Après 2 millions d’entrées en 2 films, la bande des SEGPA passe à la vitesse supérieure en adaptant une autre websérie sur grand écran. On a passé une soirée sur le tournage du « Bad Boys de Marseille », entre scène de fusillade et créativité débridée. On vous raconte.
En juin dernier, Première s'est rendu sur le tournage de Sous écrous. Alors que le film débarque ce mercredi dans les salles, on vous raconte (extrait du magazine Première 556, novembre 2024).
Il reste cinq jours de tournage, et le réalisateur Hakim Bougheraba a des raisons d’être un peu claqué. "Ça fait deux mois qu’on tourne, là. J’ai l’impression de réaliser Avengers." Il filme Sous écrous depuis mi-avril et se prépare à une séquence de nuit – les plus fatigantes, pour les raisons qu’on imagine. Et puis, il y a forcément un peu de pression industrielle.
Sous écrous n’est pas une petite comédie potache tournée en famille – enfin, si, mais cette fois il va falloir être à la hauteur du succès des deux premiers longs métrages de la bande. Les SEGPA : 730 000 entrées au printemps 2022, et Les SEGPA au ski : presque 1,4 million d’entrées en décembre 2023. Deux adaptations de webséries dont la popularité auprès d’un public jeune a permis le passage au grand écran. Même punition donc, pour Sous écrous : chaque épisode de la série d’origine diffusée sur YouTube en 2022) a réalisé entre 3 et 6 millions de vues. Le calcul a été très vite fait.
Voici donc Sous écrous, le film. Si les SEGPA (héritiers modernes et mal élevés des Sous-doués) se moquaient gentiment du système scolaire, Sous écrous, la websérie, se déroulait entièrement dans une cellule de prison et racontait le quotidien de deux détenus, le gentil glandeur Samy (Ichem Bougheraba, petit frère de Hakim) et le petit nerveux Nada (Arriles Amrani). Le pitch de la version cinéma est aussi simple : Samy, livreur de pizzas, est le sosie d’Eddy, un super- mafieux traqué par ses concurrents. Toute la dynamique du film repose sur cette comédie d’erreurs lorsque l’on prend Samy pour Eddy et vice versa.
Mais Sous écrous, le long métrage, sera aussi un film d’action cool avec fusillades, cascades et explosions. "En termes d’action, on est beaucoup plus staffés que sur les deux SEGPA", explique la directrice de production, Vanessa Gomez.
"L’autre jour, on a fait exploser une voiture sur le Vieux-Port..."
Elle nous guide sur le lieu de tournage du Avengers de Hakim Bougheraba, dans une conserverie du port de Saumaty, au nord de Marseille. Nous sommes début juin. Le défi du jour : tourner une fusillade impliquant presque tous les protagonistes du film – dont une bande de tueuses menée par Aurélia Agel, cascadeuse formée au CUC (Campus Univers Cascades), doublure entre autres de Charlize Theron dans Fast & Furious X. Hakim est au taquet. "Frachement, on s’amuse, je n’ai pas d’ambition personnelle. Je veux juste faire le meilleur film possible, et qu’il nous plaise à nous d’abord. Si c’est le cas, j’imagine qu’il y aura un écho chez le public. Ce n’est pas le même format ni la même dramaturgie que la série d’origine. Sur YouTube c’était des sketches ! On a repris des personnages, mais attention, on n’est pas dans la continuité de la série. C’est juste le même univers."
Il faut donc voir Sous écrous, le film, comme un soft reboot.
On s’est aussi fait plaisir côté action. Rester en prison, c’est anxiogène. On a grandi avec Bad Boys, Taxi... D’ailleurs, tourner avec Bernard Farcy, quelle fierté ! En prison, c’est compliqué d’avoir de la mixité, on a rajouté des personnages féminins assez forts avec une team de braqueuses. Mais c’est instinctif, pas du tout calculé. La quasi-totalité des acteurs de la série est là !"
Sauf Sofiane Zermani : "Il a pris du galon, on ne voulait pas lui offrir un petit rôle. Si on fait une suite, par contre, bien sûr..."
Le grand frère Bougheraba, Ali, débarque. Il nous raconte comment il a entraîné toute la famille dans le théâtre. Co-réalisateur des deux SEGPA avec Hakim, il a laissé son frère réaliser seul Sous écrous en se contentant d’être scénariste (il est parti en Inde tourner une comédie sur la délocalisation avec son autre frère Redouane). "C’est bien qu’il prenne son envol... en plus, ce genre de film qui mélange l’action et la comédie est assez rare en France. À part Philippe Lacheau, qui ait des trucs sympas, il n’y a pas grand-chose. Et puis, c’est une bonne chose qu’on soit là pour donner une touche marseillaise au film."
Le plateau est bruyant, agité, l’assistant réalisateur doit crier pour demander le silence. Ichem arrive : habillé comme Eddy, avec sa tresse, ses fringues noires, son long manteau, ses lunettes de soleil et ses flingues, on dirait un mélange entre Néo de Matrix et Zlatan Ibrahimovic. "Ah ouais ! Zlatan, c’est notre référence ! La tresse et l’attitude. Mais j’aimerais bien avoir son coup de pied" reconnaît-il, avant de mettre de la barbe et des prothèses dentaires pour jouer Samy. Ichem a suivi une sérieuse formation de cascadeur pour assurer son rôle, tirer, donner des coups, en recevoir...
On prépare les armes. L’équipe distribue des boules Quiès à tout le monde sur le plateau. "Il y aura un tir réel, protégez vos oreilles ! On va tourner, on va tirer !" Ichem répète la scène en mimant le recul de son fusil d’assaut, et demande des conseils de jeu à son grand frère :
"Quand je tire j’enchaîne tout le monde, à la Call of ?"
On rigole, on rigole, mais l’ambiance est sérieuse : il s’agit quand même de se tirer dessus avec des balles à blanc. Sécurité oblige, tout cela a pris quelques heures de préparation. Et quand on tourne enfin, le bruit des balles est assourdissant, surtout dans l’espace confiné de l’entrepôt de la conserverie (on espère que la police marseillaise ne prendra pas ça pour un vrai règlement de comptes). Ichem bouge bien : il doit tirer, changer d’armes, se mettre à couvert... Après chaque prise, il va vérifier ses mouvements au retour caméra pour se corriger. Et il se prend peu à peu au jeu, excité par l’action : "48 images par seconde, boum ! Ichem tir réel !" crie-t-il après une prise. De leur côté, Bernard Farcy et Arriles Amrani patientent dehors, assis sur des chaises, en discutant passionnément de la Ligue des champions et des performances du Real Madrid. Pendant ce temps, les fusillades continuent, jusque tard dans la nuit. Bernard Farcy, autour de minuit, se demande : "La bouillabaisse, c’est vers quelle heure ?"
Sous écrous, de Hakim Bougheraba, sortie le 18 décembre au cinéma.
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