Suite et fin des aventures des pirates de l’espace. Emotion, musique et bastons intergalactiques. Le meilleur Marvel récent ?
Mise à jour du 5 janvier 2024 : 2023 a été une année très difficile pour Marvel et les films de super-héros en général. Un marasme où Les Gardiens de la Galaxie vol. 3 a su tirer son épingle du jeu, s'imposant comme un succès critique et public, avec 845 millions de dollars de recettes dans le monde. James Gunn, désormais à la tête de DC Studios, a réussi sa sortie.
La conclusion de la trilogie est diffusée ce vendredi à 21h10 sur Canal Plus (et déjà disponible sur MyCanal). Et elle avait conquis la rédaction de première lors de sa sortie au cinéma, en mai dernier.
Article publié le 3 mai 2023 : Qui en 2014, aurait parié sur Les Gardiens de la Galaxie ? Et pourtant : il y a 9 ans, l'histoire de Peter Quill (Chris Pratt), aventurier frimeur et voleur marlou, traqué par la moitié de la galaxie, s'était imposée comme le film le plus inventif, le plus séduisant et un bastion d'effronterie au sein d'un MCU guindé qui commençait
progressivement à perdre sa boussole et son mojo. Rocket Raccoon, le raton laveur soupe au lait, Groot, l'arbre monosyllabique, Drax, l'arme fatale au gabarit de catcheur et à la subtilité d'une boite au lettre, les talents létaux de Gamora qui changeaient agréablement du sexisme habituel des superproductions hollywoodiennes... toute cette équipe B dont on n'attendait pas grand chose s'illustrait dans un film qui réussissait à faire souffler une brise d'insolence et de fraîcheur sur l'industrie super-héroïque.
Le charme irrésistible de la saga (avec ses hauts et ses bas - le volume 2 étant tout de même une grosse meringue digitale) tient moins à la mécanique des rebondissements qu'à la débauche d'imagination qui forme l'étoffe de ces Gardiens. Et à ses cinq héros (sept, si l'on rajoute Mantis et Nebula) affirmant au fil du temps leur individualité en deux temps trois mouvements (ou coups poings) mais surtout formant un collectif soudé et joyeusement libre.
Après un premier volet surprenant, un deuxième trop gras et paresseux donc, et un spécial Noël amusant, voilà le troisième et dernier épisode. Et c'est peu dire qu'on revient de loin. James Gunn surtout. Après le volume 2, le cinéaste issu de la série Z avait en effet été débarqué de Marvel pour de vieux tweets vulgaires et
outranciers exhumés vraisemblablement par l'alt right. Passé à la concurrence (DC Comics pour le très amusant et très libre The Suicide Squad), Gunn avait finalement été réintégré chez l'Oncle Walt pour finir sa trilogie.
Lorsque ce volume 3 commence, les Gardiens sont lessivés. Surtout Peter Quill dévasté par la mort de Gamora (une référence à Avengers : Infinity Wars) remplacée ici par une version alternative n'ayant aucun souvenir du passé. Au bout de quelques minutes, Warlock, un superhéros visiblement indestructible, débarque sans crier gare sur leur planète et tente en vain d'enlever Rocket. Il le laisse quasiment mort et ses amis vont tout faire pour le sauver. Ils vont surtout découvrir que leur compagnon à fourrure a été génétiquement modifié par le Maître de l'Evolution (Chukwudi Iwuji) qui l'avait utilisé pour développer une race de surhomme destiné à peupler la Contre-Terre...
Comme nous avait prévenu James Gunn, ce volume 3 est donc bien centré sur le personnage de Rocket Raccoon. La menace n'est plus galactique, elle est vitale et personnelle. Le compte à rebours a commencé. Il faut sauver Rocket. Et tous les flashbacks qui permettent de comprendre son origine sont fantastiques, souvent poignants. On pense souvent à la qualité d'émotion d'un Pixar dans ces passages - et pas seulement parce que les séquences évoquent les tortures que fait subir Syd aux jouets dans Toy Story ou les traumas du personnage de Lotso dans Toy Story 3.
Mais au-delà de cette sous-intrigue essentielle, la grande qualité du film tient dans les liens et les motivations de chaque membre du groupe. Les Gardiens restent une équipe de héros imparfaits, cassés, drivés par leur douleur et leurs cicatrices intérieures. Elles ressortent ici davantage que d'habitude, d'autant plus qu'ils sont confrontés à un méchant qui, dans un grand délire eugéniste, veut créer une race d'êtres sans défaut. La rage de Gamora, littéralement scindée en deux, tentant de réunir ses personnalités explosées ; le désarroi de Star-Lord dévoré par la solitude ; la colère de Nebula désarmée face à la perte de cohésion du groupe... tous sont perdus et leur odyssée pour sauver Rocket va leur permettre de faire la paix avec eux-mêmes et surtout de retisser les liens de leur bande de parias. Etonnamment, le vrai voleur de scène, s'avère être Drax, qui lui n'a aucun surmoi. Hilarant, avec un timing comique implacable, Dave Bautista est l'autre arme fatale du film. Violent et peu sentimental, il finira même par devenir le chouchou des enfants, dans une référence évidente au Toshiro Mifune des Sept samouraïs.
Tout cela est donc très réussi. Mais devant ce volume 3, la vraie question que se l'on se pose est : à quoi tient le pouvoir de James Gunn ? Comment ce type réussit-il précisément là où ses copains de promo échouent tous ces temps-ci ? Parce qu’au fond, sur le papier, Les Gardiens 3 n’est pas bien différent du Ant-Man 3 de
Peyton Reed. Le multivers infiniment petit de l’homme-fourmi a laissé place à l’espace infini des rufians spatiaux. Mais dans les deux cas, les héros avancent dans un univers mi-organique mi-techno, un no man’s land traversé de lumières fuschia et de créatures moches, bizarres ou les deux. Si dans Ant-Man la nuée de pixels et l’orgie visuelle finissait par trahir quelque chose de mortifère, Gunn rend son trip toujours joyeux et créatif. Des stations spatiales qui ressemblent à des intestins ; des chauves-souris affolées ; un triton du clan des Ravageurs qui communique avec des emojis ? Tout cela est bien là et parfaitement réjouissant.
Venant de la série Z et du punk, Gunn explose son horizon graphique improbable sur le mur lisse des superproductions Marvel. Et son délire est contagieux. Certes, il y a quelques passages à vide, l'ensemble est trop long et certaines scènes d'actions baclées sont illisibles, mais l'amour de Gunn pour ses personnages, ses trouvailles visuelles, montrent que, en glissant dans les interstices du cahier des charges MCU et des scènes de baston programmatiques de l’humour, du trash, de l’émotion et de la pop vintage, il est possible de faire courir un souffle pirate sur le film de superhéros.
On quitte la salle avec deux regrets : abandonner les Gardiens pour de bon (mais en est-on si sûr ?) et laisser partir Gunn pour le DCU.
Les Gardiens de la galaxie Vol. 3, au cinéma depuis le 3 mai.
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