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Quand il a été confirmé que Sandra Bullock tiendrait le premier rôle d’un film d’Alfonso Cuarón se déroulant dans l’espace, de nombreuses voix moqueuses se sont élevées pour remettre ce choix en question, insinuant que d’autres actrices auraient été « plus adaptées ». Il est vrai qu’entre le lancement du projet et sa réalisation, plusieurs années se sont écoulées. Entre-temps, les noms d’Angelina Jolie puis de Natalie Portman ont circulé. On a aussi parlé de Rachel Weisz, Naomi Watts, Carey Mulligan, Scarlett Johansson, etc. De là à dire que Bullock a été choisie faute de mieux, il y a un pas que certains ne se sont pas privés de franchir avant même d’avoir vu le film.Le visage aux milliers d'histoiresRectifions donc d’emblée : tant physiquement qu’émotionnellement, Sandra Bullock apporte à Gravity une contribution irremplaçable. C’est aussi le rôle le plus abouti de sa carrière.Interrogé sur le choix de la comédienne, le producteur David Heyman rappelle que la route a été longue avant que le projet n’aboutisse. Fatalement, le rôle de Ryan Stone a donc été proposé à plusieurs grands noms hollywoodiens qui, pour différentes raisons, ont décliné. L’histoire du cinéma est remplie de ce genre d’occasions manquées qui donnent lieu à des spéculations inutiles : « À quoi aurait ressemblé Titanic avec Matthew McConaughey ? » « Et si Will Smith avait joué Neo dans Matrix ? », etc. Heyman précise que, compte tenu de la personnalité de Ryan Stone, qu’il définit comme « une femme froide, fermée, qui a renoncé », il était très important que l’interprète ne se coupe pas du public. D’où la nécessité d’engager une actrice populaire, atout que Bullock possédait sans conteste. Par ailleurs, le rôle exigeait de la comédienne qu’elle soit présente pendant plus de la moitié du film. « Il fallait donc une personnalité charismatique dont le visage puisse raconter un millier d’histoires, poursuit Heyman. Sandra nous l’a donné. » Le danger pouvait venir de l’image véhiculée par la comédienne. Sur ce point, le producteur reste positif : « Il est inévitable qu’une star trimballe son histoire avec elle. Mais on est quand même loin des Flingueuses (Paul Feig, 2013). Ce que Sandra a apporté de ses rôles précédents, c’est la sympathie du public. Les traces de ses expériences passées sont également visibles sur son visage : on peut y lire la douleur, la tristesse et en même temps la joie. »45 jours, seuleSandra Bullock s’est impliquée à fond dans l’élaboration de son personnage. En tenant compte de la froideur et de la distance qui caractérisent l’état d’esprit de Ryan, elle s’est construit une apparence androgyne pas trop sexuée avec des cheveux courts et une grande tonicité. Pour faire face aux impératifs physiques du tournage, elle a pris des cours de danse. L’actrice s’est aussi documentée auprès d’une astronaute, rencontrée par le biais de l’ami d’un ami. Ses conversations avec cette femme, qui a séjourné dans l’ISS (Station spatiale internationale), lui ont visiblement été très utiles. David Heyman conclut : « Elle a assuré comme une pro alors qu’elle arrivait dans un monde inconnu et qu’elle allait utiliser une technologie totalement nouvelle pour elle. Et surtout, elle était seule. Sur un total de 61 jours de tournage, il n’y a eu qu’elle pendant 45 jours. » Alfonso Cuarón a l’habitude d’obtenir le meilleur des acteurs pour qu’ils le poussent à donner lui même son maximum. Entre lui et Sandra Bullock, la relation de confiance a fonctionné à plein.Gérard Delorme