Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
MALÉFIQUE : LE POUVOIR DU MAL ★★☆☆☆
De Robert Stromberg
L’essentiel
La suite de Maléfique est un film de fantasy moyen, qui ne fait pas de mal mais ne possède guère d’ambition.
Jessica Rabbit disait "je ne suis pas mauvaise, je suis juste dessinée comme ça", et le premier Maléfique, sorti en 2014, semblait découler de cette réplique en renversant de façon rigolote les archétypes Disney : son méchant originel, le modèle de tous les méchants du studio, Maléfique, devenait la belle-mère malgré elle de la princesse Aurora, victime de la violence des hommes sur les femmes -sa mutilation des ailes de fée noire était une métaphore à peine voilée du viol. A l’arrivée, Maléfique n'allait pas beaucoup au-delà de son statut de film de commande signé d’un spécialiste des SFX (Robert Stromberg).
Sylvestre Picard
PREMIÈRE A ADORÉ
WARRIOR WOMEN ★★★★☆
De Christina D. King et Elizabeth A. Castle
Il y a deux fameuses Madonna aux États-Unis. La chanteuse et Madonna Thunder Hawke, une activiste indienne qui milite depuis les années 60-70 au sein de l’AIM (American Indian Movement) pour la préservation de l’identité et de la culture des Natives. Une personnalité admirable à laquelle ce fantastique documentaire rend hommage et, à travers elle, à toutes ces femmes indiennes, à l’origine de la résistance contre l’oppresseur blanc. Ces “Warrior Women” cherchent non seulement la reconnaissance de leurs droits mais aussi à se reconnecter avec la terre, leurs terres dont elles ont été dépossédées et dont elles sont garantes de l’intégrité -elles luttent notamment contre l’édification de barrages destructeurs de l’environnement. À l’heure du dérèglement climatique et de l’écoresponsabilité, il faut écouter ces femmes d’une sagesse infinie et d’une détermination sans failles. Il faut voir ce documentaire.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE A AIMÉ
SHAUN LE MOUTON : LA FERME CONTRE-ATTAQUE ★★★☆☆
De Will Becher et Richard Phelan
Quatre ans après ses premiers pas sur grand écran où il s’aventurait dans la grande ville et ses pièges à tous les coins de rue, Shaun le mouton est de retour au cinéma… mais joue cette fois-ci à domicile ! Car c’est à deux pas de sa ferme que vient s’écraser un vaisseau spatial d’où s’échappe une malicieuse créature extra-terrestre que le troupeau va protéger contre une inquiétante organisation gouvernementale.
Thierry Cheze
FAHIM ★★★☆☆
De Pierre-François Martin-Laval
L’histoire vraie de Fahim Mohammad, qui débarque à Créteil à 12 ans, fuyant son Bangladesh natal avec son père. Petit génie des échecs, Fahim va intégrer l’équipe de Créteil sous la direction de Sylvain, un prof bourru, impressionnant et bon vivant -normal, puisqu’il est joué par Gérard Depardieu.
Sylvestre Picard
ANGRY BIRDS : COPAINS COMME COCHONS ★★★☆☆
De Thurop Van Orman et John Rice
Sorti en 2016, le premier Angry Birds avait été une agréable surprise dans la mesure où l’on n’attendait pas monts et merveilles de cette adaptation d’un jeu vidéo. On pourrait dire la même chose de cette suite dans laquelle les oiseaux et leurs irréductibles ennemis cochons font alliance pour lutter contre une menace inconnue, située sur une troisième île. La “dramaturgie” se concentre sur Red, le héros volatile du premier volet, cette fois confronté à la perte de son influence et à une histoire d’amour possible avec une congénère surdouée. Purement fonctionnelle, l’intrigue n’est pas la priorité des auteurs : comme dans le précédent film, l’humour décalé est omniprésent, rappelant Les Pingouins de Madagascar et sa surenchère permanente de gags frôlant l’overdose.
Christophe Narbonne
L’ANGLE MORT ★★★☆☆
De Patrick-Mario Bernard & Pierre Trividic
Une boîte dans les années 70 : du funk à fond, de la fumée, et un bébé dans un berceau qui disparaît par intermittence. En quelques plans, la scène d’ouverture de L’Angle mort met en scène l’origin story d’un superhéros avec une finesse inouïe, qui rappelle quand même drôlement quelque chose. Non ? C’est, à peu de choses près, la même scène d’ouverture que celle d’Incassable, avec de la musique à la place du miroir dans lequel M. Night Shyamalan inscrivait le destin de son héros. En fait, L’Angle mort peut entièrement s’envisager comme une relecture d’Incassable, à peine dissimulée. Il partage avec le plus beau film de Shyamalan la volonté de traiter les superpouvoirs sous l’angle du supernormal, la même volonté de confronter une personne à la mythologie, et le même affrontement manichéen entre un héros et sa version négative. Le héros, Dominick (Jean-Christophe Folly, beau matou), est capable de se rendre invisible mais vend des guitares dans le 13e arrondissement de Paris. Et son alter ego apparemment maléfique (Sami Ameziane alias le Comte de Bouderbala, tout simplement exceptionnel) est un vendeur de pizzas... Aucun misérabilisme pourtant dans ce mélange de réalisme et de fantastique – ce n’est pas pour rien que les réalisateurs ont signé en 1998 un fabuleux documentaire sur H.P. Lovecraft. Dommage que Bernard et Trividic semblent vouloir refermer aussitôt (manque de moyens ?) l’immense univers qu’ils sont parvenus à construire, L’Angle mort se terminant sur un épilogue plus que frustrant.
Sylvestre Picard
MARTIN EDEN ★★★☆☆
De Pietro Marcello
Adapter le roman culte de Jack London tient de la gageure. Personne ne s’y est d’ailleurs essayé au cinéma depuis 1942. Mais Pietro Marcello relève ici brillamment le défi en conservant l’âme de l’oeuvre tout en la trahissant. Le personnage central reste un marin prolétaire (Luca Marinelli, impressionnant) qui, pour l’amour d’une jeune bourgeoise (Jessica Cressy, épatante) et grâce à la culture, transcende sa classe sociale, rongé par le sentiment de trahir ses origines. Mais en déplaçant l’intrigue des USA en Italie, dans une période du XXe siècle indéfinie, Marcello pointe le caractère intemporel et universel de ce récit initiatique sur fond de lutte des classes. On retrouve ce talent à perdre le spectateur sans se jouer de lui dans la forme de son récit où diverses images d’archives documentaires viennent ponctuer sa fiction avec un sens indéniable de l’épique.
Thierry Cheze
LA BONNE RÉPUTATION ★★★☆☆
De Alejandra Marquez Abella
Sofia a trois enfants et baigne dans une vie d’oisiveté et de luxe grâce à la rente de la société de son mari, héritier. Jusqu’à ce début des années 80 où la crise frappe de plein fouet la haute bourgeoisie mexicaine et la pousse à tenter de sauvegarder l’essentiel à ses yeux : les apparences. Alejandra Marquez Abella signe un portrait vachard de cette élite d’hier qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celle d’aujourd’hui. Avec un sens ciselé du portrait, elle raconte la sortie douloureuse de ce rêve de prospérité éternelle qui n’a finalement existé que dans l’esprit de ces nantis, qui deviennent parias dès lors que leur ruine est rendue publique. Mais la cruauté avec laquelle la cinéaste scrute cette superficialité arrogante ne l’empêche cependant jamais de montrer les failles de ces grandes bourgeoises enfermées dans une culture sociale qui les fragilise en les réduisant à un simple état ornemental.
Thierry Cheze
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
MATTHIAS & MAXIME ★★☆☆☆
De Xavier Dolan
Attendu comme le loup blanc au dernier Festival de Cannes après la déconvenue anglo-saxonne de Ma vie avec John F. Donovan, Xavier Dolan revenait en costard sur des bases plus modestes. Matthias & Maxime est vendu comme un film de potes, un Petits Mouchoirs propre à faire le point sur la vie et les blessures intimes qui vont avec. Dolan, derrière et devant – c’est là aussi un retour, six ans après Tom à la ferme –, apparaît sur l’écran avec une tache de vin sur le visage dans une sorte d’hommage inattendu à Mikhaïl Gorbatchev.
Thomas Baurez
CAMILLE ★★☆☆☆
De Boris Lojkine
Révélé en 2014 avec l’excellent Hope, Boris Lojkine consacre son deuxième long métrage de fiction au destin brisé de Camille Lepage, photojournaliste assassinée à seulement 26 ans en Centrafrique en 2014. Transcendant la notion de simple biopic, Camille est avant tout le récit initiatique d’une jeune femme idéaliste convaincue de l’importance de raconter les populations oubliées de ce monde et de leur venir en aide, malgré la complexité et la violence des guerres civiles qui les déchirent. Parfaitement documenté, porté par la superbe Nina Meurisse, ce film évite toute sensiblerie. Mais il aborde hélas trop de sujets (de la situation en Centrafrique, la relation de Camille à sa famille, ses confrères majoritairement masculins, aux personnes des deux camps sur place...) et finit par en survoler la majorité dans ce film de 90 minutes qui paraît trop court.
Thierry Cheze
LITTLE MONSTERS ★★☆☆☆
De Abe Forsythe
Sur le papier, Little monsters coche toutes les bonnes cases de la comédie d’horreur cintrée, façon Shaun of the Dead. On y suit les mésaventures d’une instit’ (super Lupita Nyong’o) et d’un parent d’élève (Alexander England) coincés avec des enfants dans une gigantesque ferme cernée par des zombies, échappés du camp militaire voisin. La bonne idée du film est de faire croire aux enfants qu’ils participent à un jeu éducatif ! On chante, on danse parmi les zombies (très lents) en foutant un coup de pelle de temps en temps ou en les embrochant pour rire à la fourche. Le décalage fonctionne plutôt bien. Dommage que l’enjeu dramatique tourne autour de l’inconsistant Alexander England, qui incarne un père irresponsable poussé à grandir dans l’adversité. Déjà vu.
Christophe Narbonne
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