Le palmarès des Oscars a une fois de plus démontré son côté routinier par rapport à celui des César.
Bon, OK, il y a l’Oscar du Meilleur Film attribué à Moonlight qu’on n’attendait pas. Enfin, pas vraiment. En fait, si. Placé en deuxième position des intentions de vote, juste derrière La La Land, par les bookmakers, le film de Barry Jenkins est une surprise sans être une et la preuve que les Oscars sont devenus archi-prévisibles, en tout cas beaucoup plus que les César. On s’explique.
Pourquoi Moonlight a remporté l’Oscar
Samedi dernier, nous avons listé les cinq César qu’on n’attendait pas. On aurait pu ajouter les César qu’on ne comprenait pas, comme celui du Second Rôle Féminin décerné à la formidable débutante Déborah Lukumuena dont on se demandait spontanément à quel titre elle concourait dans cette catégorie -et pas dans celle de Meilleur Espoir Féminin, remporté par sa partenaire, Oulaya Amamra. Et comment, diable, Xavier Dolan pouvait-il concourir dans toutes les catégories (hors Meilleur Film), en plus de celle de Meilleur Film Etranger ? Ces questions ont des réponses : dans le cas de Déborah Lukumuena, il n’y a pas de règle (elle aurait pu, de fait, concourir en Meilleur Espoir mais avait de plus de chances en Second Rôle) ; s’agissant de Dolan, il a bénéficié à plein d’une mesure promulguée en 2013 permettant à des films francophones coproduits par l’hexagone -majoritairement ou non- de squatter toutes les catégories, sauf celle du Meilleur Film. Cette méconnaissance des règlements (moins inscrits dans le marbre que ceux des Oscars) participe de la stupeur qui nous saisit parfois devant les César et qui, avouons-le, en fait le charme.
La grosse différence avec les Oscars, sur lesquels les César ont peu ou prou calqué leur fonctionnement, réside dans la désignation des concurrents au premier tour. En France, les votants, quels que soient leurs collèges (réalisateurs, acteurs, techniciens), les choisissent d’emblée dans toutes les catégories. Aux Etats-Unis, les monteurs votent pour les monteurs, les décorateurs pour les décorateurs, etc. Le système, non soumis au corporatisme, permet en France une plus grande hétérogénéité des candidats, contrairement à ce qui se passe Outre-Atlantique. Il y a, par exemple, fort à parier que dans le cadre du système américain, Xavier Dolan n’aurait pas été désigné par ses « pairs » monteurs pour le César du Meilleur Montage qu’il a remporté à la surprise générale.
Les pires Oscars du Meilleur Film
La campagne promotionnelle pré-Oscars est un autre élément qui contribue à rendre la cérémonie américaine plus prévisible, surtout lorsqu’elle se double, comme cette année, d’enjeux socio-politiques importants. On ne saura jamais à quel point la polémique des OscarsSoWhite en 2016 a ainsi pu influencer les votants à propos de Moonlight mais impossible de nier qu’elle ait pu jouer un rôle. La victoire de Shakespeare in love en 1999, conduite de main de maître par Harvey Weinstein, face à La Ligne rouge et à Il faut sauver le soldat Ryan est l’exemple le plus frappant de cette primauté du lobbying sur l’artistique dont les bookmakers prennent acte dans leurs pronostics, rarement démentis.
En France, pas de campagne officielle mais un état d’esprit général, disons progressiste, qui prévaut souvent. La preuve avec les victoires aussi inattendues qu’éclatantes de Timbuktu en 2014 et de Fatima en 2015, deux films engagés qui, par ailleurs, présentent des qualités évidentes qu’il aurait été dommage d’ignorer. Ces véritables coups d’éclat, plutôt salutaires pour la diversité, sont impensables aux Etats-Unis. Il ne faudrait cependant pas qu’ils deviennent la norme, au risque d’être à leur tour prévisibles.
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