Après 8 saisons mouvementées, Carrie Mathison a tiré sa révérence. C’est l’heure du bilan.
Homeland, c’est terminé. La série lancée par Showtime en 2011 a tiré sa révérence au terme d'une saison 8 certes inégale, un peu à l’image du show, mais au final réussi. Centré sur la relation entre Carrie Mathison et Saul Berenson, ce baroud d’honneur ne s’est pas soldé sur la mort (attendue par beaucoup) d’un des deux protagonistes. Au contraire, il nous laisse sur une touche d’espoir et une dernière séquence magnifique (rythmée par le jazz exquis de Kamasi Washington) qui s’achève par Saul tenant un livre écrit par Carrie. Une référence directe aux confessions d’Edward Snowden. Une fin ouverte, aussi, qui pourrait permettre un retour de la série, ce qui n’est toutefois pas du tout à l’ordre du jour.
Ce dernier épisode d’Homeland a eu à coeur de boucler la boucle. Déjà de par son titre, Prisoners of War, qui est le nom américain de la série originale israélienne (Hatufim). Et bien sûr avec cet extrait du message patriotique posthume laissé par Nicholas Brody, dont le fantôme n’a cessé de hanter Carrie. Comme le père de sa fille, Carrie a flirté avec la trahison au cours de cette ultime saison. Mais elle est finalement restée fidèle aux intérêts de son pays, préférant sacrifier son amitié avec Saul. Et sacrifier sa propre vie, en tirant définitivement un trait sur sa fille et son existence aux Etats-Unis. La voilà désormais infiltrée en Russie, où elle remplace en quelque sorte la traductrice russe qui informait Saul et qui a elle aussi été sacrifiée.
La question, maintenant, est de savoir où situer Homeland dans le panthéon des séries. Homeland a évité les écueils de son ancêtre et anti-modèle, 24h chrono, elle n’a pas fini en eau de boudin comme Dexter, sa consoeur de Showtime, et n’a pas non plus déchainé la haine de ses fans comme Game of Thrones, l’autre série marquante des années 2010. Mais est-ce véritablement une grande série ?
Indéniablement, elle le fut dans sa première phase. Saluée par la critique, battant des records d’audience chez Showtime, Homeland était alors une série incontournable. De ce qu’elle qu’on adore ou qu’on adore détester. Elle reposait alors sur le duo Carrie Mathison / Nicholas Brody, avec deux interprètes (Claire Danes et Damian Lewis) au sommet de leur art et une écriture fine et complexe qui renvoyait le manichéisme de 24 à la préhistoire. Puis, les auteurs ont pris la décision de tuer Brody. Un choix inéluctable qui a empêché le show de s'enliser dans une intrigue qui ne pouvait plus durer. Mais qui lui a aussi coûté cher.
Pour pas mal de fans, Homeland s’est achevée avec la pendaison de Brody, au terme de la saison 3. Dommage. Ils n’ont pu assister à la spectaculaire mue de la série. Malgré la puissance du personnage de Brody, Homeland a toujours été le show de Carrie Mathison, cette jeune femme qui s’est construite dans l’Amérique post 11 septembre et se bat pour défendre son pays tout en luttant contre sa bipolarité. Une maladie métaphore d’un monde schizophrène où il est de plus en plus difficile de distinguer les bons des méchants. Les patriotes des traitres. Un monde où l’ennemi peut aussi bien se trouver à la frontière de l’Afghanistan et du Pakistan que dans les couloirs de la Maison Blanche.
La mutation de Homeland, évidemment, n’a pas été facile. Le show est parfois tombé dans les clichés qu’il avait tenté d’éviter. On se souvient du fameux "Homeland est raciste" glissé par des street artists locaux dénonçant la façon dont le Moyen-Orient était dépeint dans la série. Un message en arabe qui avait carrément fini dans le montage de l’épisode 2 de la saison 5. "Homeland essaie d’être subversif à sa façon, alors on ne peut qu’admirer ce sabotage artistique", avait déclaré, beau joueur, le showrunner Alex Gansa.
Mais les prises de risque des auteurs ont été payantes, et on a rarement vu une série télé se réinventer ainsi. Homeland a fait voyager Carrie, du Pakistan au Liban, en passant par Berlin, et rebattu les cartes à plus d’une reprise. Elle a su aussi lui trouver un nouveau sidekick de poids en révélant tout le potentiel de Peter Quinn, au point que son destin christique déchire les fans qui s’étaient tant attachés à lui.
Lors des saisons récentes, Homeland a aussi exploité le filon de la menace intérieure, le danger des fake news, de l’ingérence russe et des Présidents qui perdent les pédales ou se laissent consumer par leur égo. La saison 8 a même parfois eu des airs de grand mea culpa, en inversant les rôles avec un chef d’Al Qaida qui vire pacifiste et un président poussé au bellicisme par son conseiller, joué pour l’anecdote par Hugh Dancy qui n’est autre que le mari de Claire Danes à la ville.
Alors, oui Homeland ne faisait plus autant parler. Le SNL ne consacrait plus, depuis longtemps, de sketchs aux grimaces de Carrie Mathison ou à l'absence de lèvres de Damian Lewis. Et la série n’était plus le grand pourvoyeur de mèmes Internet qu’elle était à ses débuts. Mais Homeland a tenu la barre, restant solide même dans ses plus mauvaises saisons, et s’imposant clairement comme le meilleur show de sa catégorie. Et une des rares séries au long cours, tous genres confondus, à avoir maintenu un tel niveau au fil des ans. Malgré ses imperfections, Homeland va nous manquer. Et c’est pour ça qu’elle est grande.
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