Comment la réalisatrice de Lady Bird et des Filles du Docteur March a-t-elle conquis Hollywood ? Retour sur son parcours sans faute.
France Ha revient en ce samedi soir sur France 4. Sorti à l'été 2013 au cinéma, ce film de Noah Baumbach avait conquis Première. Alors en attendant d'en savoir plus sur le prochain film du cinéaste américain, on vous le conseille : "Frances (Greta Gerwig) aspire à devenir danseuse mais son niveau ne le lui permet pas. Alors elle se démène autrement et porte son énergie du désespoir en étendard. Baumbach la regarde en noir et blanc pour mieux accentuer ce décalage. Une réussite !"
Nous repartageons également notre portrait de sa comédienne principale.
Elle a démarré en faisant des films fauchés, pour devenir avec Barbie la réalisatrice à avoir signé le meilleur démarrage de l’histoire du box-office US, avec 162 millions de dollars de recettes pour son premier week-end. Loin devant Patty Jenkins et Wonder Woman (103 millions de dollars), et même Anna Boden qui avait co-réalisé Captain Marvel (153 millions de dollars) avec Ryan Fleck. Comment la Reine des hipsters new-yorkais (pourtant née à Sacramento), l’égérie du cinéma mumblecore, a-t-elle pu devenir la nouvelle machine à cash d’Hollywood ? Rembobinons un peu pour essayer de comprendre.
Greta Gerwig fait ses débuts au cinéma en 2006 avec un petit rôle dans LOL, une comédie de Joe Swanberg au budget minuscule présentée au Festival South by Southwest avant de sortir directement en DVD. Mais son véritable objectif est déjà d’écrire. Sa rencontre avec Swanberg lui offrira très vite cette opportunité. En 2007, elle co-signe avec lui le scénario de Hannah Takes the Stairs, puis la réalisation de Nights and Weekends en 2008. Elle n’a que 25 ans, mais déjà la critique lui fait les yeux doux.
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Une autre rencontre, celle de Noah Baumbach, va lui faire franchir un nouveau cap. Elle fait chavirer le coeur tourmenté de Ben Stiller dans Greenberg, son premier rôle majeur, puis apparait dans To Rome with Love de Woody Allen, soit le réalisateur modèle de toute cette génération du cinéma indé made in New York.
"Son influence est dure à mesurer tellement elle est ancrée profondément", déclare-t-elle en 2013. "On a baigné dedans. Noah a grandi à Brooklyn et est allé dans le même lycée que Woody. J’ai eu une expérience différente en grandissant en Californie, je me sentais très loin de New York et je voulais en faire partie. On idolâtrait tous les deux Woody Allen".
En 2013, elle devient définitivement une icône branchée avec Frances Ha, co-écrit avec Baumbach, où elle donne la réplique à Adam Driver. Rebelote en 2015 avec Mistress America. La carrière de Greta Gerwig est lancée, et plus rien ne l’arrêtera. Il est temps pour elle de s’atteler à son premier projet en solo, Lady Bird, qu’elle écrit depuis des années. Pas de Pygmalion à ses côtés cette fois, elle signera seule le scénario et la réalisation. La consécration vient aussitôt. Cette touchante comédie dramatique, portée par Saoirse Ronan, remporte le Golden Globe de la meilleure comédie et décroche plusieurs nominations aux Oscars (dont la meilleure réalisation et le meilleur scénario).
Greta Gerwig a du talent, elle est dans l’air du temps, et elle le sait. "J’ai fait la tournée des festivals avec ce film et je vois bien que les gens ont envie de ça, de voir une coming-of-age story centrée sur une jeune fille en train de s’accomplir, sur ses rapports avec sa mère", confiait-elle à Première en 2016 pour la sortie de Lady Bird. "Les temps changent, il y a un appétit immense pour les films mis en scène par des femmes. J’ai rencontré cette année plein de réalisatrices dont j’admire les films. J’ai adoré Wonder Woman, par exemple, tout le passage sur l’île des femmes guerrières. J’étais en larmes ! Patty Jenkins a fait un boulot incroyable."
De Docteur March à Barbie
Elle rêve déjà de blockbuster, mais il y a encore des étapes à franchir avant. Une étape, en réalité, lui suffira à changer de statut. Elle joue encore ici ou là (un petit rôle dans Jackie de Pablo Larrain, une voix dans L’Ile aux chiens de Wes Anderson), mais la mise en scène occupe tout son esprit. Et il est déjà l’heure pour elle de réaliser son premier gros film. Ce sera Les Filles du Docteur March, une nouvelle adaptation du roman culte de Louisa May Alcott. Le budget est conséquent (45 millions de dollars). Elle dirige Emma Watson, Florence Pugh, Timothée Chalamet ou Meryl Streep et séduit encore la critique et l’Académie des Oscars.
Pour une jeune réalisatrice qui n’a pas fait d’école de cinéma, la trajectoire est fulgurante : "Je pense que j’ai eu beaucoup de chance", nous confiait-elle juste avant la sortie de Barbie et la grève des acteurs. "J’ai travaillé comme actrice, ce qui m’a donné beaucoup d’expérience. Puis j’avais co-écrit quatre films je crois, quand j’ai réalisé Lady Bird. Et en passant de Lady Bird aux Filles du Docteur March, je suis encore montée d’un cran, avec plus d’équipes à manager, un plus grand plateau à gérer. Avoir pu passer les étapes ainsi m’a beaucoup aidée. La génération de cinéastes actuelle n’a pas souvent la chance de vivre ces étapes intermédiaires. Les films de la taille des Filles du Docteur March sont extrêmement rares. Alors que passer d’un film minuscule à un film massif, c’est un problème."
Greta Gerwig : "Ken n’est rien sans Barbie, c’est une figure hilarante et tragique"Greta Gerwig a désormais une solide réputation, les actrices rêvent de tourner pour elle puis lui tressent des louanges après l’avoir côtoyée sur un plateau. "Lors de ma toute première rencontre avec Greta voilà deux ans, je lui avais littéralement crié mon envie de travailler avec elle !", nous racontait Florence Pugh pour la sortie des Filles du Docteur March. "Greta, c’est la grande sœur que tout le monde voudrait avoir. Et dès la première lecture de son scénario, j’ai vraiment été impressionnée par son travail d’écriture, par la véracité de ces personnages qui faisaient famille dès les premières pages. Elle crée d’emblée de l’empathie avec chacune de ces héroïnes et le rythme rapide de son écriture fait penser à celui d’une comédie musicale."
Hollywood à ses pieds
Avant même que Les Filles du Docteur March arrive en salle, Greta Gerwig décroche un nouveau boulot encore plus important. Margot Robbie a été choisie pour incarner Barbie au cinéma et produire le film. Et elle la veut dans le projet. Gerwig commence à travailler sur le script avec Noah Baumbach, puis le Covid met le monde sous cloche. Ils l’écriront confinés, terrifiés par la peur que le cinéma ne s’en remette jamais. Mais libérés aussi. "On s’est dit jouons le tout pour le tout. Qui sait si le cinéma reviendra un jour ? Alors faisons cette comédie sauvage et anarchique, avec aussi de l’émotion. C’était une réponse à notre isolement", se souvient la réalisatrice.
Margot Robbie tombe amoureuse du script, puis Ryan Gosling, retenu pour le rôle de Ken aussi. Et tous les acteurs et actrices qui rejoignent le casting. Robbie s’emballe devant les huiles de Warner Bros, leur assure que le film peut faire un milliard de dollars au box-office. Elle pense bluffer, mais l’avenir lui donnera peut-être raison. Barbie a cartonné durant tout l'été 2023 au cinéma. Greta, elle, a déjà une autre montagne à gravir : réaliser deux films adaptés du Monde de Narnia pour Netflix.
"Je n'ai même pas encore commencé à m'en imprégner. Mais j'en ai vraiment peur, ce qui me semble être un bon point de départ", a-t-elle glissé à Total Film. "Non, je suis terrifiée. C'est extraordinaire. Nous verrons bien, je ne sais pas". Greta Gerwig, qui a fêté ses 40 ans au moment du triomphe de sa poupée, est déjà sur le toit d’Hollywood. Le plus dur sera maintenant de s’y maintenir.
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