La Plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius
StudioCanal

En adaptant l’œuvre de Jean- Claude Grumberg, le réalisateur de The Artist signe un bouleversant conte sur les Justes et la Shoah.

Michel Hazanavicius dessine depuis longtemps. Le jardin secret de ce diplômé de l'Ecole Nationale d'Arts de Paris Cergy qui aurait dû le rester car il n’avait jamais vraiment envisagé de montrer ses dessins au- delà de son cercle de ses proches. Jusqu’à ce qu’il découvre La Plus précieuse des marchandises de Jean- Claude Grumberg, ami d’enfance de ses parents et jusqu’à ce que celui- ci glisse son nom au producteur Patrick Sobelman pour porter à l’écran son œuvre. Dès lors, l’évidence l’emporta. Lui qui s’était pourtant juré de ne jamais réaliser de film sur la Shoah car se sentant incapable d’affronter la question à ses yeux insoluble de sa représentation par la fiction a fini par sauter le pas. L’ appel de qu’il avait lu, un classique instantané à ses yeux, a été plus fort que tout. Tout comme sa certitude que seule l’animation allait pouvoir permettre de traduire en images le choc qu’il avait ressenti à sa lecture. Et la découverte de son film valide instantanément sa décision de s’aventurer sur ce terrain complexe. Par sa limpidité et sa manière de bouleverser sans jamais confondre sensibilité et sensiblerie.

L’action de La Plus précieuse des marchandises se déroule en Pologne au cœur de la seconde guerre mondiale. Dans le train le conduisant et lui et sa famille vers les camps de la mort, un homme décide de balancer par la fenêtre son nouveau- né pour lui donner un espoir de vivre. Une bûcheronne qui souffre dans sa chair de ne pas pouvoir avoir d’enfant va alors recueillir cette petite fille et l’élever contre l’avis de son mari, bûcheron lui aussi, et gangréné par l’antisémitisme de l’époque avant de devenir le plus grand défenseur de cet enfant en danger dès lors que ses camarades de travail, mus par la haine du Juif, décideront de l’éliminer

La Plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius
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La grande réussite d’Hazanavicius est d’avoir su traduire en images la puissance irrésistible de cette histoire et sa dimension de conte qui tranche sur le papier avec l’horreur de ces années- là. Le style de son animation, ce réalisme minimaliste, ce dépouillement dans toutes les scènes qui se déroulent dans cette forêt nappée de brume et de flocons tranche avec celles, saisissantes, mettant en scène le père de cet enfant à Auschwitz où Hazanavicius passe alors d’une image animée à une image inanimée, rappelant les toiles de Munch. Hazanavicius n’esquive rien mais passe par la suggestion pour ne pas montrer l’immontrable mais le faire puissamment ressentir tout en ne cessant jamais de rappeler, par l’histoire de ce bûcheron et cette bûcheronne, Justes parmi les Justes, que même dans l’obscurité la plus tragique, l’amour et la solidarité ne cessent jamais d’exister.

Mais, répétons- le, il y a dans ce geste des ténèbres vers la lumière rien de forcé, de scolaire, de purement programmatique. Une croyance dans la puissance de l’art contre tous les obscurantismes, qui résonne évidemment fort avec ce que nous vivons depuis le 7 octobre dernier, accompagnée par les somptueuses compositions d’Alexandre Desplat et la voix inimitable et chargée d’humanité de Jean- Louis Trintignant dans le rôle du conteur. Après Mes amis, The Artist, The Search, Le Redoutable et autres Coupez !, Michel Hazanavicius prouve une fois de plus son aisance à arpenter des genres aux antipodes les uns des autres, à ne jamais s’enfermer dans une quelconque de zone confort. Le festival d’Annecy 2024 ne pouvait pas mieux débuter qu’avec cette Plus précieuse des marchandises.

De Michel Hazanavicius. Avec les voix de Jean- Louis Trintignant, Dominique Blanc, Grégory Gadebois. Durée : 1h21. Sortie le 20 novembre 2024

La Plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius
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