Chaque jour, retour sur les temps forts de l’édition 2022 du festival du film romantique.
La gourmandise du jour : Maria rêve de Lauriane Escaffre et Yvo Muller
Césarisés pour leur court métrage Pile Poil en 2020, Lauriane Escaffre et Yvo Muller passent au format long avec Maria rêve, présenté au Festival de Cabourg. Le duo conserve le même goût pour les personnages cherchant à faire exploser les murs d’un quotidien trop plan-plan ou plus largement d’une existence trop tracée devant eux. Dans Pile poil, une fille de bouchers se rêvait esthéticienne. Ici, une femme de ménage – mariée depuis 25 ans - et le gardien immuable de l’Ecole des Beaux Arts vont vivre un coup de foudre inattendu qui va rester longtemps tu avant que les battements de ces cœurs qui se croyaient plongés pour toujours dans une sieste profonde ne leur ouvrent des perspectives inédites. Sorte de rencontre entre Je ne suis pas là pour être aimé et Antoinette dans les Cévennes, Maria rêve possède un charme fou. Celui d’une comédie romantique qui n’a pas peur des grands sentiments et qui, à l’inverse de tant d’autres, ne se sert pas de l’art moderne – au centre du récit – comme d’une usine à vannes faciles. Le tout avec une douceur jamais mièvre, à l’image de l’interprétation de ses deux comédiens principaux. Karin Viard qu’on n’avait pas vu fendre à ce point l’armure depuis longtemps. Et Gregory Gadebois qui, comme toujours sans en avoir l’air, vous bouleverse d’un regard, d’un sourire, d’un déhanché à la Elvis que son personnage apprend via des tutos sur Internet. Il n’est pas un des plus grands acteurs français d’aujourd’hui par hasard. Il joue d’abord et avant tout avec les autres. Et sa générosité épouse celle du film.
Le comédien du jour : Clément Roussier dans Le Soleil de trop près
Révélé par la série Ainsi soient- ils puis Au bout du conte d’Agnès Jaoui voilà une dizaine d’années, Clément Roussier s’est fait plutôt discret depuis. Le Soleil de trop près, le premier long métrage de Brieuc Carnaille – dont il a aussi co-écrit le scénario – lui offre son premier grand rôle sur grand écran. Et pas le plus simple de tous : un trentenaire qui tente de vivre comme les autres, en dépit de sa schizophrénie. Aussi juste dans les moments de tempête intérieure que dans les heures de calme retrouvé, aussi impressionnant dans l’explosivité que dans la douceur, il y a parfois du Dewaere de Série noire dans l’interprétation très physique de Roussier aux faux airs d’Albert Dupontel, face notamment à Marine Vacht et Diane Rouxel. On espère le revoir vite et plus.
La curiosité du jour : El Agua d’Elena López Riera
Une ambiance à la Phénomènes de M. Night Shyamalan dans ce premier long métrage d’Elena López Riera (co- écrit avec Philippe Azoury, ex-excellente plume de Libération), chronique d’un été dans un petit village espagnol, dont les habitants les plus jeunes tentent de tromper l’ennui en attendant des lendemains meilleurs. Ailleurs. Car le personnage central de ce récit, le plus mystérieux, le plus impalpable n’est autre que la rivière qui traverse ce village. Source- sans mauvais jeu de mot – d’une légende ancestrale qui veut que cette rivière soit amoureuse de la plus jolie fille du coin qu’elle attire à elle et la fait disparaître dans ses flots dès que le cœur de cette dernière s’emballe pour quelqu’un d’autre. Ce qui est le cas ici d’Ana, 17 ans, à la beauté ravageuse et inquiète du pouvoir de cette rivière alors qu’elle vit son premier amour. Elena López Riera embrasse cette figure mythique dans un mélange parfait de réalisme et de mysticisme en nous plongeant dans la tête de sa jeune héroïne, perdue entre ce qu’elle voit, ce qu’elle ressent, ce qu’elle rêve et ce qu’elle cauchemarde. Avec un envoûtement qui ne nous lâche plus jusqu’à son ultime plan.
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