Les meilleurs rôles de Gene Hackman
Orion Pictures / TriStar / Touchstone / Universal

Acteur intense et versatile, il a marqué le cinéma par ses performances intransigeantes. Flic désabusé, génie du crime ou militaire implacable, il a su imposer un style. Gene Hackman vient de nous quitter, on se souvient de ses rôles les plus forts (par ordre chronologique).

Buck Barrow dans Bonnie and Clyde, d’Arthur Penn (1967)

Gene Hackman a débuté tard au cinéma, et il n'avait qu'une poignée d'apparitions à son actif quand il a été choisi par Warren Beatty pour jouer son grand frère chez Arthur Penn. Avec sa tronche de "camionneur" (dixit le père de Dustin Hoffman) et son cheveu frisottant, Hackman forge là sa légende avec son premier rôle marquant. Il fait preuve d'une énergie charismatique débordante et crée une alchimie parfaite avec Estelle Parsons, qui joue sa femme Blanche. Quelques scènes de casse, un affrontement spectaculaire avec la police et une fin cruelle : Gene décroche sa première nomination aux Oscars et impose sa présence inimitable.

bonnie and clyde
Warner Bros

Popeye Doyle dans French Connection, de William Friedkin (1971)

Le flic Popeye Doyle et son coéquipier partent en guerre contre un trafiquant de drogue international et remontent la filière marseillaise. Avec ce film, Friedkin signe le chant du cygne des polars sociaux produits par la Warner dans les 40s. Même réalisme documentaire, même souci vériste dans la progression de l'enquête et la description des méthodes policières, même violence sèche. Mais Popeye Doyle incarne aussi le désenchantement et la lassitude des années 70. Avec son petit pork pie hat et sa démarche sous octane, ses saillies cyniques ou racistes, Gene Hackman fait entrer le cinéma américain définitivement dans l'ère du doute et de l'ambiguïté. Cette performance subjuguante lui vaut son premier Oscar.

French Connection
capture d'écran/YouTube

Mary Ann dans Prime Cut, de Michael Ritchie (1972)

Dans ce thriller rural totalement cinglé, Gene Hackman campe Mary Ann, un éleveur de bétail sadique qui recycle ses ennemis en saucisses - littéralement. Face au vétéran Lee Marvin, il infuse une perversité dingo et sa moustache inquiétante lui permet d'habiller ce salaud à la fois folklorique et profondément flippant. Sa malveillance "laid back" donne au film une dimension grotesque parfaitement calibrée. Cette performance, souvent oubliée dans sa filmographie, révèle l'extraordinaire capacité de l'acteur à s'immerger dans des personnages répugnants sans jamais sombrer dans la caricature - la marque des très grands.

Carnage
National General Pictures

Max dans L'épouvantailde Jerry Schatzberg (1973)

Sa plus belle apparition dans un film. Une silhouette lointaine qui descend une colline ocrée. L'homme s'approche, déterminé, avec pour seul bagage sa petite valise, jusqu'au fil barbelé qu'il tente de franchir. La barrière lui résiste et on voit l'homme se tordre maladroitement, accrocher son pardessus, sa casquette avant de s'extirper comme il peut… Entre classicisme lyrique et slapstick moderne, Gene Hackman annonce la couleur du film avec cette métaphore parfaite d’un homme qui n'arrive jamais à se libérer complètement de ses chaînes. Dans ce road movie mélancolique couronné par la Palme d'or, il incarne Max, un vagabond bourru fraîchement sorti de prison qui rêve d'ouvrir une station de lavage. Face au lion lunaire d'Al Pacino, sa perf est un chef-d'œuvre de vulnérabilité masquée, entre rêves modestes et colère à fleur de peau. Si le film a un peu vieilli, Hackman compose un portrait saisissant de dignité écorchée.

L'épouvantail
Warner Bros.

Harry Caul dans Conversation secrète, de Francis Ford Coppola (1974)

Un détective privé, spécialiste de la surveillance, enregistre pour le compte d'un mystérieux industriel les propos d'un jeune couple surpris dans un parc de San Francisco. Tourmenté par une sombre histoire, Harry a progressivement peur de devenir l'instrument d'un meurtre programmé. Dans cette variation sur le Blow Up d'Antonioni, Gene Hackman incarne un homme déchiré par la solitude et la paranoïa, très loin de son image habituelle d'homme autoritaire. Deux ans après le triomphe du Parrain, Coppola conjugue hypersensibilité, cauchemar et élégance. Pas de pyrotechnie, ni de grimaces : juste une bande-son complexe, des cadrages inquiétants et un acteur hors-norme. Chaque geste mesuré, chaque regard fuyant traduit l'isolement de cet agent prisonnier de ses propres écoutes. C'est dans les silences que Hackman excelle, notamment dans cette scène légendaire où, recroquevillé près des toilettes d'un hôtel, il révèle les fissures d'une âme déshumanisée par la technologie. Avec ce paumé majuscule, il atteint sans doute le sommet de sa carrière.

ARTE

Harry Moseby dans La Fugue, d’Arthur Penn (1975)

Le mitan des années 70 fut définitivement la plus belle période de l'acteur. Dans ce thriller injustement méconnu, Gene Hackman joue Harry Moseby, ex-footballeur reconverti en détective privé qui doit retrouver la jeune fugueuse Delly. La gamine passe d'un cascadeur à l'autre pour régler ses comptes avec sa mère, une ancienne actrice Universal sans talent. Night Moves (VO) est surtout l'histoire d'un privé qui trébuche sur la vérité plus qu'il ne la déduit, et qui découvre plus de choses sur sa propre vie que sur celle de ses clients. Hackman donne vie à un anti-héros parfaitement imparfait : compétent mais pas brillant, perspicace mais aveugle à ses propres failles, et perdu dans un labyrinthe de tromperies où chaque vérité en dissimule une autre. Amérique lessivée venait de trouver son incarnation.

La Fugue (film, 1975)
Warner Bros.

Lex Luthor dans Superman, de Richard Donner (1978)

Bien avant Jesse Eisenberg, John Shea ou Jon Cryer, c'était lui, Lex Luthor ! Gene Hackman a donén au visage au légeraire vilain de comics, à la fois machiavélique et excentrique. Avec sa prestence naturelle, l'acteur a donné au personnage une malice sophistiquée, mêlant humour et menace. Son interprétation subtile d’un génie criminel mégalomane apporte une touche unique au film, faisant de son Luthor un antagoniste mémorable des trois des quatres films portés par Christopher Reeve.

Superman Gene Hackman
Warner bros.

David Brice dans Sens Unique, de Roger Donaldson (1987)

À partir du milieu des années 80, Gene Hackman promène sa moustache dans des brouettes de séries B. Il écume les thrillers et les films de guerre avec quelques classiques de poche (Narrow Margin, Retour vers l'enfer…) dont ce thriller d'espionnage tendu, où il brille dans le rôle de David Brice, secrétaire à la Défense aussi puissant que corrompu. Jaloux et manipulateur, il orchestre une chasse à l'homme pour masquer son propre crime, utilisant tout l'appareil gouvernemental comme une arme personnelle. La performance de l'acteur tient sur la menace contenue – derrière le costume impeccable se cache une violence à peine voilée. Face à un Kevin Costner encore juvénile, Hackman joue l'establishment dans ce qu'il a de plus toxique. Il refera aussi bien (voire mieux) dans Les Pleins pouvoirs.

Sens Unique en 1987
MGM

L'agent Rupert Anderson dans Mississippi Burning, d'Alan Parker (1988)

Ce manifeste anti-raciste d'Alan Parker, inspiré des véritables meurtres de jeunes militants des droits civiques perpétrés en 1964, est rempli de "gueules" mémorables du cinéma américain. Des acteurs habitués aux rôles de bad guys : Brad Dourif (Chucky), Tobin Bell (futur tueur de Saw), Michael Rooker (Merle Dixon dans The Walking Dead)... Dix ans après Lex Luthor et bien avant Le Bouffon vert, Gene Hackman et Willem Dafoe auraient tout aussi bien pu rejoindre le camp des vilains, mais les voir s'opposer avec force aux membres du Ku Klux Klan est tout aussi marquant. Gene a d'ailleurs été nommé aux Oscars pour son rôle d'enquêteur, pour la quatrième fois de sa carrière.

MISSISSIPPI BURNING (1988)
PRODUCTION / ORION

Little Bill Daggett dans Impitoyable, de Clint Eastwood (1992)

Deuxième Oscar de sa carrière, vingt ans après celui de French Connection. Avec le rôle du shérif Little Bill Daggett, Gene Hackman livre une interprétation impressionnante qui semble synthétiser tout ce qu'il a fait de mieux à travers sa longue filmographie - l'autoritarisme fou, la corruption, la justice zélote et l'Amérique redneck. Sa force réside dans cette capacité unique à basculer en un simple rictus du shérif bonhomme au monstre méthodique. Sous des dehors de justicier se cache une brutalité calculée qui glace le sang. Comme d'habitude, Hackman déploie une présence physique écrasante - sa silhouette massive devenant l'incarnation même de l'autorité corrompue. La scène dans la prison, où il passe du paternalisme à la folie furieuse en un clic de révolver, reste le sommet d'un rôle où Hackman fait coexister le quotidien et l'horreur sans transition apparente. Sa dernière supplique, après le bain de sang du saloon – "Je ne mérite pas de mourir comme ça, j'étais en train de construire une maison" – est un chef d'œuvre d'ambiguïté morale.

Impitoyable Gene Hackman
Malpaso Productions

Avery Tolar dans La Firme, de Sydney Pollack (1993)

Face à Tom Cruise, Gene Hackman incarne un mentor trouble, oscillant entre bienveillance et manipulation. Leurs affrontements, d’une tension palpable, rythment le film comme une partie d’échecs. Son pas de deux avec Jeanne Tripplehorn, entre séduction et cynisme, renforce l’ambiguïté de son personnage. Manipulateur mais humain, il impose une présence redoutable sans jamais forcer le trait.

la firme
Paramount

John Herod dans Mort ou vif, de Sam Raimi (1995)

Au sommet du délirant gunfight orchestré par  Raimi, il y a la valkyrie vengeresse incarnée par Sharon Stone face à un ex-bandit devenu maire et joué par Gene Hackman. Et qui s'appelle, à juste titre, Hérode, comme le roi de Judée qui (selon la Bible) fit massacrer tous les enfants de Bethléem dans l'espoir de tuer le Messie. Ce personnage est un reflet cartoonesque de son Little Bill dans Impitoyable sorti trois ans plus tôt. Hackman est immense même chez Raimi, concentrant la haine du trio de shooters (Stone, Crowe, DiCaprio) avec une intensité biblique. Amen.

Mort ou vif : Sharon Stone a payé le salaire de Leonardo DiCaprio suite au refus du studio
Columbia TriStar Films

Capitaine Frank Ramsey dans USS Alabama, de Tony Scott (1995)

Capitaine tyrannique face à Denzel Washington, son jeu intense, oscillant entre charisme et brutalité, incarne parfaitement la patte Gene Hackman, donnant le tempo à la tension électrique du film. L'acteur impose sa présence, rendant chaque confrontation captivante, intransigeant maître à bord de ce sous-marin nucléaire. Gene Hackman donne corps au conflit moral qui se joue à bord du vaisseau, imprégnant le pont de son autorité brute et imprévisible et charismatique.

USS Alabama production	Hollywood Pictures
Hollywood Pictures

Le président Allen Richmond dans Les Pleins Pouvoirs, de Clint Eastwood (1997)

Un an après avoir joué dans le remake américain de La Cage aux folles, Gene Hackman prouve une fois de plus sa versatilité en incarnant… le président des Etats-Unis. Il n’est pourtant pas le héros du film, puisque c’est Eastwood. Clint incarne Luther, un perceur de coffre-fort, qui va devenir le témoin accidentel d’un meurtre commis par le président, et qui tente parallèlement de renouer des liens avec sa fille. Dans ce mélange détonnant de thriller et de mélo familial, Hackman s’en donne à coeur joie, jouant avec une ironie délicieuse ce pervers polymorphe au sourire carnassier. Avec en prime, un des grands moments de sa carrière, le numéro de paso doble avec sa conseillère en communication (Judy Davis géniale), sorte de chorégraphie du machiavélisme politique qui fait réellement froid dans le dos

Les pleins pouvoirs
Castle Rock Entertainment

Royal Tenenbaum dans La Famille Tenenbaumde Wes Anderson (2001)

Dans un genre qu'il aura finalement peu expérimenté au fil de sa carrière, la comédie, Hackman incarne Royal Tenenbaum, un père excentrique et déconnecté, qui cherche à se racheter auprès de ses enfants après des années de négligence. Sans tomber dans la farce loufoque, il joue ce personnage complexe avec une grande subtilité, évoluant dans l’atmosphère décalée et lunaire propre à l'univers de Wes Anderson. À travers ses interactions avec l'épatant casting composant la galerie familiale, il capture l'absurdité de leurs vies, mêlant désespoir et moments comiques pour créer un portrait à la fois poignant et étrange.

La Famille Tenenbaum
GAUMONT BUENA VISTA INTERNATIONAL

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