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De Vampire Diaries à Legends of Tomorrow : The CW à l’âge de raison

Soaper-héros

<em>The  Flash</em> incarne tout particulièrement le renouveau de la CW. Dérivée de <em>Arrow</em> et comme elle basée sur un personnage de chez DC Comics, <em>The Flash</em> est arrivé en septembre dernier à l?antenne. Dans le sillage grésillant de son héros supersonique, Barry Allen, la série a sans attendre plus que son pilote, dépassé tous les autres programmes de la chaîne et bouclé sa première saison avec une moyenne de quasiment 4 millions de téléspectateurs par épisode. Loin, très loin, des 17 millions d?<em>Empire</em> sur Fox, OK, mais pour la CW, un score miraculeux. Supérieur à celui de ses autres programmes actuels et le double des audiences de <em>Gossip Girl</em> à sa grande époque. Les audiences globales de la chaîne en profitent : elles sont en hausse de 12 % par rapport à l?année dernière et la saison 2014-2015 est sa meilleure depuis 7 ans. Cerise sur le gâteau, The CW commence même à devenir vaguement respectable ; elle a décroché cette année son premier award notable. Peu regardée, mais soutenue par la critique, l?autre nouveauté <em>Jane The Virgin</em> a valu à sa star, Gina Rodriguez, un Golden Globe de la meilleure actrice de comédie.Pour apprendre à jouer, même timidement, dans la cour des grands, les dirigeants de la chaîne ont eu l?humilité de s?inspirer des méthodes de leurs aînés. Mais plutôt que de tenter d?émuler au petit bonheur la chance les succès de chacun des membres du Big Four, ils ont choisi assez intelligemment de se poser en mini-ABC. Bercail de <em>Desperate Housewives</em> et des séries de Shonda Rhimes (<em>Grey?s Anatomy</em>, <em>Scandal</em>) ABC est de tous les grands networks, celui qui affectionne le plus le soap opera. Or sur The CW, le soap est une seconde nature. Le langage commun à toutes ses séries. Pas une qui n?en respecte scrupuleusement les codes d?écriture (le triangle amoureux, Alpha et Omega de sa grille des programmes) et les critères d?embauche des comédiens. Vous pouvez avoir le CV d?Al Pacino, pour décrocher une panouille sur la CW, il faudra d?abord prouver une expérience dans le mannequinat. Les <em>Arrow</em> et <em>Flash</em> eux-mêmes n?échappent pas à un traitement très "soaper-héros" quelque part entre <em>Avengers</em> et <em>Melrose Place</em> avec force romances contrariées et réticence à faire jouer les super-villains les plus tordus par autre chose que des bellâtres aux abdos en briques Lego. La présence même de ce contingent DC à l?antenne de la CW est une réponse directe aux séries Marvel (<em>Agents of SHIELD</em>, <em>Agent Carter</em>) de ABC.

Fascination, tentation, hésitation, révélation

Le résultat est plutôt encourageant. Là où les séries Marvel de ABC conservent un arrière-goût désagréable de produits dérivés, la CW a tourné à son avantage la volonté affichée par Warner de cloisonner entre films et séries : pas d?univers cinématique commun, et un acteur différent prévu pour incarner <em>Flash</em> aux côtés de Henry Cavill et Ben Affleck. La contrepartie, c?est une liberté assez totale pour puiser dans le catalogue de DC et gérer à sa manière son "Arrow-verse", avec en mastermind de l?affaire le scénariste Greg Berlanti. Plus pop que les films de Zack Snyder, les séries de super-héros de la CW reflètent bien la nouvelle stratégie de la chaîne : séduire les young adults, au sens où les entend dans les librairies et dans les multiplexes. Le basculement s?est opéré avec <em>The Vampire Diaries</em>, lancée en 2009 et perçue à l?époque comme un vulgaire rip-off de <em>Twilight</em>. La série s?est avérée plus pérenne que son modèle. Les fans de Kristen Stewart et Robert Pattinson éparpillés dans la nature depuis la sortie du dernier volet ciné, ceux de <em>TVD</em> restent solidement rivés au poste dans l?attente d?une septième saison. Sans parler du spin-off <em>The Originals</em>. <em>The 100</em> a de son côté fait mieux que surfer sur le succès des dystopies <em>Hunger Games</em> ou <em>Divergente</em>. A la surprise générale, cette solide série de SF est en train de réussir que ce que beaucoup d?autres avaient tenté en vain, y compris légitimement ABC : reprendre le flambeau de Lost. Quant à <em>iZombie</em>, petite dernière qui est allée chercher son inspiration du côté de Vertigo, la branche indé/mature readers de DC Comics, elle prend la vague horreur dans le sens inverse du courant dominant : développée par le revenant Rob Thomas, le créateur de <em>Veronica Mars</em> à l?époque sur The WB, cette histoire de mort-vivante se mettant au service de la police est un régal de comédie noire, fraîche et rythmée.

Une chaîne de vieux ?

Plus geek, plus orientée séries de genre, la ligne éditoriale de la CW n?hésite plus à jouer de post-modernisme même dans ses soaps purs et durs. <em>Jane The Virgin</em> ne lésine pas sur les coucheries, secrets, trahisons, mais c?est aussi une comédie qui met habilement en abyme la télénovela dont l?héroïne est une inconditionnelle. Sans renoncer à son identité, The CW a su muter en douceur, mûrir en même temps que ses spectateurs. Si les jeunes nés dans les années 2000 sont sans doute  une cause perdue pour la télé, il s?agissait au moins de ne pas lâcher la génération précédente, celle qui regardait ado <em>Gossip Girl</em>. Aujourd?hui, la CW parvient à séduire les 18 et 35 ans, la cible préférée des annonceurs, et plus d?hommes. Cela ne signifie pas que la CW soit devenue une généraliste comme les autres et encore moins, une chaîne de vieux. Il y a de la marge. Elle affiche aujourd?hui un âge médian pour ses téléspectateurs de 35 ans, contre 55 ans pour les autres networks. Contrairement à ses concurrentes, elle a su gérer la migration inéluctable vers l?écran d?ordinateur et le smartphone en développant sans perdre de temps un site de streaming, CW Seed, et une appli (pour un âge médian qui descend là à 24 ans). Sur la saison 2014-2015, la télé de rattrapage représente 20 % des audiences totales de la chaîne. Et pour la toute première fois, on est bien obligé de l?admettre, on attend avec impatience une série frappée du logo The CW. Dévoilée aux upfronts, la grand-messe annuelle de présentation des grilles de rentrée, la bande-annonce de <em>Legends of Tomorrow</em>, nouveau spin-off d?<em>Arrow</em>, est un concentré de pop-culture ébouriffant : trois minutes trente de POW et de BAM convoquant <em>Rocketeer</em>, <em>Ant-Man</em>, <em>Les Quatre Fantastiques</em> et même <em>Doctor Who</em>. XOXO, nerds !

Après des années à draguer les teens, le plus petit des networks américains a compris que la cible ado n’étaient pas un marché d’avenir et a réussi sa mue. Avec The 100, The Flash ou Jane The Virgin, elle est en train de s’imposer chez les 18-35 sans se renier.Les chiffres sont parfois trompeurs. Comparés aux Big Four que sont NBC, CBS, ABC et Fox, The CW, cinquième chaîne nationale aux Etats-Unis, pourrait sembler définitivement décrochée. Le symbole que les ados, sa cible historique, ont bien déserté la télévision. Et pourtant, The CW se porte comme un charme. Elle n’a même jamais été en aussi bonne forme de toute son histoire avec des indicateurs en hausse dans quasiment tous les secteurs. La chaîne est encore jeune et n’a jamais représenté une menace pour la concurrence, cantonnée seule dans une sorte de Ligue 2 de la broadcast TV. Créée en 2006 de la fusion de deux antennes à fort tropisme adolescent, UPN et de The WB, elle aura longtemps traîné ce double héritage. Jusqu’à la fin des années 2000, The CW était une sorte de MTV propret, moyennement rock’n roll, où les jeunes Américains et surtout Américaines venaient chercher leur content de reines de promo, queen bitches et beaux garçons. Un marché de niche. Son programme-vitrine fut pendant 7 saisons Gossip Girl, portrait faussement vitriolé des cocottes blindées de l’Upper East Side. Aujourd’hui, la chaîne prospère avec des séries fantastiques un peu plus gritty et des héro(ïne)s moins vain(e)s : Vampire Diaries, The 100 ou les super-héros Arrow et The FlashGrégory Ledergue