Le créateur anglais n'en a pas encore fini avec la vie mouvementée de Tommy Shelby, mais déjà, il s'attaque à une nouvelle histoire vraie et à un autre gang anglais, dans cette nouvelle série à voir sur Disney +. Rencontre.
C'est l'un des créateurs les plus en vue du XXIe siècle. Co-inventeur de Qui veut gagner des Millions, scénariste des Promesses de l'ombre (2007), réalisateur de Locke (2013), et surtout auteur de l'énorme succès Peaky Blinders - qui se poursuivra bientôt au cinéma - Steven Knight aime toucher à tout. Et même si son film Star Wars ne verra finalement pas le jour, il nous revient chez Disney cette semaine, avec une toute nouvelle série, à voir sur Disney Plus. Un nouveau gang dans une nouvelle ville, pour A Thousand Blows, qui suivra les voleuses des « Forty Elephants » dans le quartier fourmillant de l'East End de Londres, à la fin des années 1880. Une nouvelle histoire vraie, une nouvelle histoire choc. Steven Knight nous dit tout.
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PREMIÈRE : Vous aimez beaucoup les histoires vraies et pourtant vous n'aimez pas qu'on dise que vous écrivez des biopic...
STEVEN KNIGHT : Le but d'une série, ou d'un film, c'est justement d'imaginer. De remplir les blancs. Du coup, comme pour Maria (de Pablo Larrain, dont il est scénariste, NDLR), je n'aime pas parler de biopic, parce que ça renvoie à une biographie, comme une bible relatant toute la vie d'une personne. Ce qui peut fonctionner dans un livre. Mais on ne peut pas faire ça à l'écran. Il n'y a pas cette ambition de tout dire. Juste, on prend un instantané d'une vie, qui, on l'espère, saura capturer l'essence de la vie en question. Du coup, je préfère dire que j'écris des portraits.
A Thousand Blows raconte l’histoire du gang des filles des « Forty Elephants ». Diriez-vous qu’il s’agit d’un Peaky Blinders au féminin ?
À cette époque, au tournant du XXe siècle, il y avait beaucoup de gangs qui sévissaient un peu partout en Grande-Bretagne. Que ce soit à Londres, à Birmingham, mais aussi à Manchester. Aussi à Paris d'ailleurs ! La situation était assez similaire en France. Ces gangs aimaient bien se donner un nom. Et bien sûr, ils trouvaient des noms très cool, très engageants, genre les « Peaky Blinders » ou les « Forty Elephants ». Les filles des « Forty Elephants » se sont appelées ainsi parce qu'elles allaient braquer les grands magasins de l'ouest londonien, comme Harrods, et lorsqu'elles repartaient, elles avaient tellement de robes et de manteaux sur elles qu'elles ressemblaient à des éléphants. Et puis elles avaient recours à plein de subterfuges ingénieux. Dans le premier épisode, on montre Mary Carr, qui fait semblant d'accoucher en pleine rue, pour que ses complices fassent les poches des passants. Tout ça est vrai ! Elles ont fait ça.
"Elles ont moins recours à la force brute pour arriver à leurs fins"
C'est quoi la grosse différence entre elles et les Peaky Blinders ?
Je crois qu'elles sont un peu plus rusées. Elles sont certainement plus astucieuses, et ont moins recours à la force brute pour arriver à leurs fins. Sur la base des articles de presse de l'époque, j'ai pu me faire une petite idée de qui elles étaient. La nature des crimes qu'elles commettaient était vraiment très différente. Les « Forty Elephants » ne faisaient pas dans le chantage ou l'extorsion. Elles étaient plutôt du genre à duper. Elles étaient des voleuses, moins des tueuses. Même si parfois...
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La reconstitution historique est encore spectaculaire. Est-ce un aspect fondamental pour une série comme A Thousand Blows, comme c’était le cas pour Peaky Blinders ?
Le budget qu'on avait pour faire A Thousand Blows était vraiment important, donc on a pu refaire le Londres de la fin des années 1880. Et il y a une vieille brasserie abandonnée au bord de la Tamise, à Londres, qui fait un parfait décor industriel. Tout est resté en l'état depuis les années 1900. L'endroit existe réellement, donc on peut arpenter les ruelles autour, entrer dans l'ancien pub, monter des escaliers... Cet ensemble de bâtiments est réel et crée une atmosphère véritable. On a l'impression d'entrer dans un autre monde. C'est un terrain de jeu parfait pour écrire et parfait pour les acteurs, qui peuvent s'immerger dans l'époque et avoir une idée de ce qu'elle était.
Vous êtes fasciné par cette époque ? La fin du XIXe ou le début du XXe siècle en Angleterre ?
Oui, surtout par les années 1880, le summum de l'Empire Britannique. Londres était la capitale du monde en ce temps-là. Un peu comme New York l'est de nos jours. C'était un véritable bouillon culturel, un melting-pot qui attirait tout un tas de gens du monde entier. Il y a tellement d'histoires qu'on pourrait raconter autour de cette période. D'autant qu'elle fait toujours écho à notre monde contemporain et on arrive facilement à s'identifier aux personnages de cette époque.
Et d'ailleurs, après A Thousand Blows et le film Peaky Blinders, vous allez faire House of Guinness, qui se déroule à nouveau au XIXe siècle...
On a même déjà fini le tournage ! Oui, ce sera encore une série historique, mais cette fois avec de la bière ! Donc ce sera encore mieux (rires) On racontera l'histoire de la famille Guinness dans les 1860 et 1870.
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Dans quelle mesure A Thousand Blows est-elle fidèle à la réalité ? Mary Carr a réellement existé...
Comme à chaque fois, j'essaye d'utiliser des événements réels comme un tremplin. Je m'inspire de faits historiques pour créer et imaginer ce qui a pu se passer au milieu. Beaucoup de choses dans la série sont vraies. Notamment en ce qui concerne la vie des boxeurs, Sugar Goodson (Stephen Graham) et son frère, l'ascension de Hezekiah Moscow. Tous ces combats ont eu lieu. Et après, il s'agit d'inventer, d'imaginer les traits d'union entre. J'adore vraiment écrire comme ça. C'est très excitant.
"J'aime écrire des personnages avec un bon fond qui font des mauvaises choses pour une bonne raison"
Comment dessinez-vous des criminels moralement ambigus mais profondément humains comme Mary (jouée par Erin Doherty) dans A Thousand Blows ou Tommy (Cillian Murphy) dans Peaky Blinders ?
Il faut trouver des dialogues cool, pour établir le personnage. On sait que Mary avait une manière de parler qui en imposait. Les photos de l'époque sont très parlantes. Après, il faut imaginer. Partir du principe qu'elle a vécu cette vie parce qu'elle avait ses raisons. Elle a eu une vie difficile. C'est ce que j'essaye d'écrire à chaque fois : des personnages avec un bon fond qui font des mauvaises choses pour une bonne raison. Mes personnages sont souvent désespérés, parfois à cause de la pauvreté, parfois parce qu'ils tentent de survivre. Faire tomber amoureux ces personnages est ensuite la clé de l'histoire. C'est de l'amour que rejaillit l'humanité et le bon en chacun de nous.
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Comment avez-vous tourné les scènes de boxe, qui sont d’une intensité impressionnante ?
Moi je n'ai fait que les écrire ! Mais ils ont filmé ça à merveille. Je suis encore étonné que personne n'ait été blessé durant le tournage ! Tout ça a l'air tellement réaliste. Apparemment, quelques coups ont bien failli faire mal pour de vrai (rires). Mais a priori personne n'a vraiment pris de coups. Parce que c'est le genre de scène qui peut vite avoir l'air bidon et il faut vraiment que ça paraisse réaliste.
Pensez-vous revenir vous-même à la réalisation un jour ? Vous n'avez plus dirigé depuis Serenity en 2019 !
Franchement, réalisateur, c'est un métier difficile. Je crois que je serais prêt à refaire un film comme Locke (2013, avec Tom Hardy), c'est-à-dire un tournage contenu, sur un plateau très cadré. Parce que réaliser, c'est un travail de fou. Il faut prendre en compte le monde entier, le ciel, la météo, la nuit, les autres. Écrire, seul avec ma tasse de thé, ça me va parfaitement. Maintenant, il m'arrive parfois d'écrire des choses que j'ai envie de mettre en scène moi-même. Donc oui, je pense que j'y reviendrai un jour.
A Thousand Blows en 6 épisodes sortira le 21 février sur Disney+ en France.
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