Première
par Didier Roth-Bettoni
Adapté d’un roman, vite devenu culte, de Sapphire (Push, paru en 1996), Precious mêle avec bonheur réalisme social plombant et fantaisie onirique, humour caustique et sens du tragique, mélodrame et espoir. Le talent de cinéaste-DJ de Lee Daniels, qui pourrait être
clinquant mais ne l’est (presque) jamais, est tout aussi virtuose dans sa manière de mixer les musiques, les ambiances visuelles ou des comédiens venus d’univers différents : débutante en tête d’affiche, pop et rock-stars en seconds rôles (Mariah Carrey, Lenny Kravitz), vedettes télé, acteurs de caractère (l’incroyable Mo’Nique)..., tous également parfaits.
Precious est affligeant. On dira que le film est inspiré d’une histoire vraie (et surtout d’un livre d’une puissance folle). Ce n’est pas une excuse. Le problème, c’est que Daniels sombre dans la démagogie – pire, dans la manipulation –, et ne recule devant aucun artifice grossier pour faire pleurer dans les chaumières. Et surtout pour nous éviter de réfléchir. On connaissait le torture porn (Hostel, Saw et toute cette frange du cinéma US qui exploite la torture), Daniels invente le social porn. Une façon pornographique et archicomplaisante de mettre en scène la violence et la pauvreté, en balançant à la gueule du spectateur les traumas les plus pathétiques avec force clichés
et autres atmosphères de sexploitation gothique rances. Precious ? Ridicule !