La comédie de zombies de Jim Jarmusch, sans rythme et jamais drôle, est une grosse déception.
Le sous-genre "comédie zombie" est clairement dépassé depuis une demi-douzaine d’années, mais on était quand même curieux de voir ce qu’il pouvait donner aux mains de Jim Jarmusch – le réalisateur aux cheveux argentés, après tout, a passé sa vie à filmer des morts-vivants, de l’apparition spectrale d’Elvis dans Mystery Train à l’errance de Johnny Depp dans l’Ouest terminal du bien-nommé Dead Man. Mais The Dead don’t die (beau titre, qui prend une résonnance symbolique en ouverture d’un Festival de Cannes septuagénaire qui entend prouver sa vitalité et son mordant à l’ère de Netflix et Game of Thrones) déçoit méchamment. A quel moment exactement la nonchalance zen de Jarmusch s’est-elle transformée en pure mollesse ? Sa légendaire langueur dandy en torpeur arthritique ? Le film, dans lequel Bill Murray, Chloë Sevigny et Adam Driver jouent les flics d’un petit bled de l’Ohio à la Twin Peaks tentant de repousser flegmatiquement une invasion zombie, avait tout, sur le papier, pour être, au pire, un petit divertissement sympa. Mais il est plombé par une absence totale de rythme, d’envies, d’idées. C’est sans doute le premier film de l’histoire du cinéma où Bill Murray ne déclenche pas un seul petit sourire, la moindre esquisse d’émotion – l’acteur s’y balade les bras ballants, l’air ailleurs, aussi mou et éteint que les "goules" qu’il affronte.
Vieil ermite
Jarmusch se sert de l’imagerie zombie pour raconter l’horreur que lui inspire le monde contemporain (les morts sortent de terre parce que le climat est déréglé, les climato-sceptiques se déchaînent à la radio, Steve Buscemi joue un plouc pro-Trump, etc) et se projette dans la figure d’un vieil ermite incarné par Tom Waits, un clochard vivotant dans les marges du monde et observant le massacre à bonne distance. Le programme serait honorable s’il n’était alourdi par les manières d’antiquaire rock du maître des lieux : son fétichisme des emblèmes de la contre-culture du XXème siècle (le film est bourré de clins d’œil à Romero, Hitchcock, Sam Fuller, Nosferatu...) provoque un sentiment d’étouffement mortifère, comme si la boutique de memorabilia pulp tenue dans le film par Caleb Landry Jones s’effondrait sur nous. Le tout au service d’une morale vaguement réac. Le point de non-retour est atteint lorsque (attention : petit spoiler) Bill Murray et Adam Driver se mettent à discuter à voix haute du script du film qu’on est en train de regarder, dans un décrochage méta du pire effet, citant nommément le réalisateur ("Jim t’a donné le script ?"). On ne peut pas en vouloir à Jarmusch d’être devenu vieux. Mais d’être auto-satisfait et misanthrope, oui, quand même un peu. Notre amour pour lui ne mourra jamais. Mais là tout de suite, il est comme les personnages de The Dead dont die : en demi-sommeil, six pieds sous terre.
The Dead don't die, de Jim Jarmusch, avec Bill Murray, Adam Driver... En salles le 15 mai.
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