Le monteur du film de Brady Corbet, Dávid Jancsó, a admis avoir utilisé l'IA générative, pour "ajuster" l'accent hongrois de la star. Entre autres retouches mi-humaines, mi-fabriquées grâce à des logiciels.
L'intelligence artificielle est de plus en plus présente dans le cinéma. Les grèves des scénaristes et des acteurs qui ont impacté l'industrie hollywoodienne en 2023 avaient d'ailleurs pour objet, entre autres revendications, de mieux encadrer son utilisation, afin de conserver des jobs, et des salaires, décents, que ce soit dans les domaines de la figuration, du doublage, ou d'écriture de scripts.
Des scandales ont récemment éclaté suite à l'utilisation de scans de figurants dans la série WandaVision, par exemple, permettant de répliquer à l'infini l'image d'un acteur en arrière-plan tout en ne le rémunérant que pour un unique journée de "tournage", le temps de capturer son apparence et ses mouvements. La semaine dernière, il y a aussi eu la diffusion d'un test de doublage du nouveau film d'action de Sylvester Stallone avec sa voix française, Alain Dorval, recréée près d'un an après le décès du comédien.
La voix d'Alain Dorval (la VF de Stallone) ressuscitée en IA : le résultat est catastrophiqueCe week-end, un exemple est sur toutes les lèvres à Hollywood : The Brutalist, de Brady Corbet. Son monteur, Dávid Jancsó, a livré une longue interview à The Red Shark News dans laquelle il admet avoir utilisé l'IA générative pour "ajuster" le hongrois d'Adrien Brody. L'accent étant difficile à maîtriser parfaitement, certaines répliques de la star ont été retouchées via Respeecher, un programme d'IA vocale.
Il détaille aussi avoir utilisé Midjourney pour concevoir des bâtiments dans une séquence vers la fin du film. Ceux-ci ont ensuite été redessinés par un artiste avant d'être intégrés à The Brutalist.
Une telle utilisation des logiciels d'intelligences artificielles pourraient-elles desservir cette oeuvre, pourtant acclamée par la critique ? Pourrait-elle mener les votants des Oscars à ne pas sélectionner ou récompenser Adrien Brody, par exemple ? Ou ces retouches sont-elles si infimes qu'ils pourraient tout de même être en lice pour diverses statuettes ? La question se pose d'autant plus que ce même type de technologie a été utilisée pour retravailler l'accent de Selena Gomez dans Emilia Perez, de Jacques Audiard, précise World of Reel. Ce qui n'a pas empêché l'actrice d'être critiquée pour le manque d'authenticité de son espagnol...
The Brutalist : Brady Corbet et Adrien Brody explosent la mythologie américaine dans une fresque puissanteQu'en est-il de l'utilisation de l'IA sur des images réelles ? Où fixer les limite de son utilisation ? À un peu plus d'un mois de la 97e cérémonie des Oscars (elle se tiendra précisément le 2 mars prochain, et ses nominations seront connue dès ce jeudi 23 janvier), cette production A24 va-t-elle être mise de côté pour cette utilisation de l'IA, qui pourrait être considérée comme de la "triche" en étant un outil permettant d'améliorer des performances ?
Jusqu'ici, Brody n'a cessé de recevoir des éloges pour son interprétation le l'architecte juif hongrois, rescapé des camps, qui débarque aux États-Unis après la guerre, mais maintenant que ces détails ont filtré, certains votants pourraient ne pas être enclins à récompenser une performance qui n'a pas été réalisée à 100 % par un être humain...
Pour tout comprendre, voici une traduction des révélations de Jancsó :
"Ma langue maternelle est le hongrois et je sais que c'est l'une des plus difficiles à apprendre à prononcer. Même avec les origines hongroises d'Adrien (la mère de Brody est une réfugiée hongroise qui a émigré aux États-Unis en 1956, ndlr), ce n'est pas si simple. C'est une langue très particulière. Nous avons l'avons coaché, tout comme Felicity Jones, et ils ont tous les deux fait un travail fabuleux, mais nous voulions aussi le perfectionner de manière à ce que même les gens du pays ne remarquent aucune différence."
"Si vous venez du monde anglo-saxon, certains sons peuvent être particulièrement difficiles à saisir, poursuit-il. Nous avons d'abord enregistré les performances avec les acteurs, même les intonations les plus compliquées. Puis nous avons essayé de les refaire complètement avec d'autres comédiens (dont Jancsó en personne, ndlr), mais cela n'a pas fonctionné. Nous avons donc cherché d'autres moyens de les améliorer. La plupart de leurs dialogues en hongrois contiennent ainsi une partie de ma voix. Nous avons fait très attention à conserver leurs performances. Il s'agit principalement de remplacer des lettres ici et là. Vous pouvez le faire vous-même dans ProTools, mais nous avions tellement de dialogues en hongrois que nous avions vraiment besoin d'accélérer le processus, sinon nous serions encore en post-production."
"Il est controversé dans l'industrie de parler de l'IA, mais cela ne devrait pas être le cas, conclut-il. Nous devrions avoir une discussion très ouverte sur les outils que l'IA peut nous fournir. Il n'y a rien dans le film qui utilise l'IA qui n'ait été fait auparavant. Elle ne fait qu'accélérer le processus. Nous utilisons l'IA pour créer ces tout petits détails que nous n'avions ni l'argent ni le temps de filmer."
Déjà gagnant du Lion d'Argent de la meilleure réalisation à la 81e Mostra de Venise, The Brutalist sortira le 12 février en France. Voici sa bande-annonce :
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