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Ça y est, c’est la fin. Avec Aquaman et le Royaume perdu, Warner Bros. ferme un chapitre erratique de son histoire, une parenthèse super-héroïque de dix ans durant laquelle le studio aura tenté de concurrencer Marvel en créant son propre univers partagé (James Gunn remettra les compteurs à zéro en 2025 avec un nouveau Superman). N’attendez pas de fanfare ou de feux d’artifice : la firme de Burbank a décidé de balancer Aquaman 2 dans les salles avec une promo minimaliste et sans le montrer à la presse en amont. Précédé de rumeurs persistantes de tournage chaotique, de projections test catastrophiques et de reshoots en pagaille, cet ultime volet du DCEU est-il vraiment la catastrophe annoncée ? C’est (un tout petit peu) plus compliqué que ça.
Après un résumé synthétique de ce qui s’est déroulé hors écran depuis le premier Aquaman (Arthur Curry tente d’assumer à la fois son rôle de roi de l’Atlantide et celui de père), James Wan plante les graines d’un grand film d’aventures avec une dizaine de minutes d’exploration sous l’Antarctique, où se cache le fameux Royaume perdu. Convoquant à la fois Jules Verne et Lovecraft, le cinéaste impose un univers mystérieux et inquiétant, bardé d’idées steampunk, de monstres mythologiques et d’anciennes malédictions. Il est évident que c’est ce film-là, sorte Vingt Mille Lieues sous les mers teinté d’horreur, que Wan tient vraiment à réaliser.
Malheureusement, il ne repointera le bout de son nez que trop furtivement, cannibalisé par le personnage d’Aquaman, toujours aussi creux et sous-incarné par Jason Momoa. Pris en étau entre ses ambitions et le cahier des charges qu’on lui impose, Wan ne sait plus vraiment ce qu’il filme et tente de transformer le projet en « water opera », sorte de Star Wars sous l’eau complètement bordélique, bourré ras la gueule d’effets spéciaux numériques hideux. Ces passages existent eux aussi dans un entre-deux, à la fois assez embarrassants et vaguement rigolos.
James Wan doit également composer avec un scénario insensé, visiblement réécrit en cours de production : on nous trimballe d’une scène à l’autre sans autre forme de procès, entre une histoire de trident magique volé par Black Manta (Yahya Abdul-Mateen II), de carburant antique qui réchauffe la planète (le message écolo du film est si premier degré qu’il en devient ridicule) et de fratrie forcée de travailler ensemble pour sauver le monde (merci à Patrick Wilson de rehausser drastiquement le niveau de jeu). Il ne reste là-dedans que très peu de place pour les personnages secondaires, Amber Heard et Nicole Kidman n’apparaissant pas plus de cinq minutes. À se demander pourquoi on leur a demandé de revenir.
Pour autant, si Aquaman 2 ressemble à un monstre de Frankenstein fonçant constamment dans le mur tête la première, il le fait avec un certain panache et un rythme ahurissant. C’est souvent consternant (notamment la scène finale qui fait référence à la conclusion d’Iron Man pour on ne sait quelle raison) mais il est rigoureusement impossible de s’ennuyer face à ce spectacle bizarroïde. Ce qui a le mérite d’être déjà beaucoup plus que ce qu’on en attendait.