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Malgré sa structure de film de guerre classique - les adieux aux familles avant le départ, la difficile acclimatation à un environnement hostile, les jours d'ennui, la tentative de contact avec les autochtones, la montée de la paranoïa, les piques de violence, la crainte de la bavure, les dissensions entre soldats -, Armadillo pose des questions plus pertinentes que jamais sur la condition de spectateur. Venu assister à un spectacle, le public est naturellement amené à partager l'angoisse des combattants, mais sur un mode de distanciation quasiment inédit. Car plutôt que de créer une indécision, le brouillage entre reportage et esthétisation conduit à ressentir avec davantage d'acuité la brutale déréalisation à laquelle sont confrontés les protagonistes. Dans un environnement totalement masculin, ces jeunes garçons font la guerre comme on joue à un jeu vidéo et ont du mal à se percevoir eux-mêmes comme des soldats engagés dans un combat.
Pour le spectateur rompu aux films de guerres US, il est saisissant d'être mis au contact d'une nouvelle génération européenne, faite de visages inconnus et de parcours inédits (voir ce militaire danois d'origine asiatique), pour finalement revenir aux mêmes constats et sensations : la guerre agit comme une drogue et transforme les hommes en machines aliénées. On quitte donc Armadillo avec l'impression d'avoir rencontré des personnes proches, incarnations contemporaines d'une espèce humaine qui n'avance pas. En cette année 2010, peu de films ont traité avec une telle précision le fragile mythe du Progrès. -
La force d’Armadillo est justement de brouiller les codes. Entendre les balles siffler au-dessus de la tête du cadreur sonnerait presque faux, tandis que le look chromé à la Top Gun paraît paradoxalement tellement plus vrai... Contre l’image brute et « documentaire », Metz a donc choisi l’imagerie pour entrer dans l’esprit du soldat et traquer les
fantasmes de l’homme en guerre. Du coup, on ne regarde plus le conflit mais le film que s’en font les soldats eux-mêmes et, de ce point de vue, Armadillo est une vraie bombe !
Toutes les critiques de Armadillo
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Janus Metz signe ici un documentaire à la force rare, un film à méditer, initiatique et passionnant, d"un violence d'autant plus insoutenable qu'elle est réelle. Vivement conseillé.
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Amardillo n'est pas un témoignage sur l'Afghanistan. Nous sommes là devant devant un moment de l'histoire et des images. Sous nos yeux, pour notre plus grande jouissance et notre terreur la plus totale, la fiction se confond distinctement avec le réel. Dans un même frisson. Pour une même expérience.
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Si certains questionneront la forme tapageuse, il faut accorder à Metz d'avoir su brosser un portrait assez impitoyable de l'homme au contact de la guerre qui, loin de devenir une bête sans conscience, laisse libre cours à une espèce de cynisme désinvolte, trait saillant des tardives adolescents postmodernes.
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Comme le fit Démineurs l'an dernier, Armadillo perturbe en créant une sensation d'intimité avec ce régiment de troufions danois bien vite déconnectés de la réalité et vite amenés à penser avec leurs gonades.
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par Léonard Haddad
Look cuivré, plans contemplatifs au cordeau, soldats graphiques et poseurs, armes lourdes iconisées, on s'y croirait, oui, mais dans quoi ?(...)En optant pour une sur-stylisation, Janus Metz a moins fait le choix de l'image que celui de l'imagerie, comme si les soldats eux-mêmes se faisaient un film dont ils seraient les héros. Alors qu'en réalité...
La beauté des images traquant la vie monotone de troufions aux physiques sculpturaux alterne avec les images granuleuses de prises de vue sur le vif rendant toute l'horreur poisseuse des affrontements.
Armadillo choque en laissant le public presque aussi traumatisé que les jeunes engagés. L'excitation et la violence de la guerre ont rarement été aussi palpables que dans ce documentaire brillant récompensé en mai dernier par le grand prix de la Semaine de la critique à Cannes.
Quoiqu'il en soit, ce film un peu clinquant, nourri de testostérone, est un document d'une candeur déconcertante dans lequel les grandeurs et les servitudes militaires trouvent leur place.
Armadillo a suscité la polémique au Danemark. Certains ont accusé Janus Metz de glorifier la guerre, d'autres lui ont reproché de saisir l'horreur sans la dénoncer - au moyen d'un commentaire, par exemple. Mais la force du film vient de cette (fausse) impassibilité. Le cinéaste renoue en fait avec l'art de la maïeutique, cette philosophie ancienne - et plus très à la mode, hélas - qui consiste à poser les questions sans jamais imposer de réponses. Ainsi pourquoi, de retour chez eux, Mads, Daniel, Rasmus et les autres (pas tous, mais presque) ne songent-ils qu'à repartir à Armadillo ? Pour aider ou pour tuer ? Se sauver ou se perdre ?
C’est un voyage au bout de l’enfer que devraient aller voir les adolescents de notre « vieille Europe » plus habitués aux jeux vidéo « Call of duty » ou « Empire total war » qu’à l’horreur de la guerre et sa réalité. En filmant les conversations téléphoniques par satellite des mères avec leurs fils, l’étreinte d’un père dans un aéroport qui serre dans ses bras son enfant avant que l’avion ne s’envole, les hommes et les femmes d’Afghanistan pris en otages entre les talibans et les jeunes soldats occidentaux, Janus Metz, prenant des risques considérables pour tourner ces images, nous fait approcher au plus près de cette barbarie aux visages trop humains. Ce n’est plus du tout du cinéma, mais la réalité d’un terrible conflit. Une réalité qui bouleverse nos regards et nos certitudes.
Peu à peu, une évidence s’impose : les soldats prennent goût à leur job. Le film a généré un débat au Danemark : ces soldats outrepassent-ils les règles de la guerre ou ne font-ils que se défendre ? Ont-ils liquidé des ennemis blessés ? « Je veux qu’on sorte de ce film sans aucune certitude », dit Janus Metz. Le but est atteint avec précision et talent.