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Ryusuke Hamaguchi est un cinéaste japonais de 40 ans tout rond. Il y a un peu plus d’un an, rares étaient les cinéphiles à connaître son nom. Puis il y a eu l’emprise de Senses, œuvre fleuve de cinq heures autour de quatre jeunes femmes dans la tourmente. Dans la foulée, le sensible Asako I & II, présenté en compétition à Cannes, venait enfoncer le clou d’un cinéaste très vite décoré d’influences plus ou moins revendiquées : Kiyoshi Kurosawa pour le fantastique doux, Rohmer et sa vitalité intellectuelle et enfin Ozu, parce qu’aussi sûr qu’un jeune auteur suédois doit se réclamer de Bergman, un Nippon débutant doit forcément avoir le goût du saké ! Passion vient presque remettre les choses à l’endroit, et permettre une émancipation possible. Car si Senses et Asako avaient des racines, elles se trouvaient dans ce film de fin d’études que le cinéaste a tourné en 2008 et qui sort en salles onze ans après. On suit quelques heures de la vie de trois trentenaires en pleine crise des sentiments. Tout est déjà là : la force d’une mise en scène dont la précision aussi invisible qu’implacable empêche les personnages de se dérober (dans la dernière partie, un plan séquence de onze minutes est déjà à ranger sur les étagères !), une interprétation sans apprêt au charme évident et un scénario ludique qui épuise chaque situation pour mieux la renverser ou éprouver la solidité des émotions qui s’y rattachent. Bref, c’est un complet ravissement. Hamaguchi a 40 ans et donc toute une œuvre à venir. Joie cinéphile !