Le dernier film du réalisateur de La La Land a bien marché en France après son flop américain. Il nous en parle à l'occasion de sa sortie en DVD et blu-ray.
La sortie en vidéo de Babylon -et en VOD, par exemple sur Première Max- est l’occasion de faire le bilan avec son réalisateur Damien Chazelle, quelques mois après le crash du film au box-office US et son succès cocorico en France.
Par Frédéric Foubert
PREMIÈRE : Le miroir que vous tendez à Hollywood dans Babylon est si cruel et cauchemardesque que le rejet du film par les critiques, le public US et les Oscars était presque prévisible, non ?
DAMIEN CHAZELLE : Disons qu’on savait que c’était un film extrême, qui allait diviser. Il y a des gens qui supportent très bien les scènes avec beaucoup de sexe, de drogues et de, hum, fluides corporels, et d’autres qui n’apprécient pas ça du tout.
Nous, Français, aimons bien nous vanter du fait qu’il a eu du succès ici, comme un symbole de notre attachement au star-system, à l’histoire du cinéma...
Je suis toujours un peu partagé entre la France et l’Amérique pour des raisons familiales, et c’est assez passionnant d’observer les différences de réaction d’un pays, d’une culture à l’autre. Peut-être avez-vous raison, que parce que le film parle de Hollywood, il était plus répréhensible pour les Américains. Mais je ne suis pas le meilleur juge, j’ai encore trop le nez dedans. Dans dix ans, j’aurai peut-être une analyse beaucoup plus sophistiquée. C’est vrai que dans l’idéal, on
aimerait que tout le monde soit unanime. Et en même temps, ça faisait partie intégrante de la nature de Babylon de créer, pas forcément des controverses, mais des discussions, des débats, voire des disputes.
De ce point de vue-là, c’est un succès...
Oui, bon, je ne vais pas vous mentir, c’est plus amusant quand tout le monde aime votre film !
Finalement, la scène la plus « scandaleuse » n’aura pas été celle de l’orgie, ni de l’éléphant qui défèque, mais ce montage final qui retrace l’histoire du cinéma en accéléré...
Oui, mais ça, je l’avais vu venir, parce que la séquence suscitait déjà énormément de
débats pendant le montage. Quand on la montrait aux collaborateurs du film, aux gens du studio, leurs réponses épousaient toute la gamme : il y avait ceux qui adoraient, ceux qui détestaient, ceux que ça déstabilisait, ceux que ça rendait euphoriques... Personne ne restait indifférent.
Vous avez le sentiment d’avoir cassé votre image avec ce film ? Vous étiez considéré comme un cinéaste bien élevé, et là vous passez du statut d’enfant prodige à celui d’enfant terrible...
Ah ah ! (Il explose de rire.) Je ne sais pas si c’est vrai mais j’aime bien cette idée ! C’est marrant, vous savez, parce que quand j’ai fait Whiplash, je m’attendais à plus de scandale. Je ne m’imaginais pas du tout gagner à Sundance par exemple, je pensais que le film n’était pas assez politiquement correct. Et finalement, la réception a été beaucoup plus unanime que prévu. C’est bien la preuve qu’on ne sait jamais vraiment. Mais j’aime l’idée de créer de la conversation chez les spectateurs : c’est peut-être pour ça que j’écris souvent des scènes finales ambiguës, qui suscitent des interprétations différentes. On ne fait pas des films pour dégoûter les gens, ou déclencher des scandales, ou devenir un enfant terrible. On fait des films en sachant que ça peut bousculer, tout en espérant qu’au moins quelques personnes vont l’aimer. Le reste, on ne peut pas le contrôler.
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