-
Les muses prennent le pouvoir. Au dernier Festival de Cannes, Hafsia Herzi présentait à la Semaine de la critique Tu mérites un amour, son premier long métrage de réalisatrice, où palpitait à chaque plan l’influence esthétique d’Abdellatif Kechiche, son pygmalion de La Graine et le Mulet. Et, toujours à Cannes, quelques dizaines de mètres plus loin, à Un certain regard, Monia Chokri dévoilait elle aussi son premier long, un récit initiatique dans la droite lignée des Amours imaginaires, le film de Xavier Dolan qui l’avait révélée en 2010. La Femme de mon frère est le portrait d’une jeune trentenaire surdiplômée (au chômage, donc), à la vie émotionnelle très agitée, dont le quotidien déraille quand son frère, avec qui elle entretenait jusque-là une relation fusionnelle, tombe amoureux de sa gynéco. À l’écran, les tribulations de ce ménage à trois prennent la forme d’un kaléidoscope coloré, au montage très clippesque, blindé de séquences musicales irrésistibles, porté par une énergie qui entend tout ravager sur son passage. Le côté « sous influence » du film n’est jamais dérangeant, au contraire : il résonne comme la revendication de l’appartenance à une école, à une génération – appelons ça la génération Dolan. Mais La Femme de mon frère ne serait pas grand-chose sans l’abattage et l’engagement burlesque d’Anne-Elisabeth Bossé (déjà croisée dans... Laurence Anyways !). Une vraie révélation. Qui sait ? Elle réalisera peut-être un jour des films influencés par ceux de Monia Chokri.