Emilia Pérez aux Oscars : Netflix se désolidarise de Karla Sofia Gascón

Ecartée des cérémonies hollywoodiennes de cette semaine, si l'actrice veut se rendre à la cérémonie, ce sera par ses propres moyens...

Depuis que d'anciens messages postés sur les réseaux, jugés racistes, ont été exhumés par la presse américaine, l'actrice d'Emilia Pérez est dans la tourmente. Karla Sofia Gascón a présenté ses excuses publiques, mais elle semble loin d'être sortie d'affaire. Première actrice transgenre à être nommée pour un prix d'interprétation aux Oscars, sa sélection avait fait sensation, mais la statuette de la meilleure actrice est-elle définitivement en train de lui échapper ?

Hier, The Hollywood Reporter expliquait que Netflix, qui distribue la comédie musicale de Jacques Audiard aux Etats-Unis, ne veut plus qu'elle assiste aux événements pré-Oscars prévus de jeudi à dimanche. Elle était censée prendre l'avion aux frais du studio depuis l'Espagne pour assister au repas des AFI Awards, puis aux Critics Choice Awards, aux Directors Guild Awards et enfin aux Producers Guild Awards. Le magazine américain expliquait que l'équipe du film sera plutôt représentée par ses coéquipières Zoe Saldaña et/ou Selena Gomez.

Variety va plus loin en détaillant que Netflix "prend ses distances pour essayer de sauver les chances d'Emilia Pérez aux Oscars." Cela ne signifie pas qu'elle se retire elle-même de la course, mais qu'elle n'est plus soutenue par le distributeur du film. Il est ainsi précisé que "Netflix et son agence, The Lede Company (la même que sa partenaire de jeu Saldaña), ne veulent plus échanger avec Gascón en personne, mais ne communiquent plus que par son représentant de United Talent Agency, Jeremy Barber. Des sources nous disent aussi que le service de streaming ne veut plus couvrir ses dépenses de voyage pour les différentes cérémonies, ni la location de ses vêtements et accessoires pour assister à ces mêmes événements."

En clair, si Karla Sofía Gascón veut assister aux Oscars, elle devra tout payer de sa poche. L'article rappelle alors qu'elle reste invitée par l'Académie, et pourrait donc se rendre à la cérémonie du 2 mars prochain, mais ajoute qu'elle ne pourra peut-être pas le faire, n'étant pas aussi riche que ses partenaires de jeu : "Elle a été payée autour de 100 000 euros pour son rôle dans Emilia Pérez", est-il précisé. "Sa présence aux Oscars pourrait éclipser celle des autres nommés dans les 23 catégories, considèrent-ils aussi. Et elle pourrait donner des interviews imprévisibles sur le tapis rouge."

Ce scandale pourrait-il impacter plus généralement le succès d'Emilia Pérez aux Oscars ? Rappelons que le film partait favori avec 13 nominations, dont meilleur film, meilleure réalisation, meilleure actrice dans un second rôle (Zoe Saldaña) et meilleure chanson originale ("El Mal"). Il paraît difficile d'écarter complètement sa comédienne principale de l'équation, tant Gason est au cœur de l'intrigue, mais c'est bien ce que tente de faire Netflix : la dernière publicité "For Your Consideration" publiée dans les magazines hollywoodiens pour le film, ce lundi, ne montre pas la comédienne et ne la nomme pas non plus malgré sa sélection parmi les meilleures actrices. Et sur la page officielle Netflix Awards, c'est un portrait de Zoe qui est mis en avant -voir l'illustration en haut de l'article.

Pour Variety, "Saldaña et le film en lui même ont toujours été vus comme des candidats plus forts que Gascon, à qui on prédisait une défaite face à Demi Moore pour The Substance dans sa catégorie, et ce avant même que ce scandale n'éclate." Rappelons qu'elles ont toutes les deux gagné un Golden Globe, mais pas dans les mêmes catégories, cette cérémonie faisant une distinction entre les drames et les comédies/comédies musicales.

Dans l'histoire des Oscars, des films ont reçu le prix principal malgré des polémiques, comme Green Book, par exemple. En 2019, cette oeuvre de Peter Farrelly a reçu la statuette du meilleur film après que le réalisateur se soit excusé d'avoir montré ses parties génitales à des acteurs en début de carrière, que le co-scénariste Nick Vallelonga ait partagé une théorie du complot de Donald Trump ou que Viggo Mortensen ait utilisé le "n-word" en promo.

La comédienne a-t-elle été prise pour cible parce qu'elle est la première femme transgenre nommée parmi les actrices ? La remontée des anciens tweets de Karla Sofía Gascón peut cacher une campagne de dénigrement de comptes d'extrême droite, comme ce fut le cas pour James Gunn, par exemple, viré de la saga Les Gardiens de la Galaxie suite à des mauvaises blagues ressorties des années après leur mise en ligne. Le studio avait vite réagi en le licenciant, avant de faire machine arrière devant le soutien de ses fans et des acteurs de la franchise, et de le réembaucher pour le troisième volet de la saga héroïque.

La comédienne phare d'Emilia Pérez se défend seule, pour le moment. Elle a écrit ouvertement aux médias les plus influents d'Hollywood pour faire en sorte que sa parole compte : "Je ne peux pas renoncer à une nomination aux Oscars, a-t-elle d'abord réagi sur CNN. Je n’ai commis aucun crime ni fait de mal à qui que ce soit. Je ne suis ni raciste ni rien de ce que toutes ces personnes essaient de faire croire aux autres !"

"Ils veulent me soumettre à la Cancel Culture, a-t-elle écrit sur Instagram en taguant, entre autres, Variety. Je demande aux experts d'Hollywood, aux journalistes qui me connaissent et ont suivi ma carrière — Comment puis-je avancer ?"

Voici la bande-annonce d'Emilia Pérez, qui est aussi en lice pour les César 2025 :