Ce premier film sulfureux d'Eva Husson a divisé la critique de Première. Pour ou contre Bang Gang ? A vous de choisir.
Pour
Sous-titré une histoire d’amour moderne, Bang Gang montre ce qui arrive lorsque, en l’absence de repères et d’autorité, des jeunes pas encore adultes expérimentent un nouveau mode de vie hédoniste. Autrement dit, ils partouzent à répétition jusqu’à ce que, les conséquences se faisant sentir, ils en tirent les leçons dans des domaines variés : sanitaire, psychologique, affectif. C’est donc un film moral, si on le prend au sens étymologique de ce qui relève des mœurs, c’est à dire de ce qui se pratique à un moment donné, soit une notion par nature variable et en perpétuel changement. Et c’est la principale qualité du film que de proposer non pas un code de savoir-vivre, mais une base de réflexion qui s’adresse à chacun : qu’est-ce que vous auriez fait ?
Juste équilibre
Le film est fragile dans le sens où il peut induire en erreur sur ses intentions : il ne faut pas le prendre pour ce qu’il n’est pas. Et c’est parfois difficile, parce que pendant un bon moment, on se demande où il veut en venir, au fil de ce qui finit par ressembler à une très longue exposition. L’impression est accentuée par l’absence de commentaires et la juxtaposition des points de vue : il n’y a pas de personnage principal, pas plus que de bon(ne) ou de méchant(e). Le récit passe de l’un(e) à l’autre, déjouant les conventions classiques. Si bien que, lorsqu’un des rares adultes finit par donner son avis (« ça ne me dérange pas que vous alliez baiser à droite et à gauche, mais je regrette simplement que ça débouche sur des relations de merde ») on peut être tenté de réduire le film à une fable dont la morale reviendrait aux adultes. En fait, Bang Gang n’appartient ni aux uns ni aux autres, mais il invite tout le monde à réfléchir.
A travers un cas isolé, volontairement exagéré, impossible à généraliser (même s’il est inspiré d’une histoire vraie), il met en lumière l’extrême vulnérabilité d’une jeunesse inexpérimentée face à certaines situations, alors que dans d’autres circonstances, elle est infiniment plus libre et protégée que les générations précédentes (une injection d’antibiotique suffit pour soigner une MST). Ce premier long métrage d’Eva Husson est aussi bien senti que pensé. Si la réalisatrice avait dû se préoccuper de réalisme ou de vraisemblance, il lui aurait fallu rallonger son film d’au moins une heure. Là, elle a trouvé un équilibre très juste entre sujet et stylisation, entre la fin et les moyens. De la photo atmosphérique à la direction d’acteurs en passant par l’utilisation de la musique, souvent en contrepoint, elle révèle un vrai tempérament de cinéaste.
Gérard Delorme
Contre
Le voilà donc le film qui a "électrisé le festival de Toronto", pour reprendre certains titres de presse. Le verbe "allumé" aurait été plus approprié. Car Bang Gang, portrait de l’adolescence vu à travers le prisme d’un érotisme débridé (par dépit amoureux, une jeune fille invente des jeux sexuels collectifs sur fond de coke et d’alcool), ne tient pas les promesses de son pitch provocateur.
Ecrans de fumée
Tout commence pourtant bien dans ce faux teen movie construit sur l’opposition classique entre deux meilleures copines que l’attraction pour le même garçon conduit au clash. Le film opère alors un premier virage : l’histoire de George (comme Sand) et de Laetitia devient uniquement celle de George, la blonde plus fragile qu’il y paraît. Ce glissement de point de vue, qui s’ajuste sur celui de la personnalité de l’héroïne, apparaît vite fabriqué en dépit des écrans de fumée que l’érotisme, la débauche et la musique (très bonne) projettent dessus. Il nécessite notamment des scènes explicatives dont on se serait passé et qui retirent toute crédibilité à un projet moins elliptique et mystérieux que prévu.
Le pire reste à venir : le dernier acte, moralisateur au possible, fait s’écrouler un peu plus le film sur lui-même, comme si la réalisatrice, effrayée par tant d’audace, se devait de remettre de l’ordre dans le chaos qu’elle avait instauré. Définitivement le signe du faux film provocateur à pitch qui est la plaie d’un certain cinéma d’auteur français.
Christophe Narbonne
Bang Gang, une histoire d'amour moderne d'Eva Husson avec Finnegan Oldfield, Marilyn Lima, Daisy Boom sort en salles le 13 janvier
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