Affiches Films à l'affiche semaine du 26 février 2025
Pan Distribution/ Ad Vitam/ Disney

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
QUEER ★★☆☆☆

De Luca Guadagnino

L’essentiel

Après le frénétique Challengers, Guadagnino décélère avec une adaptation biscornue du roman Queer, qui déploie son lyrisme bien trop tardivement.

Luca Guadagnino porte à l’écran le Queer de William Burroughs, récit des errances homosexuelles d’un Américain dans le Mexico des années 50 alors qu’il s’éprend d’un jeune apollon nommé Allerton. Mais ni l’esthétique léchée, ni la déchirante musique de Trent Reznor et Atticus Ross, ni l’interprétation d’un Daniel Craig troublant de langueur et du magnétique Drew Starkey ne parviennent à sauver la narration paralysée par son propre chapitrage disparate. Il faudra attendre la dernière ligne droite chapitre pour que la magie opère : Lee et Allerton s'engouffrent dans la jungle à la recherche du yagé, une préparation hallucinogène, et s’adonnent à un intense rituel où les corps et les esprits fusionnent pour ne faire qu’un. Une séquence onirique qui teinte le reste du film d’une atmosphère aux accents surréalistes. Si seulement Guadagnino avait su s’y aventurer plus tôt.   

Lucie Chiquer

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PREMIÈRE A BEAUCOUP AIME

BECOMING LED ZEPPELIN ★★★★☆

De Bernard MacMahon

Becoming Led Zeppelin se concentre sur la formation du légendaire groupe de rock britannique, de la rigoureuse constitution de ce gang de musiciens surdoués par le chef d’orchestre Jimmy Page à sa mise sur orbite, en 1969. Un rockumentaire de premier ordre où Bernard MacMahon n’a qu’une chose en tête : la musique. La faire entendre et la faire comprendre. Son film raconte en détail la « vision » de Page, ses rêves d’épopée électrique. Les trois survivants du groupe témoignent, avec une classe et d’une intelligence folles, mais c’est surtout l’utilisation des archives, précise, minutieuse, qui frappe. Les séquences live sélectionnées par MacMahon coupent le souffle et le film parvient à nous faire ressentir la stupeur qui saisit le monde à l’écoute de cet ahurissant déferlement de fureur sonique.

Frédéric Foubert

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CRONOS ★★★★☆

De Guillermo del Toro

Présenté au Festival de Cannes 1993, ce premier long métrage de Guillermo Del Toro sur la quête de la jeunesse éternelle via un artefact alchimique buveur de sang trouve enfin le chemin du grand écran en France. Et même si ce n’est pas le meilleur film du Mexicain, on y trouve déjà tout ce qui le travaille, avec un charme entêtant : les bricolages, les litres de sang, le Pulp à la Lovecraft, les éclats façon Hammer tardif, et même Ron Perlman. En attendant son Frankenstein (avec Jacob Elordi) prévu sur Netflix en 2025, on ne refuse pas de s’y replonger…

Sylvestre Picard

MAMAN DECHIRE ★★★★☆

De Emilie Brisavoine

Déjà réalisatrice en 2015 d’un épatant portrait de sa demi-sœur avec Pauline s’arrache, Émilie Brisavoine franchit un nouveau cap iconoclaste dans le documentaire familial en consacrant un film à sa mère, avec qui la réalisatrice entretient des rapports complexes. Tour à tour figure punk, maman fuyante ou esprit tendrement mystique, cette mère haute en couleurs apparaît comme un fascinant personnage. Mais la force du récit découle surtout de la façon dont Émilie Brisavoine met en scène ses propres états d’âme, au point que la psyché de la cinéaste confère au film une forme mouvante et parfois très drôle. Entre discussions Skype ou consultations de voyantes en visio, les écrans deviennent ici aussi imprévisibles que les oscillations de cette relation mère-fille. Et Brisavoine atteint au final une poignante émotion universelle qui rappelle que les conflits familiaux n’empêchent en rien une pleine réalisation de soi.

Damien Leblanc

 

PREMIÈRE A AIME

A BICYCLETTE ! ★★★☆☆

De Mathias Mlekuz

A bicyclette ! naît d’une tragédie intime, de la plus insoutenable de toutes. Le suicide de son enfant. Un drame vécu par Mathias Mlekuz qui décide alors d’entreprendre le même voyage à vélo de La Rochelle à Istanbul – où il s’est donné la mort – que son fils Youri quatre ans plus tôt. Et d’embarquer avec lui son ami Philippe Rebbot qui lui glisse l’idée d’en faire un film… qui va se construire au fil du trajet. Comment faire de ce deuil intime une oeuvre universelle ? Et comment ne pas basculer dans le mélo lacrymal ? C’est ce double prodige que réussit ici Mlekuz. Il y a tout à la fois de la dignité, du burlesque et de la profondeur dans A bicyclette !. Une sensibilité qui ne verse jamais dans la sensiblerie en se maintenant toujours sur ce fil ténu entre documentaire et fiction. Une capacité à rendre les personnages attachants sans en faire des anges. Tout n’est pas parfait. Quelques ventres mous, une réalisation qui souffre parfois de ce parti pris d’improvisation reine… Sauf que ces imperfections nourrissent le film et le rendent encore plus attachant.

Thierry Cheze

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A REAL PAIN ★★★☆☆

De Jesse Eisenberg

Jesse Eisenberg (devant et derrière la caméra donc) et Kieran Culkin incarnent David et Benji, deux cousins qui s’envolent pour Varsovie afin de participer à une excursion sur la Shoah en hommage à leur grand-mère issue de l’immigration polonaise. Se succèdent alors des visites de monuments mémoriaux et discussions anodines, surmontées ici et là de bonheurs simples : se faufiler sur un toit, fumer du cannabis, frauder dans le train, errer dans les rues... Un film épuré à la tonalité européenne, qui se repose essentiellement sur la dynamique antagonique qui circule entre les deux acteurs sensationnels. L’irritable Eisenberg, dépourvu d’estime de lui et terrifié par la spontanéité, face à l’insouciant Culkin, électron libre charismatique dont la témérité dissimule un profond mal être. Cette dualité se poursuit dans le propos même du film, qui navigue entre le devoir de mémoire collective tout en mettant un point d'honneur à célébrer l’individualité de chacun. Mais toujours avec un seul sujet en toile de fond : celui de la souffrance, et de la parole qui en cautérise les plaies.

Lucie Chiquer

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CREATION OF THE GODS II : DEMON FORCE ★★★☆☆

De Wuershan

Nous avons tenté pour vous une expérience intéressante : voir Creation of the Gods 2 sans avoir vu le premier. Et, miracle, ça passe ! Bon, mieux vaut avoir de l’appétit pour les grandes fresques de fantasy pleines de batailles rangées et de superpouvoirs, mais dans le genre, Demon Force assure. Blockbuster chinois avec les travers (nationalisme naïf) et qualités (générosité visuelle et rythmique) habituels, Creation of the Gods raconte les combats entre nobles tourmentés, sorciers immortels et créatures variées (il y a même des géants, dont un qui manie le « Parapluie du chaos »). Si le film, pur divertissement, ne cherche ni le vertige ni le choc visuels, et même si sa mythologie est moins puissante que celle de, au pif, Princesse Mononoké (une simple question de rapport au vivant : crucial chez Miyazaki, secondaire chez Demon Force), le prix du billet est largement remboursé.

Sylvestre Picard

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YOKAI- LE MONDE DES ESPRITS ★★★☆☆

De Eric Khoo

Le cinéma voit par essence des morts partout. Filmer c’est capturer le mouvement de marionnettes, spectres d’un monde illusoire qui à l’apparence du notre. L’héroïne de cette histoire, une chanteuse française (Catherine Deneuve) arrive au Japon pour un ultime concert. La voilà loin de ses bases dans un pays qui a cependant laissé des traces en elle. Un soir, seule au bar, elle s’envoie goulument des sakés et s’effondre. Morte. Cette disparition n’empêche pas sa présence, celle de son âme qui erre, invisible au monde des vivants mais pas du cinéma (qui voit donc des morts partout) Avec une rigueur formelle en tout point sublime, Eric Khoo (La saveur des ramen) fait gracieusement cohabiter les âmes et les corps. Deneuve, adepte de la distanciation, habite ce film avec élégance et humour. « Peut-être que mourir seule au Japon, c’est pas mal après tout ! » Yōkai est un road-trip mélancolique qui abolit la distance infernale entre apparitions et disparitions. Beau geste.

Thomas Baurez

BONJOUR L’ASILE ★★★☆☆

De Judith Davis

Dès sa première réalisation Tout ce qu’il me reste de la révolution (2019), Judith Davis a su imposer son style personnel : proposer du cinéma de troupe, engagé, continuation directe de ce qu'elle développe sur la scène avec son collectif, l'Avantage du doute. Bonjour l'asile poursuit cette démarche, offrant des rôles sur mesure à ses comédiens fidèles (Claire Dumas, Maxence Tual, Simon Bakhouche... tous parfaits dans leurs registres respectifs). A la manière de Fleabag, elle brasse de multiples thématiques de la vie quotidienne et détourne les clichés pour montrer qu'au fond tout est lié : impossible de réaliser ses idéaux féministes ou ses ambitions de carrière sans les lier à l'écologie ou la vie de couple. Parfois bancal à force de vouloir trop en dire, c'est un film plein de colère (saine), qui parvient à rire des travers de nos sociétés modernes tout en les dénonçant avec force.

Elodie Bardinet

L’ENIGME VELAZQUEZ ★★★☆☆

De Stéphane Sorlat

Peintre de la difformité, du réalisme transcendantal et du regard sublimé, Diego Velazquez (1599 – 1660), comme tous les grands maîtres, échappe à toute définition. C’est ce mystère qui guide ce film de Stéphane Sorlat et en dessine les contours quitte à nous laisser exsangue devant l’immensité du tableau. La voix profonde de Vincent Lindon s’insinue dans les entrailles d’une étude comme un rappel à l’ordre : « La vérité, la personnalité…, c’est là tout le dogme de l’art moderne dont l’origine est Velasquez. » La caméra caresse les toiles, isole des détails, des experts exultent leur amour. Velazquez, lui, reste cette insondable présence au cœur de ses Ménines dont le regard au-delà de la toile est autant une invite à s’engouffrer dans les méandres de l’univers représenté qu’une façon de garder son secret. Parce que l’énigme reste pleine et entière, qu’aucun discours sentencieux ne vient la salir, le présent documentaire restitue paradoxalement toute la portée du génie.

Thomas Baurez

TO THE NORTH ★★★☆☆

De Mihai Mincan

1996, en pleine mer. Joël, marin philippin, découvre Dimitru, un jeune Roumain passager clandestin d’un porte-conteneurs taïwanais. S'il est repéré par les officiers, Dumitru sera à coup sûr balancé par-dessus bord. Joël décide alors de le cacher, au péril de sa propre vie… Gros plans sur les visages, suspense fou, sensation d’étouffement : pas d’issue possible dans ce huis clos inspiré d’une histoire vraie. Le film assume un rythme tour à tour engourdi et fulgurant, soit autant de virages pas faciles à négocier. Mais To the North garde le cap, jouant le drame humain autant que le survival dans une sorte de fable universelle (on pourrait transposer l’histoire ailleurs, le film fonctionnerait certainement aussi bien) sur le pouvoir et la justice. Qui est un héros, un prédateur ou une victime ? Les rôles sont mouvants, et la morale tangue autant que le bateau qui transporte ces âmes perdues.

François Léger

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PREMIÈRE N’A PAS AIME

LA VIE DEVANT MOI ★☆☆☆☆

De Nils Tavernier

Nils Tavernier porte à l’écran l’histoire vécue par Tauba Zylbersztejn, la mère du journaliste Guy Birenbaum (qui en co- signé le scénario), pendant la seconde guerre mondiale. Où, alors adolescente, elle échappa de justesse avec ses parents à la Rafle du Vel d’Hiv juste avant qu’un couple parisien leur propose de les cacher dans un minuscule débarras de leur immeuble, sous les toits, le temps que les choses se calment. Une planque qui aurait dû être temporaire mais s’éternisera pendant près de deux ans. Deux années d’une vie de reclus avec la crainte d’être dénoncés et déportés à tout moment. Cette histoire avait déjà donné lieu à un documentaire remarquable, Les Enfants du 209 rue Saint Maur Paris Xème, signé par Ruth Zylberman. Et on peine à voir ce qu’apporte la fiction. Bien au contraire. Car en dépit d’une distribution sans faute (Adeline d’Hermy et Guillaume Gallienne en tête), Nils Tavernier ne trouve jamais comment faire vivre ce huis clos éprouvant, à cause d'une mise en scène souvent ampoulée et trop banalement illustrative. Une sensation de théâtre (maladroitement) filmé qui ne rend pas grâce à la puissance du propos.

Thierry Cheze

 

Et aussi

Vaterland, de Barbara Hutt

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