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Le précédent film de Saïd Hamich Benlarbi, Retour à Bollène, durait à peine plus d’une heure et racontait quelques jours du voyage de retour d’un homme dans sa ville natale. Six ans plus tard, le cadre a explosé. La Mer au loin s’étale sur dix ans, de Paris au Maroc, et tient de la fresque à grande échelle. Bollène ou Paris, Vaucluse ou Méditerranée, même combat : il s’agit de voyager dans le temps et l’espace, aussi bien physique que mental, des exilés, d’où qu’ils viennent et surtout d’où ils se situent. Au tournant des années 90, Nour (Ayoub Gretaa, excellent), le trait d’union du film, débarque à Marseille sans papiers, avant de rencontrer un flic secrètement gay (Grégoire Colin, absolument fabuleux dans un rôle particulièrement casse-gueule) qui va le prendre sous son aile jusqu’au passage au siècle suivant. Malgré tout, il ne s’agit pas de « croiser l’intime avec le politique » ou de « raconter la grande histoire par la petite », pour utiliser des formules toutes faites. La référence avouée du réalisateur est L’Education sentimentale de Flaubert (grand pourfendeur de formules toutes faites, d’ailleurs) : on trouve effectivement dans La Mer au loin la même ampleur narrative pour raconter le désenchantement causé par le temps qui passe. La Mer au loin, c’est un super titre, mais comme la littérature romantique du 19ème siècle semble à la mode dans le cinéma français, le film aurait très bien pu s’appeler Illusions perdues. Mais il paraît que c’est déjà pris.