-fiction, le témoignage, ou encore l’animation. From Ground Zero questionne admirablement la place de l’art en temps de guerre. Cette anthologie palestinienne est essentielle. Elle permet de mettre des visages sur des chiffres, des histoires personnelles sur des événements, que ni les manuels d’histoire, ni les médias, ne pourront aussi bien retranscrire.
Lisa Gateau
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
BRIDGET JONES : FOLLE DE LUI ★★★☆☆
De Michael Morris
Notre chère et tendre célibataire anglaise est de retour. Presque 10 années se sont écoulées depuis Bridget Jones Baby mais Renée Zellweger, dans son rôle emblématique, y est toujours à la recherche du prince charmant… A un ou deux détails près : à 52 ans, elle est maintenant veuve et mère de deux enfants. Mais après quatre années de deuil et poussée par son fidèle groupe d’amis, notre célibataire endurcie quitte définitivement son pyjama rouge, se met aux sites de rencontre et se retrouve à nouveau coincée dans un triangle amoureux, faisant face à un dilemme de taille. Une histoire passionnelle avec Roxster, jeune homme de 29 ans ou un amour plus prosaïque dans les bras du professeur de son fils ? Un quatrième opus était risqué car rares sont les sagas qui s’améliorent dans la durée. On regrettera un scénario qui a tendance à s’étirer un peu trop. Mais force est de constater que Bridget Jones : Folle de lui met cependant tout le monde d’accord. Les fans de longue date retrouvent l’âme de leur héroïne tout en restant accessible aux nouvelles générations.
Marie Janeyriat
Lire la critique en intégralitéLES DAMNES ★★★☆☆
De Roberto Minervini
Pour son premier film de fiction, le documentariste Roberto Minervini (Le Cœur battant) nous plonge au cœur de l'hiver 1862, pendant la guerre de Sécession américaine. Pas de coups de feu, ni d’assaut spectaculaire ici : le cinéaste raconte les temps morts d'une troupe de soldats qui attend l'ennemi. À travers sa mise en scène minutieuse, Minervini capture dans cette version yankee du Désert des tartares, le quotidien silencieux des militaires : leurs tours de garde, leurs discussions autour du feu ou l'entretien méticuleux des armes. Le film se distingue par sa manière particulière de dépeindre la réalité brute de la guerre en délaissant le patriotisme ou l’action au profit d'une immersion sensorielle. Dans cette atmosphère envapée, le temps et l'espace se brouillent, le présent rejoint le passé. Et le réalisateur finit par faire ressentir, avec un mélange de rudesse et de poésie, comment la guerre engloutit progressivement les hommes qui depuis des millénaires jouent aux soldats…
Gaël Golhen
LE MOHICAN ★★★☆☆
De Frédéric Farrucci
Joseph est l’un des derniers bergers d’un morceau du littoral corse. Il reçoit un jour la visite « de gens à qui on ne dit pas non » pour racheter son terrain et en faire un lieu touristique hautement rentable. Une intimidation en hors-champ, puis un coup de pistolet. L’homme ordinaire ne fera ensuite que courir, propulsé contre son gré dans un thriller sous haute tension. Alexis Manenti incarne à la perfection ce travailleur obligé de fuir son quotidien, surtout par la mutation qu’opère peu à peu son personnage. Au fil de sa course il s’efface, son corps se voit remplacé par sa légende (« le Mohican »). La mise en scène de Frédéric Farrucci fait de Joseph un fantôme tout à fait contemporain, un hashtag, une silhouette qui n’existe plus que sur les réseaux sociaux, seul lieu sauf où peut s’exprimer la critique de la mafia. Et dans cet unique devenir sans issue, il cartographie brillamment tous les paradoxes de la Corse.
Nicolas Moreno
DAFFY ET PORKY SAUVENT LE MONDE ★★★☆☆
De Peter Browngardt
That's NOT all folks ! Inexplicablement placardés par Warner Bros durant des années, les Looney Tunes reviennent en force. Les célèbres pensionnaires de la troupe que sont Daffy Duck et Porky Pig se retrouvent ici confrontés à un extraterrestre malfaisant, qui se sert de la sortie d’un nouveau parfum de chewing-gum pour transformer les habitants de la Terre en zombies. Un scénario façon série B de science-fiction des années 50, dans lequel se fond l’univers frappadingue du canard et du cochon. Bourré de gags tordants où le quatrième mur est mis en pièces, ce film d’animation en 2D - incroyablement sophistiquée - transpire l’amour immodéré pour la franchise. Et si le film n’évite pas tout à fait l’épuisement psychologique (une heure trente de Daffy qui veut tout exploser avec son maillet en bois, c’est parfois un peu long), il prouve joyeusement l’intemporalité de ces personnages.
François Léger
PRIMA LA VITA ★★★☆☆
De Francesca Comencini
Elle fait du cinéma 2004 mais sans avoir jamais vraiment marqué les esprits. Peut- être à cause d’un nom écrasant à porter. Et sans doute fallait- il qu’elle embrasse de front son rapport à Luigi, auteur de tant de chefs d’œuvre (L’Incompris, L’Argent de la vieille…) pour que Francesca Comencini livre son plus beau film. A travers cette déclaration d’amour d’une fille à son père, la réalisatrice nous fait à la fois pénétrer dans l’intimité de leur relation – sans passer sous silence les soubresauts chaotiques de l’adolescence et la tentation des paradis artificiels -, les coulisses de leurs films mais aussi la manière dont les années de plomb ont percuté leur vie. Le résultat se révèle aussi délicat que poignant, notamment dans la manière qu’a Francesca Comencini de se raconter en fille certaine qu’elle ne sera jamais à la hauteur de son père tout en dressant le portrait de ce père, conscient de ce mal- être et qui a tout fait pour l’atténuer. Une merveille de sensibilité.
Thierry Cheze
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
HOLA FRIDA ★★☆☆☆
De Karine Vezina et André Kadi
C’est en 1983 que, pour la première fois, un film (Frida, nature vivante de Paul Deluc), fut consacré à la peintre mexicaine Frida Kahlo. Depuis plusieurs fictions (dont le Frida de Julie Taymor) et documentaires ont suivi. Mais si son personnage figurait dans le Coco de Disney, elle n’avait jamais eu les honneurs d’un film d’animation à elle seule avant cette adaptation des romans graphiques de Sophie Faucher et Cara Carmina. Centré sur son enfance et sa jeunesse jusqu’à l’accident qui faillit lui coûter la vie à 18 ans, Hola Frida s’adresse au jeune public avec une vocation pédagogique assumée sur la naissance de ses inspirations, le pouvoir de l’imaginaire et le féminisme. Et le film souffre d’un côté trop scolaire, notamment dans ses dialogues qui bégaient trop avec ce que les images traduisent à merveille. Et on le regrette d’autant plus que quand l’animation prend le pouvoir dans les moments les plus féérique ou cauchemardesques, il imprime durablement les rétines.
Thierry Cheze
LA VIE, EN GROS ★★☆☆☆
De Kristina Dufkova
Ben a douze ans et sa passion, c’est de cuisiner et de faire à manger. À la rentrée, tous ses camarades se sont affinés tandis que lui conserve un sacré embonpoint. Alors pour plaire à la jolie Claire, il entame un régime… Premier long de la réalisatrice tchèque Kristina Dufková, ce film en stop motion a un vrai style visuel et analyse assez subtilement les troubles adolescents, mais est plombé par une morale un peu simpliste sur l’air de « ce qui compte, c’est ce qu’on est à l’intérieur ».
François Léger
PREMIÈRE N’A PAS AIME
LE DERNIER SOUFFLE ★☆☆☆☆
De Costa- Gavras
A peine redescendu de son tour de France lellouchien (Finalement), Kad Merad, sans trompette mais en blouse blanche, fait ici le tour d’une autre question : la mort. Ce nouvel opus de Costa Gavras partage pourtant une même vision du cinéma donc du monde, totalement déconnectée des affres d’un présent maintenu hors de portée d’un territoire sous cloche (et un peu tarte). Plane surtout un même égo encombrant qui sous couvert d’altruisme recouvre un messianisme délirant où la parole et les gestes ont valeur de refuge pour humains en détresse. Kad Merad en médecin spécialiste de la fin de vie avance dans les couloirs d’une mort annoncée avec la sérénité du sage. Face à lui un écrivain inquiet (Denis Podalydès) est suspendu à cet oracle qui enfile les perles que Gavras tente péniblement d’enfiler. Mais la mise en scène peu inspirée supprime tout désir d’élévation. Finalement, Le dernier souffle, bien tristes requiems.
Thomas Baurez
STRIP- TEASE INTEGRAL ★☆☆☆☆
De Jean Libon, Clémentine, Bisiaux, Mathilde Blanc, Stéphanie de Smedt, Régine Dubois et Yves Hinant
Le programme belge créé par Jean Libon et Marco Lamensch dont le culte n’est plus à démontrer fête ses quarante ans et sort du chapeau cinq épisodes inédits dont le lien aussi artificiel qu’invisible serait notre rapport au corps et partant de là, de la façon dont chacun l’exhibe. On saute dans le vif du sujet avec une petite troupe d’influenceurs écervelés en goguette à Dubaï où on doit malheureusement se contenter des clichés propres à ces monstres instagrammés. Les limites de l’exercice « strip-tease » s’enferrant bien souvent dans un pittoresque à peine questionné, sont d’emblée posées. Idem avec l’épisode au festival off d’Avignon assassin pour les artistes amateurs. Il faut attendre le portrait sensible d’un hypocondriaque compulsif pour toucher du doigt la complexité humaine. On se quitte avec un dérivé de The Substance où l’âme dépecée n’a plus qu’une carcasse vide à offrir. La chair est triste hélas…
Thomas Baurez
Et aussi
Géniales !, programme de courts métrages
Haut les mains, de Julie Manoukian
Les Oubliés de la belle étoile, de Clémence Davigo
La reprise
Il était une fois dans l’Ouest, de Sergio Leone
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