Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
LES ANIMAUX FANTASTIQUES : LES CRIMES DE GRINDEWALD ★★★★☆
De David Yates
L’essentiel
Le deuxième Animaux fantastiques est un formidable moment de cinéma, excitant et prenant.
Honnêtement, même sans être un fanatique de Harry Potter (livres et/ou films), on avait été un rien déçus par Les Animaux fantastiques. La promesse excitante de sortir des murs de Poudlard, d'explorer le passé de l'univers de J.K. Rowling était surtout la promesse de partir dans l'inconnu.
Sylvestre Picard
PREMIÈRE A ADORÉ
LES CHATOUILLES ★★★★☆
De Andréa Bescond et Éric Métayer
Les Chatouilles est adapté de la pièce à succès d’Andréa Bescond, mise en scène par Éric Métayer, qui cosigne ici la réalisation. Il raconte la pédophilie sous l’angle autobiographique, l’histoire d’Andréa, alias Odette.
Anouk Féral
CÉLÉBRATION ★★★★☆
D’Olivier Meyrou
Tourné entre 1998 et 2001, dans les coulisses des dernières collections d’Yves Saint Laurent, ce documentaire nous parvient après bien des aléas. Et c’est une révélation. À la limite du dispositif arty, avec son travail sur la bande-son flirtant avec l’abstraction et ses partis pris visuels (YSL constamment à l’arrière-plan ou filmé de près en noir et blanc, comme une présence fantomatique), Célébration raconte un monde finissant qu’incarne le grand couturier, physiquement atteint. C’est aussi un portrait ambigu de l’omniprésent Pierre Bergé, personnage à la fois exécrable et protecteur, qui a entretenu le mythe d’Yves Saint Laurent jusqu’à la fin. Olivier Meyrou ne s’y trompe pas, qui termine son film sur un plan prémonitoire (le couturier est décédé en 2008) du mécène cheminant seul.
Christophe Narbonne
PREMIÈRES SOLITUDES ★★★★☆
De Claire Simon
C’est un documentaire né d’une rencontre avec des lycéens d’Ivry. Où, pour préparer le court qu’elle devait réaliser avec eux, Claire Simon a commencé par les interroger sur leur quotidien avant d’imaginer un long métrage à part entière, nourri de nouvelles sessions où elle a enregistré leurs échanges. Une parole libre donnant le sentiment que ces confidences-là n’avaient été faites à aucun autre. Et qui dresse le portrait d’une génération chamboulée par la dislocation de la cellule familiale, celle qui pouvait rassurer ou contre laquelle on avait envie de se rebeller. Après la petite enfance dans Récréations, Claire Simon témoigne encore de son incroyable capacité d’écoute en battant en brèche tous les clichés sur les ados d’aujourd’hui. Tour à tour drôle, malicieux, troublant et poignant, ce documentaire est une réussite.
Thierry Cheze
8, AVENUE LÉNINE ★★★★☆
De Valérie Mitteaux et Anna Pitoun
Salcuta Filan est une héroïne. C’est en tout cas comme ça qu’aiment la présenter les deux réalisatrices du documentaire qui trace son portrait. Un doc sous-titré : Heureuse comme une Rom en France. Pas d’ironie là-dedans, ni de provocation. Sur l’affiche, Salcuta en maillot de bain, les mains sur les hanches, a un sourire franc qui ne dit pas autre chose qu’un bonheur simple et direct. Si ce visage radieux va de soi à priori, dans les faits, c’est une autre affaire. Ce 8 avenue Lénine – du nom de l’adresse où réside Salcuta Filan – suit sur plus de 15 ans le parcours du combattant d’une intégration réussie. Celle d’une jeune rom installée en France, depuis le démantèlement du camp où elle habite alors, jusqu’à la régularisation de sa situation. Entre ceux deux étapes, un florilège d’humiliations (suspicion, racisme, précarité, conditions d’accueil difficile…), une vie de famille qui essaie tant bien que mal de se déployer (elle a aujourd’hui 6 petits-enfants) et aussi des éclaircies grâce à des hommes et des femmes qui dans un élan citoyen admirable soutiennent Salcuta dans ce champ de bataille. L’une des grandes qualités de ce documentaire est la ténacité avec laquelle les deux réalisatrices ont tenu bon, n’ont jamais renoncé pour mener à bien cette épopée sociale qui ne cherche ni à ruer dans les brancards, ni à verser dans un quelconque misérabilisme pour appâter le chaland. On est dans ce que le documentaire peut offrir de plus pur et complexe : une perception du réel qui triche le moins possible pour restituer une vérité nue.
Thomas Baurez
PREMIÈRE A AIMÉ
MON CHER ENFANT ★★★☆☆
De Mohamed Ben Attia
Comment raconter une histoire qui traite de l’impensable, du déni et d’un drame que l’on n’a pas su prévoir ? Le réalisateur du remarqué Hedi, un vent de liberté se frotte à la question en s’immergeant dans le quotidien d’une famille tunisienne, dont le fils unique éprouve quelques problèmes de confiance à l’approche de son baccalauréat. Si l’équilibre familial semble fragile et qu’une certaine pression pèse sur les épaules du jeune homme, rien ne préparait les parents à la soudaine fugue de leur enfant vers de dangereuses contrées. Le film trouve alors toute sa force en se concentrant sur la réaction bouleversée du père. Ce cariste sur le point de prendre sa retraite cherche à retrouver son fils mais se confronte à ses propres insuffisances existentielles. Et le portrait du malaise des jeunes générations de se muer en poignante réflexion sur la perte et l’absence.
Damien Leblanc
FRÈRES DE SANG ★★★☆☆
De Damiano et Fabio D’Innocenzo
Les frères du titre sont deux amis de la banlieue de Rome dont la vie assez minable de livreurs n’a besoin que d’une impulsion pour basculer du côté obscur. C’est ce qui arrive lorsqu’un accident révèle chez eux une faiblesse morale qui les entraîne, sous l’impulsion du plus insensible des deux, à travailler pour la mafia comme exécuteurs de mauvais payeurs. Bien que prévisible, leur parcours est rempli de surprises et c’est une des nombreuses qualités de ce premier film des frères D’Innocenzo qui, entre fable morale et réalisme social, réussissent un bel exercice d’équilibristes. Le pari était risqué, compte tenu du comportement désespérant de ces personnages, que le spectateur est invité à suivre sans arrêt mais auxquels il s’attache quand même grâce à une interprétation très juste.
Gérard Delorme
CARMEN & LOLA ★★★☆☆
D’Arantxa Echevarria
Présenté à la dernière Quinzaine des Réalisateurs cannoise, le premier long-métrage d’Arantxa Echevarria raconte une romance lesbienne interdite. Les frémissements du désir adolescent, les atermoiements, la peur, et cette caméra collée au plus près des corps et des visages des actrices… Rien de neuf depuis Fucking Amal ? Pas grand-chose a priori, non. Sauf que Carmen et Lola est aussi une immersion très documentée dans la communauté gitane espagnole, territoire (de cinéma) méconnu où l’homosexualité est taboue. Le film y gagne une part d’authenticité indéniable, qui fait palpiter plus puissamment les rebondissements d’une intrigue par ailleurs un peu convenue. Les deux actrices (Zaira Romero et Rosy Rodriguez) sont parfaites de naturel à la fois charmeur et inquiet.
Frédéric Foubert
SAMI, UNE JEUNESSE EN LAPONIE ★★★☆☆
De Amanda Kernell
Une vieille dame se rend à l’enterrement de sa soeur mais refuse étrangement de s’attarder. Lors d’un long flash-back, on comprend que cette femme est issue du peuple same, cette minorité d’éleveurs et de pêcheurs répartie entre les trois pays scandinaves et la Russie. Elle Marja est une paria, rejetée par les Sames qui ne comprirent pas son désir d’éducation et d’émancipation, et méprisée par les Suédois qui refusèrent de l’intégrer. En émule de Jane Campion et de ses héroïnes butées, Amanda Kernell signe un manifeste politique et féministe (voir la séquence dans laquelle Elle Marja est le sujet d’une humiliante étude biométrique), qui voit la quête confuse de normalisation de l’héroïne se heurter tantôt aux murs du communautarisme tantôt à ceux du patriarcat et du conservatisme.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
SUSPIRIA ★★☆☆☆
De Luca Guadagnino
Suspiria pose l’éternel problème de la pertinence des remakes. Sauf qu’ici, le projet tient bien plus de l’ambition personnelle du réalisateur que de l’habituelle logique des studios qui refont les grands succès pour cibler chaque nouvelle génération.
Gérard Delorme
MILLENIUM : CE QUI NE ME TUE PAS ★★☆☆☆
De Fede Alvarez
Résurgence de l’extrême-droite, cyber-terrorisme, révolte féministe contre les phallocrates et les prédateurs sexuels… Les thèmes des romans de Stieg Larsson n’ont jamais semblé autant d’actualité, plus de dix ans après leur publication. De quoi se réjouir du come-back de Lisbeth Salander dans notre monde post-MeToo. Sur le papier, la hackeuse goth est l’héroïne idéale de l’époque, l’une des silhouettes de fiction les plus pertinentes façonnées depuis le début du siècle.
Frédéric Foubert
CHIEN DE GARDE ★★☆☆☆
De Sophie Dupuis
JP et Vincent sont frères. Le premier est un ténébreux taciturne, le deuxième légèrement déficient mental et incontrôlable. Collecteurs de dettes pour leur oncle, les frangins trempent dans le deal et l’argent sale, mais JP veut se ranger des bagnoles, aspirant à une vie meilleure. Chronique de la galère ordinaire et portrait transversal d’une famille dysfonctionnelle, Chien de garde suit les traces de ses aînés, de Nicolas Winding Refn à Larry Clark, sans vraiment arriver à s’en démarquer. Reste la composition ébouriffante du jeune Théodore Pellerin dans le rôle de Vincent, chien fou, autodestructeur, friand de castagne, qui vole la vedette de ses partenaires à chacune de ses apparitions. Un peu comme De Niro en son temps, lorsqu’il dynamitait les poubelles de New York dans Mean Streets.
François Rieux
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
POUR L’AMOUR DE L’ART ★☆☆☆☆
De Jean-Luc Piacentino
Un an après L’Ombre de Vénus, Jean-Luc Piacentino poursuit son exploration du monde de l’art avec un nouveau documentaire. Pour l’amour de l’art retrace quatre expériences artistiques, projets amateurs ou professionnels, en musique, danse, photographie et théâtre. Le résultat, qui trahit une hésitation permanente entre la grammaire du reportage télé et celle du film d’art et d’essai, ne convainc pas.
Maxime Grandgeorge
Et aussi
André Robillard, en compagnie de Henri-François Imbert
Le cœur de l’homme de Éric Esau
Reprises
Festen de Thomas Vinterberg
Funny Face de Stanley Donen
L’adieu aux Armes de Franck Borzage
Le Pornographe de Shöhei Imamura
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